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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    dans les prés à l’ombre des chênes. Et les centaines de tertres où reposent nos ancêtres. Et les forêts, à même le sable accumulé par le Dniepr, et les buissons d’églantiers et de lilas là où jadis a vécu l’homme. Et les parcs avec leur animation, et le clapotis des poissons gros comme une rame, le castor qui plonge dans l’eau à la vue d’une barque, la brume matinale sur la surface de l’eau, les feux des faucheurs devant leur hutte, les aboiements des chiens dans les villages endormis soulevés par le passage d’une em­barcation. Tout cela, c’est la région du Dniepr.
    Ajoutons y les lointains qui se perdent à l’horizon, il n’y en a de semblables nulle part sur terre! Tantôt couverts de neige, tantôt multicolores, ou bien peuplés de meu­les de foin et envahis par les canards sau­vages. Des canards, il y en a autant que de corbeaux!
    Ça, c’est le paysage en général. A ce tableau aujourd’hui viennent s’ajouter les champs. Ce ne sont pas des champs comme on en rencontre en Ukraine, au Kouban ou aux terres vierges, vastes superficies de blé ou de maïs. Non, ce sont des champs de 5 à 10 hectares au Nord, un peu plus grands au Sud avec des pommes de terre, du blé, du lin. L’ensemble est donc composé d’étendues semées de blanches étoiles, de vastes nappes dorées, les champs de lin ressemblent à des lacs bleus. Ajoutons le rouge des champs de luzerne en fleurs, les blancs boutons du sar­rasin pareils à des diamants, l’immense mer jaune d’or du lupin ou des tourne-sols, le vert-pâle des champs de petits pois.
    Et puis il ne faut pas oublier les prés avec leurs vaches et leurs moutons, les champs parfumés de chanvre, “abris des fuyards”, car il est impossible d’y retrouver la trace d’un homme, même avec un chien, il y perd son flair.
    Dans le chanvre Jcalme au doux parfum peut se cacher et l’animal et l’homme Le lièvre pris au dépourvu dans le jardin
    sans tourner la tête dans le chanvre aussi se précipite, là les chiens n’y peuvent rien,
    ils y perdent le flair à cause du parfum;
    le valet s’y trouve aussi, caché dans l’ombre, pour que son maître calme sa colère...
    (Adam Mickiewicz. Messire Thadée.)
    ...Passons voir maintenant au village, à l’habit, à l’homme. Je voudrais seulement vous prévenir que la causerie va porter un caractère plutôt ethnographique, que beau­coup de choses ont changé depuis, que l’habit national ne se porte pas partout, par endroits seulement, des endroits qui for­ment des îlots dans la Polésie, dans la ré­gion de Grodno et le bassin du Dniepr, j’ajou­terai que les maîtresses de maison rarement font leur pain etc...
    Il va donc être question de ce qu’il y a de typique, de ce qui distingue le mode de vie des Biélorusses de la vie, disons, des Géor­giens ou des Ukrainiens.
    MON VILLAGE,
    Ô VILLAGE NATAL!
    Et bien, voici le village! Il est bien différent de celui qu’on rencontre dans les campagnes d’Ukraine ou du Don, qui peut avoir 200, 300 ou même 1000 foyers. Ici, 20 à 30 foyers forment un village. Il est vrai, qu’il y a aussi des agglomérations rurales de 1500 foyers, comme Roubel par exemple, près de Stoline. Mais ils ne sont pas nom­breux, une centaine peut-être, pas plus.
    A l’exception de certaines régions de la Polésie, la maison villageoise biélorusse jamais n’est blanchie à la chaux de l’extéri­eur,sauf l’intérieur. Le village biélorusse dans l’ensemble de sa silhouette cède en quelque peu à la gaieté des villages, disons, dans les Carpathes ou en Moldavie; mais il garde en même temps quelque chose de charmant, de romantique, de poétique, grâce aux arbres majestueux qui poussent dans ses rues et
    ses ruelles, aux chênes séculaires devant les maisons, aux puissants poiriers sauvages sur les anciennes lisières, aux petits vergers, et, évidemment grâce à ce que, tout de suite après la maison, ou pas très loin, à l’horizon parfois, on a une forêt ou des bois. Ce qui fait la beauté du site, c’est aussi la présence d’un lac, d’une rivière ou même d’un ruisseau qui coulent tout près du village ou dans ses environs. Beaucoup de verdure, beaucoup d’eau et beaucoup de ciel, c’est ce qui ca­ractérise en principe la campagne biélorusse. Les maisons en Biélorussie sont souvent construites en commun, avec l’aide de tout le village, de poutres de pins, grosses et résineuses. Parce que des forêts, il y en a encore beaucoup. C’est prourquoi il n’y a pas non plus dans les maisons de sols de terre glaise battue, il y a un bon plancher fait de planches solides. Le plafond, évidemment, est également de planches, sur lesquelles, dans le grenier, on répand une couche de sciure de bois, pour garder le chaud en hiver. Autrefois les toits étaient couverts de chaume ou bien, comme dans le Sud, de roseaux, matériel plus durable. Plus durable, parce que le toit de roseaux pouvait être facilement refait lorsque le vent ou la pluie arrivaient à faire des dégâts, les mêmes roseaux pou­vaient servir deux, trois fois. Il est vrai qu’autrefois on pouvait rencontrer des toits couverts de planchettes de bois, on en trouve beaucoup actuellement. Il y a aussi des toitures d’ardoises d’amiante (plaques on­dulées de deux mètres sur un faites d’une matière schisteuse couleur gris clair. S.B.). Les couvertures de tuiles sont rares. Les toits sont à deux pentes, rarement à quatre.
