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  • Marc Chagall

    Marc Chagall


    Памер: 69с.
    Парыж 1995
    66.03 МБ
    Cette esthétique sera celle de Chagall tout le long de sa création de plus de soixante-dix ans. Non qu’il peigne comme les enfants, mais il a su faire plier tous les acquis des académies et des écoles stylistiques parisiennes, germaniques ou russiennes à cette volonté créatrice (Kunstwollen) faite de liberté totale du trait et de disponibilité au cœur aimant.
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    De haut en bas : Etude pour le Saoul, 1911, (variante), recto, gouache sur papier, 16,5 x 25,4 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Photo Ph. Migeat.
    Deux Nus couchés, 1911, gouache et encre noire sur papier, 20,2x28,9 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Photo Ph. Migeat.
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    Chagall, avant de partir pour Paris dans le courant de l’année 1910, a pu être témoin de l’effervescence de la vie artistique russe. Le néo-primitivisme de Larionov triomphe à Moscou en 1909 lors d’une exposition de la Toison d’or, mettant en avant une thématique provinciale, triviale, des références plastiques explicites à l’image populaire (le loubok), aux enseignes de boutique, aux icônes, à la sculpture sur bois (moules à pâtisserie, décors des izbas, jouets), aux peintures naïves sur les carreaux de faïence des poêles russes etc. Larionov est suivi par toute une pléiade de jeunes artistes, sa compagne Natalia Gontcharova, les Ukrainiens David et Vladimir Bourliouk; ces derniers amènent à Saint-Pétersbourg leur exposition moscovite de la Guirlande (Viénok-Stephanos), que Chagall a sûrement vue : l’exposition provoque l’ire d’Igor Grabar, un épigone des impressionnistes français, qui se moque de ces artistes peignant «l’un avec des carrés, l’autre avec des virgules et le troisième avec un balai».
    Le néo-primitivisme russe est la révolution esthétique qui marque tout Part russe d’avant-garde, quel que soit son style dominant, jusqu’à la fin des années vingt. C’est là que Chagall a pu avoir les premières impulsions décisives pour son iconographie et sa picturologie : multiperspectivisme, simultanéisme, présentation d'un personnage au premier plan sur toute la surface du tableau avec tout autour des personnages, des animaux ou des paysages plus petits, combinaison de plusieurs styles, humour, alogisme.
    Dans un des tout premiers chefs-d’œuvre de Chagall, le Mort, qui fut exposé en 1910 à Saint-Pétersbourg avec les œuvres des élèves de l’école Zvantséva, toutes ces données sont présentes : schématisation des contours, gestuelle figée, personnages aussi grands que les maisons, alogisme du violoneux sur le toit, du mort dans la rue, du balayeur et d’un autre personnage, de dos, dont on ne voit que le bas du corps, qui s’engouffre entre deux maisons comme si de rien n’était.
    Nu en mouvement, 1913, gouache sur papier, 34,7x23,9 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Photo Ph. Migeat.
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    CHAGALL À PARIS
    Hommage à Apollinaire, 1911, huile sur toile, 209 x 198 cm. © Stelelijk Van Abbemuseum, Eindhoven. D. R.
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    A Paris, où il séjourne entre 1910 et 1914, Chagall assiste à la diffusion du cubisme, dont Picasso et Braque sont les hérauts. Outre les jeunes artistes qui peuplent alors la capitale des arts, il fréquente aussi des critiques et hommes de lettres tels Guillaume Apollinaire et Biaise Cendrars, avec lesquels il se lie d'une grande amitié. Le premier, entrant dans l'atelier de Chagall, murmura, prophétique, le mot «surnaturel», qui allait qualifier l'œuvre de Chagall. Dans ï'Hommage à Apollinaire, allégorie de la destinée amoureuse incarnée par les figures d'Adam et Eve, Chagall a regroupé autour d'un cœur percé le «carré» de ses amis : Riciotto Canudo, Herwarth Walden, Guillaume Apollinaire et Biaise Cendrars.
    De haut en bas : le Peintre au chevalet, 1914, encre noire sur papier gris, 15x1 2,9 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Photo Ph. Migeat.
    En pensant à Picasso, 1914, encre noire sur papier quadrillé, 19,1 x 21,6 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Photo Ph. Migeat.
    Arrivé à Paris dans le courant 1910, Chagall s’ins-talle au 18, impasse du Maine (aujourd’hui impasse Bourdelle) en plein cœur de Montparnasse, puis obtient à la fin de 1911 un plus grand atelier dans la célèbre colonie d’artistes de la Ruche, au 2 de la rue de Dantzig. Là il rencontre aussi bien ses compatriotes de l’empire russe tels Archipenko ou Soutine, que Léger, Laurens ou Modigliani. Comme tout jeune artiste de cette époque, il fréquente l’académie de la Palette où enseignent notamment le Fauconnier et Dunoyer de Segonzac, et l’académie de la Grande Chaumière.
    Chagall est donc à Paris pendant cette fameuse année 1911 qui voit la diffusion du cubisme, sa popularisation, pour ne pas dire sa vulgarisation à l’Exposition des indépendants au printemps et au fameux Salon d’automne où «une salle entière est assignée à ceux que l’on appelle “cubistes”, “cilindristes”, “cristallistes” et Dieu sait quels “istes”», dit un chroniqueur russe de l’époque. Le voisin de Chagall à la Ruche, l’Ukrainien Archipenko, pouvait alors écrire dans le journal russe de Paris, le Messager de Paris, que l’«école cubiste» avait un grand avenir, qu’elle avait étudié «non seulement les classiques mais aussi le grand style égyptien dans lequel l’architecture des corps était construite à partir de figures géométriques presque exactes».
