La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
Valevka, est un village contemporain, ayant gardé un caractère traditionnel.
En particulier les tertres, vestiges de l’ancien village, une église toute en bois, âgée de 300 ans (autrefois c’était une église catholique, et c’est là, selon la légende, que se sont mariés le noble Tadeusz et Zossia Mickiewicz), avec des icônes peintes par V. Vassnetsov. Ces icônes sont passées, à l’époque, de Varsovie à Baranovitchi et de là, dans certains villages, il y en a qui sont restées à Valevka.... On peut voir là de
riches fermes et de beaux bâtiments; l’école possède un des plus riches musées régionaux de la Biélorussie. Il est renommé, ce musée, par son exposition qui nous reporte de nos jours à l’époque paléolithique. L’école possède également son jardin botanique avec beaucoup de plantes exotiques. Dans le jardin il y a un étang, les enfants élèvent des poissons et y font nager leurs tortues.
Voronntcha est un village, presqu’une agglomération urbaine. Il y a là quelques entreprises. C’est, disons, plutôt un village — musée. C’est là qu’il y avait, il y est peutêtre encore aujourd’hui, sur les bords d’une petite rivière, dans des buissons, un chêne de S00 ans, ayant rapport avec le nom de Mickiewicz. L’arbre est creux à l’intérieur et peut contenir une table avec une dizaine de convives autour. Il y a même une fenêtre donnant sur l’arrière, on peut y passer la tête qui semble alors sortir du tronc, comme un esprit des bois. Autour, il y a les ruines d’une très-très vieille église et des tombes recouvertes de dalles ornées des sculptures magnifiques, taillées dans du marbre italien. C’est là que reposent les parents du poète et folkloriste mi Polonais, mi Biélorusse Jan Tchatchota, ami de Adam Mickiewicz et de Vérachtchaka, parent de Marylia Vérachtchaka, premier amour du poète. Autrefois la propriété des Vérachtchak se trouvait pas loin de l’endroit, il est resté à sa place un parc et “la charmille de Marylia” ainsi que quelques tilleuls plantés en cercle. Ils ont poussé ensemble si serrés que si l’un des tilleuls n’était pas tombé il aurait été impossible de pénétrer à l’intérieur de cette enceinte d’arbres.
Comme vous voyez, presque chaque village biélorusse possède les curiosités propres à lui. Seulement, le principal, comme toujours, il faut savoir ce qu’il faut regarder.
En ce qui concerne la silhouette du nouveau village biélorusse, des sovkhoses et des kolkhoses, j’en parlerai un peu plus bas.
SOYEZ LES BIENVENUS
DANS NOTRE MAISON!
Mais entrons d’abord dans une maison telle qu’elle était autrefois et qu’on peut rencontrer encore aujourd’hui. D’abord nous pénétrons dans ce qu’on appelle ici l’entrée. Aujourd’hui aussi l’entrée est l’endroit où sont rangés les articles ménagers. On y trouve des seaux, des baquets remplis de choses diverses, des barrâtes (aujourd’hui bien souvent on y voit une écrémeuse). Une porte s’ouvre sur un petit réduit sans fenêtres où il y a aussi des articles ménagers et des provisions sur des étagères. Une autre porte mène dans ce qu’on appelle la chambre froide, parfois il y en a deux. Autrefois la maîtresse de la maison y plaçait, en été, son métier à tisser, son rouet, car dans la maison même il y faisait très chaud. C’est là aussi que dormaient l’été les plus vieux (les jeunes dormaient et dorment encore aujourd’hui sur le foin, dans les fenils). C’est aussi dans ce local qu’on garde en hiver les pommes, soigneusement rangées sur de la paille d’avoine, pour les porcs les glands de chêne, versés en couche épaisse à même le sol, on y trouve aussi des provisions. Et si autrefois dans la chambre froide rarement on pouvait rencontrer un poêle de briques, aujourd’hui il y est partout, donc en cas urgent on peut l’allumer (arrivée d’amis ou autre chose) et donner l’hospitalité à un très grand nombre de personnes. Au siècle passé, lorsqu’il n’y avait pas encore d’armoires et que les coffres n’arrivaient pas à contenir tous les vêtements, le superflu était gardé dans des espèces de malles rondes placées aussi dans la chambre froide.
Dans certaines maisons la chambre froide possédait une pièce annexe qui servait de chambre à coucher pendant les grandes chaleurs à ceux qui ne voulaient pas aller dormir dans le verger, sous les arbres. On en rencontre encore aujourd’hui. J’en ai vu quelques-unes et “l’ameublement” est à peu près partout le même: une sorte de
Intérieur de maison ancienne
Par un jour de fête
caisse longue et large, basse sur pieds, une paillasse dedans bourrée de foin, de paille d’avoine ou de tiges de petits pois séchées, une couverture sur la paillasse, des oreillers et un rideau cachant ie tout. Le rideau est obligatoire, il est tissé très fin et protège des moustiques en été.
Revenons à l’entrée. ,,Bon! Voilà ce que nous avons oublié: l’échelle, ou parfois tout simplement un long tronc d’arbre avec des entailles, qui mène au grenier où sont pendus les jambons et les saucissons d’été (les saucissons d’hiver sont conservés, noyés dans de la graisse, dans des baquets ou des pots de terre rangés dans l’entrée ou la chambre froide).
