La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
Ouladzimir
Karatkevitch
LA TERRE * SOUS W4 LES AILES % BLANCHES
OULADZIMIR KARATKÉVITCH
LA TERRE SOUS LES AILES BLANCHES
OULADZIMIR
KARATKEVITCH
MINSK younatstva
1981
Texte français rédigé par M. Déchévitsyne Traduit du biélorusse par S. Batoura et M. Zakharkévitch
C) ,.Мастацкая'літаратура“, 1977
@ Traduction en français, ',,Younatstva“, .1981
C'est le printemps, la saison quand au-dessus de tout notre pays planent les cigognes, déployant leurs ailes blanches pareilles à des voiles. Il y en a des milliers, peut-être plus, qui les a comptées? Elles installent leur nid partout: sur les crêtes des maisons à la campagne, sur les cimes des arbres, sur les vieilles tours des châteaux en ruines, sur les chapelles perdues au milieu des champs de blé encore en herbe.
Voilà pourquoi qu'il me semble, en ces jours de printemps, après aussi, que notre pays, la Biélorussie, est une “Terre" sous les ailes blanches". Ne soyez donc pas étonnés, chers hôtes et amis, en lisant le titre un peu mélancolique et rêveur de ce livre que vous tenez dans les mains. Il y a évidemment des cigognes et au Danemark, elles ont été tant chantées par Andersen dans ses contes, il y en a aussi dans les autres pays de l'Ouest, dans le Sud également. Mais en ce qui concerne l'Est de la Biélorussie, sans compter l'Asie Centrale, des cigognes, il n'en reste presque plus. Et il serait curieux de savoir qui est-ce qui apporte les enfants sous le toit des maisons dans ces pays?
Les cigognes planent, planent sans cesse, ailes déployées, leurs longues pattes fines tendues sous l'éventail de la queue. Leur vol majestueux me rend rêveur et je pense à mon pays, à ma Biélorussie, un pays que je voudrais vous faire connaître de mon mieux.
D'où provient son nom? Il y a à ce sujet plusieurs explications. En voici deux.
La première. Autrefois, les gens de la campagne s'habillaient de blanc, étaient blonds, pâles de peau. D'où Russie des gens blancs.
Voici la deuxième explication. Elle ne contredit pas la première. Lorsque les hordes tatares et mongoles ont envahi les terres slaves, le peuple biélorusse a réussi à repousser les barbares après avoir arrête leur marche. Voilà pourquoi cette partie de la Russie de Kiev est restée “blanche", c'est-à-dire “franche", n'a pas été souillée par le contact des Tatars.
Il m'est arrivé de connaître la Biélorussie comme il faut qu’après la guerre, quoiqu'elle eût existée et avant. Elle a perdu de son empreinte dans ma mémoire pendant les années d'occupation. Il y a eu les bombardements, l'invasion, l'évacuation, Moscou au mois d'octobre 1941, l’Oural, le Kazakhstan, les steppes d’Orenbourg. Et puis ensuite il y a eu les ruines de Minsk et de Orcha, une ville qui m'est chère; il y a eu les bois coupés à la hâte le long des routes par les fascistes (de peur des partisans), les inhumations des morts qu'on retrouvait un peu partout. Ainsi tout a été à recommencer, à inscrire à nouveau sur une feuille vierge. Mon amour pour la Biélorussie est né aux heures les plus pénibles, lorsqu'elle avait à éprouver la faim, le froid, les nombreuses difficultés. Ceci a rendu mon amour encore plus profond, plus fort.
J'ai vu combien il a fallu de labeur pour relever l'économie nationale, construire des maisons là où il n'y avait que des cendres ou des ruines, replanter des vergers saccagés, bâtir des écoles. De mes yeux j’ai vu Minsk renaître, des dizaines d’autres villes aussi. J'ai vu les villages
biélorusses renaître à la vie et au bonheur. J'ai été témoin de tous ces événements, c'est pourquoi j'estime que j'ai, en quelque sorte, le droit de parler de mon pays, de la Biélorussie.
J'ai beaucoup voyagé à travers la Biélorussie, je suis allé presque partout. Il est resté très peu de coins des plus éloignés où je ne serais pas encore allé. C'est pourquoi je peux prétendre de bien connaître ma Patrie, mon peuple. J'ajouterai que je ne parlerai ici que de ce que j'ai vu et entendu moi-même. Ce sera un livre écrit par un témoin qui aura tout vu de ses propres yeux, du moins en ce qui concerne l'actualité. Et j'écrirai avec le désir insatiable de convaincre, même lorsque je parlerai des choses pas ordinaires du tout. Parce que la vie est beaucoup plus passionnante que nous le pensons. Elle ressemble parfois à un conte qui nous fait s'écrier: "Mais ce n'est pas possible!"
Parlant de ma Patrie, je mentionnerai son histoire. Là, vous pouvez me prendre au dépourvu du fait que je n'ai pas été témoin des batailles contre les croisés. Vous avez raison. Mais je voudrais que vous sachiez que pour écrire ce que vous allez lire, j'ai moi-même lu, étudié des oeuvres sérieuses, écrites par des témoins de l'époque, des oeuvres écrites avec maîtrise, en connaissance de cause.
Alors, commençons notre randonnée!
En route, chers amis!
