La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
Lorsqu’il a commencé à vivre en couple avec la mouche
Le pauvre a eu beaucoup de maux
à supporter.
La mouche nul penchant n’avait
pour le travail:
Avec les garçon s ne faisait
que plaisanter;
Elle ne savait ni tisser,
ni coudre,
Ni faire de bonne cuisine.
Le moucheron la tête
se gratta:
“Comment vivre avec une femme
pareille?
Ôù donc avais-je les yeux, mes chers amis,
Lorsque pour femme je l’ai choisie?”
Les gens parfois peuvent dire des bêtises. Voici le récit que j’ai entendu de la bouche d’un gaillard à propos d’une bonne famille laborieuse: “Yanka et Yavguinia s’entendent si bien, que fille encore, elle se faisait déjà taper dessus, et puis dans la maison aussi, on ne la voit pas beaucoup aujourd’hui, elle cache ses gnons. Je vous dirai encore qu’ils ont aussi de la chance avec leurs gosses. Les voilà un jour partis à se taper dessus, la mère appelle le plus jeune pour venir à bout du père. L’aîné le retient en disant “Laisse-les se battre. Nous, on est frère, eux sont deux diables mal assortis”. L’aîné évidemment, est un bon gaillard qui n’a qu’un refrain en tête: “Mon père, sa place est dans le sillon, les chevaux l’écoutent à merveille, la mienne est à l’auberge où on m’attend”.
Les moujiks qui écoutent le blagueur s’en donnent à coeur joie.
Dans le groupe il y a aussi Yanka, le dindon de la farce, qui sourit dans sa moustache. Avec sa femme il s’entend très bien. L’aîné a quinze ans, le cadet en a dix. Pourquoi pas écouter le bonhomme à la langue bien pendue?
...Des enfants, pour le bien, il faut en avoir le plus possible. “Avec les gosses, c’est dur avant de se mettre à table, alors qu’après tout marche à merveille” (on mangeait autrefois dans la même écuelle, le père avait la priorité, toute la tablée attendait en se chamaillant que le père avale la première cuillère). Dans le peuple on disait aussi “Un fils n’est pas un fils, deux fils font un demi-fils, il n’y en a que trois qui font un fils”. On chante aussi aux petits une berceuse avec des paroles comme celles-ci: “Aa-a-, mon petiot, un autre viendra bientôt, a-a-a, soit sage jusqu’au cinquième, a-a-a pour en avoir un sixième”. C’est pour
quoi on dit d’ailleurs: “Il ne reste plus qu’une seule manche, faisons-en des langes”, ou encore “C’est pas la maison qui vaut son pesant d’or, mais le père”.
Battre les enfants est une très mauvaise affaire. Voici quelques bons mots à ce sujet: “Remplacez la verge par de bons proverbes, le bâton par de bons dictons”. Mais s’il arrive quelque chose à un adolescent voici ce qu’on dit en guise d’autocalmant, se reprochant de ne pas avoir été assez sévère durant son enfance: “Il fallait lui donner la fessée, lorsqu’il pouvait encore sur le banc coucher. Aujourd’hui le banc est bien petit pour y coucher et fesser un pareil freluquet”. En voilà encore un: “Qui désobéit à son père, obéit à la peau de chien” (à l’époque de Nicolas I-er, au milieu du XIXe siècle, le service militaire durait 25 ans, la vie des soldats était réglée par le roulement des tambours militaires, tambours faits exclusivement de peaux de chiens).
A propos d’enfant il y a une bonne légende. Il y a bien longtemps une femme s’était plainte à un bon génie que ses bras se fatiguaient bien vite à garder les enfants, bien petits encore, les veaux, les agneaux, les poulains. Tous avaient besoin de ses bras. Le bon génie lui vient en aide: il jette le poulain par-dessus une haute palissade, le poulain tombe sur ses pattes et se met à gambader; il en fait autant avec le veau et l’agneau qui se mettent à sautiller eux aussi. “Bon, maintenant passe-moi ton enfant”. La mère se rebiffe: “Il ne manquerait plus que ça, que je te donne mon gosse à jeter par-dessus la palissade”.
— Alors, tu peux le garder dans tes bras...”
Evidemment, il y a encore d’autres dictons comme ceux-ci: “La belle-fille doit endurer sept ans de reproches”. “Tout jeune marié pendant 15 ans doit vouvoyer sa cruelle belle-mère”. Il y en a de meilleurs: “A bon propriétaire toute corneille peut être femme, à mauvais propriétaire toute prin
cesse pleurera sans cesse”, “Voleurs passés, les murs restent, femme morte le foyer entier emporte”, ,,I1 ne faut jamais irriter la femme avec qui tu comptes vivre”, “Avoir une seconde femme et construire une seconde maison sont mauvais sort”, “je me dispenserais du boire et du manger, si j’avais femme à admirer”. Enfin, en voici un dernier: “Ma bien bonne femme, tu m’as quitté pour l’autre monde, il ne me reste qu’à te suivre dans la tombe”.
Les vieux ronchonnent parfois parlant de pères et de fils mauvais propriétaires: „Ton père laissait sa propriété aux chats, toi, tu en fais le domaine des chiens”.
Mais ne prenons pas tout cela au sérieux.
