La Marchande et le poète
Іван Шамякін
Выдавец: Юнацтва
Памер: 323с.
Мінск 1983
— Tu aurais pu me divertir un peu mieux.
— Tu veux que je te paie cher.
— Moi? Etre payé? Par toi? Au contraire, je veux te couvrir d’or. Tu vois que je suis bon. Je te demande en mariage selon la tradition.
La porte de la maison s’ouvrit avec fracas et une voix jeune et aiguë leur cria:
— Eh, vous! Arrêtez-vous!
Lis se retournèrent. Deux hommes s’approchaient d’eux: l’un portait l’uniforme de soldat allemand, sans arme, l’autre, haut et maigre, avait des lunettes rondes, il était habillé en civil: un pardessus noir et long, un chapeau haut gris d’astrakan qui le faisait encore plus long; ce binoclard était de deux têtes plus haut que le soldat.
Droutka s’avansa vers eux. Mais l’autre lui cria méchamment:
— Arrête le cheval, badaud!
Olga n’eut pas peur, elle ne pensa même pas à ce qu’elle avait pensé du poste de contrôle à Minsk. Mais elle obéit et courut pour rattraper le cheval.
Le cheval avait fait une centaine de pas. Elle avait peur de crier: il se mettrait à courir, cela arrive souvent avec les chevaux. Mais c’était un cheval intelligent: il entendit le bruit des pas derrière lui et s’arrêta.
Olga se tenait prés du traîneau et les regardait s’approcher — les gardes et son compagnon de route.
Droutka regardait de binoclard de bas en haut et lui prouvait quelque chose avec ardeur. Il avait sorti ses papiers, les tendit à l’Allemand, mais celui-ci les passa à l’interprète. On entendait le jeune homme parler en allemand d’une voix aiguë, une voix de jeune fille, il traduisait.
Ils s’approchèrent. L’interprète avait non seulement une voix de jeune fille, mais son visage aussi ressemblait à celui d’une jeune fille ou d’un garçon. Il est vrai que malgré sa taille très haute, c’était un garçon, il devait avoir dix-sept ans, pas plus. Mais sa bouche se tordait en une grimace méchante, il serrait les poings, on aurait dit qu’il se retenait à peine, qu’il avait envie de donner un coup de poing à Droutka.
Droutka était offensé:
—• Vous n’avez pas confiance en moi? Mais ces papiers! Regarde qui a singné mon certificat!
— Si tu es un policier, tu dois savoir que les bandits ont toujours leurs papiers en règle, dit le jeune homme d’un ton plus conciliant et traduisit à l’Allemand ce qu’il venait de dire.
L’autre fut content:
— Oh, jawohl.
Olga se dit: ,,0ù a-t-il appris, cette canaille, à parler comme ça l’allemand? Il est long comme si on l’avait tiré par les oreilles. Une longue perche! Ne dois-je pas aider Fiodor?“
Non, elle ne voulait, elle ne savait pas pourquoi, ni prier ni prouver quelque chose, ou encore, rire ou plaisanter — mettre son charme en action. Ne ressentait-elle pas le danger, ne croyait-elle pas qu’on pût l’éviter?
L’Allemand se trouva prés du cheval, examina le collier — pourquoi? — y passa la main. L’interprète souleva le sac avec le foin, le jeta sur le sol d’un mouvement de dégoût; Droutka devint pâle. Mais cela ne toucha pas Olga.
L’Allemand avait contourné le cheval et s’approchait d’elle. Elle recula de quelques pas dans la neige en pensant: ne voulait-il pas la fouiller? Non, l’Allemand montra du doigt les sacs et la machine à coudre.
— Ou’est-ce qu’il y a dans les sacs? demanda le binoclard.
— Mais je t’ai dit ce qu’il y avait dans les sacs. Des chiffons. Nous nous dirigeons chez nos parents pour nous marier. Droutka esquissa un sourire. Il faut faire des cadeaux.
— Délie-les.
Ah, tu veux fouiller dans mes sacs? Toi! Un garçon si ,,antelligent“! Tu ne me crois pas.
L’interprète rougit et sa bouche se tordit de nouveau; il n’avait plus cet air méchant, mais plutôt vexé.
— Il te les ouvrira avec un couteau. Ne fais pas l’imbécile.
L’Allemand s’étonna que l’interprète ne lui avait pas traduit ces derniers mots; il attendait patiemment, alors celui-là se mit à lui parler, mais
Olga comprit: il ne traduisait pas ce qu’il venait de dire à Droutka.
Droutka sauta sur le traîneau, comme s’il se préparait à faire un discours.
— Lequel veux-tu?
—■ N’importe.
„S’il se met à délier mon sac, je lancerai la grenade", se dit Olga, calmement, elle fut étonnée de ce calme, il n’y avait qu’une chose qui l’inquiétait: où allait-elle lancer la grenade? Puis elle décida: dans le traîneau, sous les pieds de Droutka. Elle recula de quelques pas pour faire un élan. Elle ne pensait pas où elle allait se cacher.
Droutka saisit son sac, délia le noeud avec les dents, les doigts ne lui obéissaient pas, à cause du froid, ou de l’émotion. Il renversa le sac et le vida avec colère.
Pour un instant Olga oublia même sa grenade, elle demeura stupéfiée: il y avait des pantalons d’enfants, des chemises, des blouses, des bas, des souliers, beaucoup de souliers, une vingtaine de paires de petits souliers, blancs, rouges, noirs, talons éculés, bouts usés...
— Alors, tu vois, ce qu’il y a ici. Des chiffons de youpins. Des youdis. Pan — pan, expliquait-il à l’Allemand. Ces petits youpins, ils s’en passeront dans l’autre monde.