MA TERRE BIÉLORUSSE
DES MOUSSES DE LA POLÈSIE AUX SOURCES D’OSVEÏA
La population de la Biélorussie s’élève à peu plus de 9 millions 500 mille habitants, parmi lesquels 7,6 millions de Biélorusses. Pendant la guerre, comme vous le savez, un habitant sur quatre de la république n’est pas rentré dans son foyer. Parfois, chemin faisant, en pleine forêt une clairière se découvre tout à coup, des arbres fruitiers devenus sauvages (encore un village qui n’a pu être relevé des cendres), et puis un obélisque avec des mots qui font se serrer les poings et courir un froid dans le dos.
„Ici reposent,
fusillés par les Allemands
le 12 IX 1943
Karol Aléna Mikitavna née en 1925, Pavel né en 1920, Vassil né en 1898, Zophia née en 1892, Vladimir né en 1922, Ivan né en 1924, Mikola né en 1927, Marie née en 1934, Véra née en 1939, Grand-mère — 70 ans Sinévitch Anton Valérianovitch né en 1884 et Séraphima Ilinichna née en 1888 et autres".
Cela veut dire que, pour avoir contacté des partisans ou sans aucun prétexte, comme ça, pour rien, pour se venger, des Allemands sont arrivés, ils ont cerné le village, rassemblé les gens dans une grange et y ont mit le
feu. C’est ainsi ou d’une autre manière qu’ont été réduits en cendres 9200 villages, parmi lesquels 619 avec leurs habitants; 186 n’ont jamais été reconstruits. Ajoutons à cela 209 villes et cités détruites.
Mais il ne faut pas croire, et puis vous l’avez entendu dire par nos pères, que les morts se sont laissés tuer docilement. Ce n’est pas ça. Qui pouvait lutter est mort en combattant: au front, dans des groupes clandestins ou des détachements de partisans. Ce n’est pas sans raison que la Biélorussie s’appelle le pays de la lutte partisane, on
comptait alors 374 mille partisans. 70 mille personnes environ luttaient dans la clandestinité. Ce ne sont là que ceux qui luttaient les armes à la main, sans compter les agents de liaisons. Et si l’on en arrive à ceux qui sympathisaient avec les partisans, ceux qui leur apportaient des renseignements sur l’ennemi, des médicaments, des provisions et d’autres choses encore, ceux qu’on appelait “réserve des partisans”, alors là on peut franchement ajouter au nombre de partisans presque toute la population de la république. ,
La Biélorussie possède une superficie de 207,6 mille kilomètres carrés, soit les 0,9% du territoire de l’U.R.S.S., ce qui fait qu’elle est plus étendue que la Bulgarie, la Tché
Réunion du Komsomol.
Partisans du détachement Kotovski
coslovaquie, la Hongrie, le Portugal, la Grèce, ainsi que la Belgique, la Hollande, le Danemark et le Luxembourg pris ensemble. Du Nord au Sud notre Patrie s’étend sur 560 kilomètres et sur 650 kilomètres de l’Est à l’Ouest. Ses pays voisins sont l’Ukraine, la Russie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne. Elle occupe une situation géographique avantageuse, étant traversée par les voies de communication allant de l’Europe occidentale vers l’Est, de l’Ukraine en direction des pays baltes. Mais cette situation privilégiée lui a causé beaucoup de désagréments. Là où il y a situation géographique avantageuse et communications favorables, là apparaît l’ennemi. La Biélorussie n’a donc pu échapper à aucune guerre déclenchée en Europe occidentale.
L..I1 y a quelqu’un qui a dit que le contour de notre pays rappelle une feuille de chêne. A mon avis, la comparaison n’est pas tout à fait juste. Selon moi, son contour nous fait penser plutôt à un aurochs.
Par convention la Biélorussie se divise en cinq grandes régions.
1) La région des lacs, une région située très au Nord de la République.
2) Le centre. Il correspond à peu près à la région de Minsk.
3) La région du Niémen. C’estàdire les régions de l’Ouest situées dans le bassin du Niémen.
4) L’Est est formé par les collines de Orcha, la plaine entre Orcha et Moguilev, ainsi que la plaine de la Bérésina et de Tchetchersk.
5) Le Sud ou la région de la Polésie.
Quant à moi, c’est mon idée personnelle, j’aurais fait une sixième région au détriment de l’Est et de la partie ouest de la Polésie. C’est la région située dans le bassin du Dniepr. Ce grand fleuve possède tout de même une influence considérable sur l’économie, le paysage, sur les moeurs et mêmes la psychologie des gens du pays.
Les paysages sont différents dépendamment des régions.
Certains pays possèdent à la fois des collines émergeant de la fourrure verte des forêts, des steppes immenses, pareilles à des mers vertes, des lacs d’un bleu d’azur. Nous possédons tous ces sites, rassemblés en miniature.
Voici la région des lacs. Des platesbandes formées par les moraines, des kilomètres de “clôture” avec de gros rochers sur les côtés. Et parmi ces plates-bandes sans fin et les nombreuses collines, beaucôup, des centaines de lacs. Le plus grand, le lac Narotch, a une superficie de 79,9 kilomètres carrés. Le plus profond (parmi les plus grands) est le lac Strousto qui a 30 mètres de fond. Les petits aussi sont profonds, certains atteignent les 50 mètres. Ces lacs sont différents. Les eaux du lac Narotch sont si limpides qu’on peut voir ce qu’il y a au fond malgré la grande profondeur. Les eaux du lac Palik (dans la réserve de la Bérésina au Nord de Borissov), un lac en pleine forêt, au milieu des marais, sont si sombres qu’elles rappellent une forte infusion de thé.