    Les fenêtres des maisons donnent tou­jours sur la rue, l’entrée, autrefois pour la plupart du temps s’ouvrait sur la cour, aujourd’hui elle se fait du côté de la rue. Le fronton est embelli de sculptures de bois. Dans la région de David-Gorodok par exem­ple, toutes les maisons sont ornées d’un soleil entouré de plantes. Les fenêtres et les volets sont également parfois sculptés. Il est vrai,
    pas toujours, mais souvent. Autrefois les murs étaient entourés d’un remblai de terre, aujourd’hui les maisons sont posées sur des fondations assez élevées.
    A titre d’exemple, je vais essayer de
    décrire quelques villages d’aujourd’hui. Com­mençons par un hameau, celui de Rassoly du district d’Astravets dans la région de Grodno.
    La direction du sovkhoze est assez éloi-
    De l'eau et du bon goût pour les bonnes gerns
    gnée. La gare la plus proche, Goudagaï, se trouve à plusieurs kilomètres à travers bois, champs et bosquets. Des collines dispersées un peu partout avec sur leur sommet des forêts aux contours dentelés. Entre les collines des champs de luzerne, de lupin aux flèches dorées. A travers les broussailles d’aulne on voit courir un clair et gai ruisselet aux deux tiers couvert par l’ombre des arbres. C’est la Locha. “Locha” en lituanien veut dire “truite”— Et c’est vrai, il y en a des truites! Sur les bords de ce ruisseau se sont accrochées, les unes non loin des autres, plusieurs mai­sons, solides, avec des puits, des granges, des fenils où il fait si bon dormir sur le foin qui vient d’être rentré. Un peu plus loin, là où la Locha fait une boucle, se dressent les arbres séculaires d’une ancienne propriété. De la maison ne sont restées que les marches du perron qui mènent nulle part. Près de la
    route s’élève une grande croix faite d’un tronc tordu de chêne dont on n’a pas même enlevé l’écorce. On raconte que la croix a été plantée là par l’ancienne maîtresse de la propriété en souvenir de Kalinovski qu’elle avait aimé. Il a été pendu par la suite pour avoir mené la révolte des années 1863-1864.
    Voici une autre région de la République. Le Sud. Lakhva, un village près de Louninetz, dans la région de Brest. Une rivière y coule au nom pas très beau — Smerdz (infect S.B.). Mais c’est une des plus belles rivières qu’il m’est arrivé de voir dans la vie. Dix kilo­mètres à peu près, avant de mélanger ses eaux au Pripiat, la rivière se divise en ruis­seaux, formant ainsi plusieurs petites îles reliées entr’elles par des ponts de bois. Sur
    Un coin bien poétique.
    Là est né Yakoub Kolass
    ces îles, des maisons noyées dans d’intimes petits vergers. L’eau des ruiseaux est d’un vert-sombre, tachée de lumière parce que les saules qui poussent sur les rives forment de véritables tunnels. Et à l’ombre de ces charmilles, des nuées de barques. Là on peut voir de gentilles constructions neuves, en particulier, l’école récemment construite. Et, comme si l’endroit manquait d’eau, autour il y a encore beaucoup d’étangs dis­persés ça et là où l’on élève des carpes.
    Restons dans le Sud, mais passons du côté de Mozyr. Le village de Danilégui est un des villages où les habitants portent encore le dimanche et les jours de fêtes leurs habits traditionnels. Les maisons s’alignent en deux rangs; il y a tant d’arbres autour qu’­elles semblent émerger du fond d’un lac vert. Les unes sont blanchies à la chaux de l’ex­térieur, parfois couvertes de roseaux. Les fenêtres sont peintes en bleu. Et autour s’étendent de sombres forêts. De temps en temps on peut voir des futaies de chênes de
    400 à 500 ans. C’est justement là que se trouve, entouré de géants de 600 ans. un chêne qu’on appelle —“le chêne de Krivochapka”, “le Roi des chênes”, “l’Arbre de l’éternité”, et il y en a encore d’autres, des noms. Il a mille ans. Il en est à son deuxième mille. Les Allemnds pendant la guerre avaient voulu l’abattre et le transporter en Allemagne, alors les partisans ont monté la garde pour le protéger. Je ne sais pas si cela avait été nécessaire. Les Allemands ne seraient pas arrivés à l’abattre. Je me demande quelle technique il aurait fallu pour aborder un arbre gros comme une bonne chambre?!
    La charmille de Marylia
    La route Novogroudok — Karélitchi
    Le lac Svitiaz, chanté par Mickiewicz, a la forme d’un grand cercle régulier, entouré d’arbres très vieux. L’eau y est exception­nelle, même après un simple bain, les che­veux crissent encore pendant deux jours. Dans les alentours du lac sont disposés trois villages assez typiques. Miratétchi s’étend en un long ruban de maisons solides. C’est là qu’est restée intacte, depuis long­temps fermée, une église vieille de quatre cents ans du type “secrète”, construite ex­près petite et en pleine forêt, cachée des in­vasions et des guerres. Elle est remarquable par ses magnifiques sculptures nationales taillées dans le bois.