La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
L’avoine, 6,2%, dépasse même le blé malgré la réduction de la surface d’ensemencement de près de trois fois. L’avoine sert à nourrir le bétail. Dans le bassin de la Bérésina elle sert également de nourriture aux ours qui viennent la nuit se régaler dans les champs. Ils arrachent les épis, en prennent plein les pattes, sucent “le lait” et jettent les restes un peu partout. Les kolkhosiens de la région n’aiment pas beaucoup ce genre de brigandage.
On cultive dans la république beaucoup de plantes fourragères, parce que la production de viande et de produits laitiers est très élevée. Voilà pourquoi on a des plantes vivaces, le lupin fourrager et le maïs à ensiler, la luzerne, le rutabaga, le turneps et le navet. Elles occupent plus de 35 pour cent de toute la surface ensemencée.
En 1980 il y avait dans la République 6,7 millions de têtes de gros bétail parmi lequel 2 millions 746 mille vaches pour la plupart au pelage noir blanc, roux, de race lituanienne, il y a aussi les espèces de Suède, de Simmenthal, de Yaroslavle.
...Me voilà assis au bord du Dniepr. Le soleil se rapproche de l’horizon. Les arbres, l’eau, la glaise des talus, tout semble imprégné de la couleur dorée du soleil couchant. Tout à coup des taches sombres se sont mont
rées sur l’eau. Un instant après on comprend en voyant apparaître une tête avec des cornes. Un troupeau de vaches passe la rivière à la nage. Les premières sont déjà sorties de l’eau, leurs poils noirs et blancs tout ruisselant d’eau, luisent au soleil. D’autres nagent encore. Derrière on voit le vacher, debout dans une barque. Le troupeau change de pâturage, il se dirige vers une île aux herbes fraîches semées de fleurs.
Je connaissais un bonhomme qui avait sept chèvres. Je lui dit un jour: ,,Eh vieux, pourquoi tu as besoin de tant de chèvres? Et de quatre boucs encore?” “C’est que personne ne veut les acheter. Jamais ma main ne prendra un couteau pour les égorger. Ces bêtes ressemblent trop au diable.” “Dis, et le porc, tu l’aimes?” La réponse arrive après un instant de réflexion: “Du cochon, j’en mange. Si on ne mangeait pas le cochon, le monde en serait surpeuplé”.
En 1979, en Biélorussie la viande de porc
a constitué 39,6% de toute la viande produite. Quant à la production de la viande de veau ou de boeuf, elle occupe la première place dès 1970 pour constituer 50,9 pour cent en 1979.
...Je reproduis ici une scène champêtre. Deux bergers avec leur troupeau. L’un se trouve à la lisière d’un bois, l’autre un peu plus loin. Un loup s’empare d’une brebis. Le berger, le plus éloigné, crie:
— Qu’est-ce que c’est? Un loup?
— Tu ne crois pas que ça soit un lièvre, espèce d’imbécile?!
— Alors quoi, il a emporté une brebis?!
— Bien sûr, crétin, pas une brebis qu’il va t’apporter!
Eh oui! Les loups ont été exterminés, il en reste très peu, mais des moutons, il en reste peu aussi. Pourquoi? Autrefois, un mouton arrivait presque à donner à l’homme: un manteau, un zipoune, un burnous, une cape, un pantalon pour l’hiver, des bottes. Aujourd’hui on peut acheter tout cela dans un magasin, et puis il y a les articles synthétiques. En général, dans chaque région on a
Ces tracteurs sont achetés par plus de cinquante pays
trois, quatre, parfois huit entreprises ag ricoles avec des bergeries pas très grandes. Les fermes ayant plus de quatre cents têtes sont rares. Et puis dans ces entreprises, le mouton n’est pas le bétail le plus important.
L’élevage de la volaille est très répandue. Il y avait en 1978, 59 fabriques de viande de volaille et d’autres entreprises de ce type. La plupart des entreprises sont grandes, modernes, mécanisées. En 1979 des complexes spécialisant dans l’élevage de la volaille comptaient 16,6 million de poules.
On pratique également en Biélorussie un nouveau type d’élevage, celui du renard ordinaire, du renard bleu et du vison.
...Je l’ai déjà dit que le nombre de vergers a augmenté. En 1977 la superficie, de vergers était 165 mille hectares. On en recontre beaucoup dans la région de Sloutsk, de Minsk, de Mosyr, de Bobruisk et surtout dans les régions le long du Dniepr. Il n’est pas rare de voir des vergers d’une superficie de plusieurs centaines d’hectares... Je ne parle pas ici des maisons qui ,si elles ne sont pas neuves, sont comme perdues au milieu des vergers. Et si les enfants autrefois en pillant les vergers prouvaient ainsi leur bravoure, aujourd’hui ils ont perdu tout intérêt. Dans les villages assez éloignés de la ville on peut acheter un gros sac de pommes pour presque rien, à condition de les cueillir soi-même. Le propriétaire souvent n’a pas le temps de s’en occuper. Et ce n’est pas bien. Cela veut dire que l’achat des fruits est mal organisé, qu’il y a aujourd’hui encore pas assez de fabriques pour leur transformation.