Entrons dans la maison. Son intérieur varie selon les régions. Autrefois les maisons avaient une cheminée (aujourd’hui on appelle cheminée, le conduit de maçonnerie qui sert à évacuer la fumée), coiffée d’un cône, tressée de branches et recouvert d’argile, sous lequel dans une sorte de poêle ou dans un bougeoir brûlait une loutchina (brindille de bois de sapin, de racines de sapins ou de pins S. B.), le cône finissait par un conduit de même nature qui traversait le plafond et le toit et permettait à la fumée de sortir. Il y avait aussi des maisons où le cône près du foyer était énorme, c’est là (il y faisait plus chaud) que pendant les longues soirées d’hiver se rassemblait toute la famille pour filer ou bricoler. Ajoutons que les maisons variaient selon les régions. C’était ou bien des deux pièces, une grande chambre avec une pièce annexe faite de trois murs; ou bien des deux pièces avec encore des constructions à part. Il est vrai que les maisons les plus courantes avaient l’aspect suivant: dans “les trois murs” on prenait les repas en été, qui voulait y dormait l’hiver, on y gardait aussi, pendant le froid, le jeune bétail. Par une porte on pénétrait directement dans la chambre principale. A droite de l’entrée se trouvait une sorte d’évier où l’on lavait la vaisselle et où étaient rangés les ustensiles de ménage. Ensuite ve
nait le four, derrière lequel, contre le mu de droite se trouvait un large lit de planches, sous lequel on rangeait également toutes sortes de choses. Mais déjà autrefois, cette couche rudimentaire était remplacée par plusieurs larges lits, dont l’un, celui du maître, était caché par un rideau. Les deux autres murs, sur toute leur largeur, étaient bordés de larges bancs, parfois recouverts d’une toile tissée spécialement à ces fins. Le jour on y restait assis, on pouvait y dormir la nuit, surtout lorsqu’il y avait beaucoup d’amis dans la maison. Les amis pouvaient aussi très bien être couchés sous les bancs, selon leur situation. Dans un poème du XIXe siècle, d’un auteur inconnu, “Tarass sur le Parnasse”, on décrit avec ironie le festin des dieux “grecs”, on y trouve en particulier les vers suivants:
Et chaque dieu dans l’ambiance si bien entra Qu’il eut du mal à s’arrêter,
Et qui trop d’alcool avait goûté
Sous le banc était couché.
La table se trouvait devant les bancs, une table très blanche, parce que bien souvent grattée au couteau. La table et les bancs étaient faits, pour la plupart du temps, d’épaisses planches de chêne; près du mur, attenant à la porte, étaient rangés les coffres et le métier à tisser en hiver. La chambre était embellie par des images saintes fixées dans l’encoignure des murs, des lithographies en couleur; il y en avait parfois d’intéressantes de très anciennes, des naïves, de l’époque de l’Union (la Sainte Ligue) où les saints étaient habillés de costumes nationaux biélorusses. Saint Georges tuant le dragon était très populaire, Saint Nicolas aussi, avec ses aventures campagnardes et surtout (d’après une légende biélorusse) parce qu’il a sauvé une fois la jument d’un paysan pauvre, une jument qui s’était égarée dans la forêt. Saint Nicolas l’a sauvée des loups et l’a aidée à mettre au monde un poulain, il l’a ramenée ensuite à son propriétaire. La
légende dit à la fin que celui qui donnera la liberté au peuple sera digne de monter le poulain devenu grand.
Voici encore une chose qui servait à embellir les chambres des maisons: des espèces de couvre-lits tissés en points d’épine ou à carreaux, faits de six, de douze ou de vingt-quatre fils.
Et bien sûr, il y avait aussi les rouchniks. Autrefois on en mettait autour des images saintes, aux fenêtres aussi. Aujourd’hui on en voit sur les tableaux et les portraits. Les rouchniks sont très variés et différents selon la région. Les broderies se distinguent de maison en maison, par le nombre de fleurs par exemple, tout en gardant un caractère commun. L’ornement est de forme géométrique, le noir se rencontre peu, on a plutôt du bleu clair, du jaune, du rouge, du bleu d’azur, du bleu foncé et d’autres couleurs vives.
Et bien, voilà, comme je ne suis pas très bon danseur, je vais commencer à danser à partir de four (proverbe qui veut dire qu’il faut toujours commencer par les choses les plus simples. S. B.). Le four, c’est la chaleur; le four, c’est le meilleur remède si vous avez pris froid; le four, c’est aussi le bon et chaud repas. Au Nord le four est très grand et fort simple sans compter les niches pour les allumettes et la loutchina pour allumer le feu. Au Sud, le four est un peu plus petit et ressemble le plus souvent à une oeuvre architecturale: des dizaines de ressauts et de niches pour les pots de terre, les siphons. Il y a également de la place pour les pots-doubles (deux pots de terre reliés par une anse, servent à porter les repas aux champs), toutes sortes de cruches à la forme parfois bien bizarre. Le four est embelli de dessins, des fleurs, des jeunes filles avec des palanches, des cavaliers composent les sujets préférés. Aujourd’hui le four fait place au poêle et au réchaud à gaz, mais on le rencontre encore assez souvent dans les maisons à la campagne.