Olga s’enflamma. „Toi, salaud! Qu’est-ce que tu as fait, canaille! Quel est le châtiment que tu mérites?"
Le jeune homme traduisit les paroles de Droutka — l’Allemand éclata de rire. Et Droutka, à côté de qui elle venait de faire le trajet en traîneau, riait, lui aussi, les dents au vent. Et ce ver, ce serpent à lunettes, ce morveux, il eut un petit rire flatteur, rire méchant.
„De quoi se moquent-ils? De la mort des enfants? Ils rient de la mort des enfants?"
La force qui pût l’arrêter n’existait plus. Elle n’avait plus le temps de penser: qu’est-ce qu’elle deviendrait? Où se cacherait-elle, comme l’avait appris Zakhar Pétrovitch? Elle sortit doucement la grenade, la leva au-dessus de sa tête. Cria d’une voix enrouée:
— Eh, canailles!
Alors ils la regardèrent.
L’Allemand tomba tout de suite derrière le traîneau. Le binoclard, tout pâle, ferma les yeux de ses mains, comme si c’était sa seule préoccupation que de protéger ses yeux malades. Droutka se figea sur le traîneau, la bouche ouverte, écartant les bras, il la regardait, s’efforçait de sourire, peut-être, n’avait-il pas compris tout de suite que c’était la mort qui planait au-dessus de lui, peutêtre il pensait que la femme plaisantait.
Olga ne lança pas la grenade sous ses pieds. Elle arracha l’anneau, se pencha et fit rouler la grenade sous le traîneau.
Elle n’entendit pas l’explosion, elle ne vit pas la flamme. Elle vit le traîneau s’élancer vers le ciel et Droutka sauter encore plus haut comme un artiste de cirque sur le filet. Le cheval partit brusquement. Olga eut le temps de se dire: c’est bien que le cheval ne soit pas touché, elle s’enfuirait plus vite avec lui.
Ce n’était pas une bouffée de flamme qui l’avait atteinte au visage, mais des étincelles gelées, un tourbillon de neige. Puis elle sentit un coup terrible à la poitrine. Elle tomba dans la neige, et, peut-être, elle perdit connaissance pour quelque temps. Elle reprit ses sens et entendit un bruit, comme si c’était le bruit de la forêt pendant l’orage ou le bruit d’un train qui s’approchait, elle entendit encore un hennissement lointain. Elle leva la tête et vit que tout près d’elle, un à côté de l’autre, gisaient Droutka et le long in
terprète. Alors Olga pensa, tranquille, que tout s’était bien passé, qu’elle avait mis le verdict en exécution, qu’elle les avait châtiés... Il ne faudra plus s’adresser à Sivets. Personne ne lui reprochera quoi que ce soit, ni le Commandant, ni Zakhar Pétrovitch... Tout allait bien... Mais il faut rattraper le cheval... Où hennit-il? Elle tourna la tête avec peine. Le cheval, sans traîneau, mais avec les brancards, enveloppé d’une vapeur rouge de feu, se débattait, secoué de convulsions, dans la neige tout près de la route. De la fumée montait autour. Peut-être qu’elle voyait rouge à ce moment-là? Ou bien le sang lui inondait les yeux? Elle passa la main sur son visage. Il n’y avait pas de sang. Elle en fut contente: sa figure n’avait pas été touchée. Elle voyait tout: des poteaux, une sapinière qui s’étendait le long du chemin de fer... Mais pourquoi cette vapeur audessus du cheval? Elle eut pitié du cheval. Son hennissement était si plaintif...
— Je vais t’aider, mon petit cheval. Je vais t’aider...
Elle recueillit ses forces et essaya de se lever. Alors elle vit que non seulement la vapeur audessus du cheval était rouge, mais que le ciel gris, couvert de nuages, était devenu rouge aussi; tout à coup il s’effondra, ce ciel immense—sur elle seule.
Ivan Chamlakine
LA MARCHANDE ET L POÈTE
Nouvelle
Traduit du biélorusse par
M. Déchévitsyne Editions «Younatstva», 1983 Imprimé en U.R.S.S.
(1-50)
Пван. Шамякйн
Торговка » поэт Повесть
Ца французском языке
Перевод сделан по юшге:
1. Шамякін Гандлярка і паэт. Шлюбная ноч. Мінск, «Мастацкая літаратура», 1976
En 1982 les Editions «Younatstvm ont publié en français le livre
LA BELLE FAMILLE
Le recueil de berceuses., d’amusettes, de jeux et de comptines. Ils sont recueillis par le célèbre écrivain pour enfants Vassil Vitka, prix H. Ch. Andersen.
Le livre, destiné aux tout-petits, est richement illustré par les dessinateurs biélorusses N. Poplavskaïa, A. Loss, V. Bassalyga. Les dessins de vives couleurs complètent le contenu du livre. Ils permettront aux adultes de mieux raconter aux enfants la vie des animaux domestiques, des bêtes sauvages et des oiseaux.
Ce livre a été édité en beaucoup de langues européennes.
Les Editions «Younatstva» ont publié l’essai de Vladimir Korotkévitch en français
LA TERRE SOUS LES AILES BLANCHES
V. Korotkévitch est un des écrivains les plus populaires et les plus lus en U.R.S.S. et à l’étranger, il est l’auteur de romans historiques et de livres d’aventures
Le livre de V. Korotkévitch LA TERRE SOUS LES AILES BLANCHES aidera le lecteur à faire un voyage passionnant à travers la Biélorussie, ancienne et contemporaine. De page en page on observe l’histoire du peuple biélorusse, la formation de la nation et de la culture biélorusse.
Une large place y revient aux particularités ethnographiques de la vie des Biélorusses.