Actuellement l’agriculture est en principe mécanisée. Le travail manuel s’observe encore dans le binage de la betterave à sucre, pendant la récolte des fruits, c’est-à-dire là, oû la machine n’est pas encore inventée. La République construit un grand nombre de machines destinées à l’agriculture: des combinées à ensiler, des machines à casser le lin, pour récolter les pommes de terre, des faucheuses, et beaucoup d’autres. Et ce qui est important, c’est que nous avons un
F. Rouchtchyts. La Terre
tracteur universel qu’on appelle chez nous, et pas que chez nous, “le Bélorouss”. En 1978 l’usine de tracteurs de Minsk a produit le tracteur portant le numéro 1 500 000.
Et si on tient compte du fait qu’en 1910 on grattait la terre à l’araire, qu’il y avait, par exemple, dans district de Minsk, près de 60 mille araires et 198 mille herses en bois, comme on dit, le commentaire est inutile.
Un artiste peintre biélorusso-polonais Ferdinand Rouchtchyts, possède un tableau appelé “La Terre’’ qui représente une légère montée toute couverte de sillons. Du sommet de ce talus, apparaît à l’horizon une paire de boeufs, tirant un araire avec une homme penché dessus. L’effort humain et animal, la volonté de l’homme d’extraire quelque chose de ce dur morceau de terre émanent du tableau; tout y est peint, la vie, la misère, l’énergie de l’homme, son courage. C’est ce qui forme la grandeur et le côté tragique du tableau.
Aujourd’hui sur cette même terre les boeufs sont remplacés par des machines. Quant au reste, c’est à dire: l’énergie et le courage, la noblesse du labeur du paysan, rien n’a changé.
AU DELA DE LA RIVIERE
DE LA RIVIÈRE FOUGUEUSE
UN ETANG S’EST MONTRÉ
Nous pouvons dire que notre terre est imprégnée d’eau. On a un grand nombre de sources, d’étangs, de marais, de ruisseaux et de ruisselets, de grands fleuves et de vastes lacs. La carte des rivières que je possède, où ne sont tracées que les cours d’eau ayant plus de cinq kilomètres, est couverte de tout un réseau de veines bleues, peut-être même plus dense que le réseau de capillaires du corps humain. On compte en Biélorussie deux mille neuf cents cours d’eau.
Toutes les rivières de la Biélorussie appartiennent à deux grands bassins: le bassin de la mer Noire et celui de la Baltique. Le bassin balte, c’est le système hydrographique composé par le Niémen, la Dvina Occidentale, le Boug et la Lovât. Celui de la mer Noire comprend le système du Dniepr et de la Bérésina, du Soge, du Pripiat et d’un grand nombre de rivières plus petites. Tous ces cours d’eau traversent en général des plaines et possèdent un débit lent. Alors qu’il y a de petites rivières qui prennent leur source à une certaine altitude et possèdent un cours assez rapide. C’est dans leur courant qu’on pêche la truite.
Les fleuves qui ressentent les premiers le souffle printanier sont le Pripiat et le Niémen. Ils sont situés plus près de l’Atlantique pour en subir le souffle doux. Se réveille ensuite le Dniepr, puis la Dvina avec tous ses affluents. Un bruit de canons plane alors au-dessus des cours d’eau. La glace semble d’abord glisser, emportée par le courant, puis, lézardée, brisée en morceaux, elle s’ébranle.
Les énormes glaçons se cognent, glissent les uns sur les autres. En un clin d’oeil on voit se former des forteresses, des tours, des remparts qui sont détruits aussi vite. Les colosses de glace ravagent les rives, les frappent au passage. La rivière en a assez
de cette prison de glace. Elle veut respirer, rouler librement ses eaux limpides, elle veut refléter le ciel bleu et les nuages printaniers d’un blanc éclatant avec l’alouette frémissante qui y semble attachée par un élastic invisible.
En général, au début du mois d’avril les rivières sont déjà tout à fait dégagées de la glace. Alors commencent les crues qui durent un peu plus de deux mois, plus de trois même sur le Pripiat. Nous en avons déjà parlé, des inondations sur le Pripiat, des foires nageant sur ses eaux. Ce qui est incroyable, c’est que le débordement des eaux en largeur atteint plus de trente kilomètres. Les crues du Dniepr sont aussi assez signifiantes. Ses eaux peuvent dans certains endroits s’étendre sur une dizaine de kilomètres. Mon grand-père m’a raconté qu’il avait vu une chapelle emportée par les eaux. Elle se tenait toute droite. Elle devait se trouver sans doute dans une dépression sur des fondements de bois qui lui ont servi de radeau. “Il ne restait plus qu’à appeler un pope, allumer des bougies et commencer la messe à même l’eau.”
...Le ciel se couvre. Un vent soufflant bas fait naître sur les eaux sombres du Dniepr des vagues hautes comme un homme. Elles avancent, avancent toujours roulant une écume blanche. Te voilà marcher sur la haute rive, quand tout à coup ton épagneul, encore jeune et folâtre, se jette sur une bande d’oies qui, effrayées, pour échapper au chien, se lancent de la haute rive et battant des ailes blanches, poussant des cris rauques, volent au-dessus des eaux couleur de plomb. Elles se posent à un kilomètre de là et les voilà parties à se balancer sur les vagues.
Après quoi, c’est-à-dire après la période des crues, comme on dit chez nous, les rivières “entrent dans les tuyaux”. Mais il y a parfois des inondations en été, lorsqu’il pleut à verse.