    Les Russes ont même une salle aux Indépendants de 1911 avec les cézannistes fauves et priinitivistes du Valet de carreau né à Moscou en 1910 (Mach-kov, Piotr Kontchalovski), Kandinsky (représenté par son étonnant Lyrique), Marie Vassilieff, Bara-noff-Rossiné, le sculpteur Zadkine, etc. La Nature morte (1911) que présente Chagall est tout à fait dans l’esprit des peintres du Valet de carreau : cé-zannisme géométrique, présence du primitivisme (les fleurs sur la tasse, la perspective inversée), couleur fauviste. Pourtant, si Chagall intègre très vite à son art les principes plastiques de la géométrisation cubiste, il ne s’y attardera pas. Ce n’est visiblement pas son élément naturel. Il reste avant
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    De gauche à droite : Maternité, 1912-1913, huile sur toile, 193 x 116 cm.
    © Stedelijk Muséum, Amsterdam.
    Dédié à ma fiancée, 1911, huile sur toile, 213 x 132,5 cm. Musée des Beaux-Arts, Berne. © Giraudon.
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    De gauche à droite et de haut en bas : le Soldat boit, 1911-1912, huile sur toile, 1 10 x 95 cm. © The Solomon R. Guggenheim Muséum, New York. D.R.
    Couple de paysans, 1914, encre noire sur esquisse au crayon sur papier, 1 8,5 x 22,8 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Photo Ph. Migeat.
    La Maison grise, 1917, huile sur toile, 68 x 74 cm.
    Collection particulière, Bruxelles. © Artephot.
    Marc Chagall et Yéhouda Pen entourés d'amis dans la cour de la maison natale du peintre à Vitebsk, 1918. Photo D. R.
    tout un primitiviste impénitent dont la source d’inspiration est visiblement aussi bien le loubok que l’enseigne de boutique. Aussi, tout naturellement, il est invité par Larionov à sa célèbre exposition de la Queue d’âne en 1912 à Moscou, exposition qui veut se démarquer des cézannistes fauves du Valet de carreau, trop à la traîne de la peinture civilisée et raffinée de l’Occident. Les artistes de la Queue d’âne prônent une nouvelle structure du tableau, non plus celle directement héritée du tableau de chevalet cézannien, mais celle précisément des œuvres populaires.
    Même s’il s’approprie avec beaucoup de subtilité les nouveautés formelles du cubisme ou celles, coloristes, du fauvisme ou de l’expressionnisme européens, Chagall reste à part dans la peinture française ou germanique d’avant la guerre de 1914. Cela ne vient pas seulement de l’exotisme de
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    LES DESSINS
    Le Montreur de marionnettes, 1916, encre noire sur papier d'emballage brun, 25,7 x21,4 cm. © MNAAA, Centre Georges Pompidou. Photo Ph. Migeat.
    C'est par le crayon et la plume que, dès l'école, Chagall découvre son désir de devenir artiste. Et tout au long de son œuvre, il a accordé autant de prix aux dessins qu'aux peintures. Crayon, encre, aquarelle et gouache servent des études préparatoires mais pas seulement.
    Une partie importante de son activité graphique témoigne en effet d'une très grande liberté et ses œuvres ne valent que pour elles-mêmes. Ainsi en 1917, il exposera à la galerie Dobitchine 69 dessins pour seulement 4 toiles. Chagall n'aura d'ailleurs jamais autant dessiné que pendant les années 20 : il produit une multitude de compositions à l'encre, où la concision du trait le dispute au dépouillement des aplats. Certaines feuilles développent l'idée de la progression et du mouvement tel ce réjouissant Village en marche.
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    De gauche à droite et de haut en bas : A ceux partis avant le temps, 1919, encre noire sur papier vélin, 20,8 x 17,1 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris.
    Photo Ph. Migeat.
    Le Village en marche, 1920, encre noire sur papier, 33 x 29 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. Profil à la fenêtre, 1918, gouache et encre sur carton brun, 22,2 x 17 cm. ©MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris.
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    Derrière la maison, 1918, huile sur carton, 60,5 x 46 cm.
    Galerie nationale de peinture, Erevan. D. R.
    l’iconographie judéo-slave, mais aussi et surtout de la complexité de chacune de ses créations qui conjuguent diverses cultures picturales. Cette complexité est le propre de toutes les œuvres russes concernant le premier quart du XXe siècle dont les images sont plurivoques. De même l’alogisme, qui est présent dans la plupart des œuvres de Chagall - têtes qui se baladent, tourne-boulées, objets et personnages renversés -, est un trait distinctif de beaucoup de tableaux de Mikhaïl Fiodorovitch Larionov, de David Bourliouk
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    Vue de la fenêtre à Zaolchié près de Vitebsk, 1915, huile sur toile et gouache, 100 x 80 cm. Galerie Trétiakov, Moscou. D.R.
    et de Vladimir Tatline, devenant même en 1913-1914 chez Casimir Malévitch ou Yvan Pougny un élément dominant de la création.
    La critique a souligné à l’envi le caractère à part de l’art chagallien. Son premier biographe, le critique russe lakov Tugendhold insiste là-dessus : «Je me souviens de l’impression que [ces travaux] me laissèrent au Salon d’automne, parmi les créations “cubistes” de Le Fauconnier et de Delaunay, ces novateurs et “fauves”». Alors que les constructions