* * *
Le Biélorusse est réaliste dans la vie malgré son imagination vive, son romantisme, sa rêverie. Il est clair qu’aujourd’hui personne ne croit aux génies des eaux et des forêts, aux esprits de ce genre, alors qu’autrefois on y croyait. Et on se racontait de ces histoires, à la pêche assis dans une barque ou tard le soir autour d’un feu de bois, des histoires qui faisaient se dresser les cheveaux sur la tête. On parlait du loup-garou qui se mêlait aux vrais loups, des ancêtres remontant jusqu’à Adam, des ancêtres qu’on pouvait rencontrer et voir le jour des “Vieux’ ’ (fête des morts) si on se dispensait de manger et de parler deux jours de suite (c’est amusant n’est-ce pas? Il y a un brin de vérité dans tout cela parce qu’il paraît qu’un jour quelqu’un a vu apparaître son oncle, pas croyant lui, qui s’efforçait de passer par la cheminée, mais il n’arrivait pas à le faire parce que l’entrée de la cheminée était barrée par une herse, la même herse que l’oncle avait volée de son vivant, en autre il avait “oublié” d’aller se confesser. Le neveu, voyant cette apparition, s’était mis à rire, ce qui a fait disparaître le tableau).
Des centaines de volumes ne suffiraient pas à contenir les nombreux contes populaires
biélorusses ainsi que toutes les histoires qu’on ne peut rencontrer nulle part ailleurs. Tenez, en voilà une pour satisfaire les curieux, ceux qui désirent savoir pourquoi le moineau sautille sur ses deux pattes en même temps, pourquoi la chouette a des plumes de couleurs différentes, pourquoi les oiseaux à la vue d’une chouette se jettent dessus en bande et lui arrachent les plumes.
Eh bien, voilà! Un jour, un moineau pris en faute est chassé et est obligé de se réfugier dans le creux d’un arbre. Le moineau était bien rusé, il avait choisi un trou dans un tronc d’arbre tout juste à sa taille, dans ce sens qu’un oiseau un peu plus gros n’arriverait pas à passer par le trou, un plus petit serait vite jeté dehors. Les oiseaux décident alors de faire le siège de la forteresse provisoire. Ils attendent jusqu’au soir, la nuit venue, tous commencent à sommeiller. Ils décident de laisser un de leurs confrères en faction, mais qui? Il est clair, la garde du trou est confiée à la chouette, elle ne dort pas et voit très bien la nuit. A cette époque la chouette était nue comme une poulie qu’on vient de plumer. La chouette accepte de monter la garde mais à une condition, que chacun lui donne une plume: “Vous avez tous des plumes, pourquoi donc moi, je dois rester nue?” Chaque oiseau lui donne une plume, qui une grise, qui une rousse, un troisième une blanche ou unè brune. Comme tout le monde la chouette a donc son plumage à elle, à la seule différence, ses plumes sont de couleurs variées, La voilà en faction devant le trou toute la nuit. Le matin, au lever du jour, alors que tous les oiseaux étaient encore endormis, le pauvre être nocturne commence à sommeiller. Le moineau en profite pour s’enfuir... Mais il est quand même rattrapé et pour le punir on lui attache les deux pattes. Voilà pourquoi depuis il sautille sur ses deux pattes en même temps. Quant aux oiseaux, à la vue d’une chouette, ils se jettent dessus, chacun veut reprendre sa plume et criant: “Rends-moi ma plume, menteuse. Il ne
fallait pas accepter si tu n’étais pas capable de garder un méchant moineau”.
...Ça, c’est un conte amusant, alors qu’il y en a encore des milliers, les uns plus fantastiques que les autres.
Je vais en nommer quelques uns. Comment un jour un serpent a encerclé une ville entière. Le conte du chat à la tête d’or allant par le monde. L’histoire d’un paysan rusé qui a fait boire de la bière au diable, l’a enivré et lui a volé les âmes des bonnes gens. Le récit d’un serpent qui tombe amoureux d’une jeune fille. Il est impossible de les énumérer tous, ces contes. Ils sont si nom
breux! Ils ont été recueillis en grand nombre par E. Romanov, P. Cheïne, M. Fédorovski, A. Sergepoutovski. C’est tout un trésor, d’autant plus qu’ils étaient transmis dans le peuple de bouche en bouche; ils ont longtemps remplacé les livres biélorusses qui étaient alors interdits, la langue aussi d’ailleurs. Autrefois il n’y avaient que les contes qui permettaient aux enfants de se transporter dans les pays lointains, des pays situés derrière les ‘‘sept montagnes et les sept mers, un peu plus prêt du soleil, un peu plus loin de la lune.”
DES MONUMENTS, DES ÉDIFICES, DES TOURS
LA VILLE SUR
LA NÉMIGA
Nous n’avons donc pas eu la possibilité de tout vous raconter. Nous aurions voulu vous parler encore de certaines coutumes, des feux à la fête de Koupala, de la fleur de la fougère qui porte bonheur à qui la voit s’épanouir la nuit; des jeunes gens qui au mois d’avril montent sur les collines et les monts pour “appeler le printemps”. Bon, arrêtons-nous! Toutes ces coutumes étaient vivantes de leur temps, à l’époque des longues veillées d’hiver, lorsqu’on se rassemblait pour filer et tisser. Aujourd’hui il faut parler des temps nouveaux...
Minsk. La vieille ville. XVIe —XVIIIe siècles
Le nombre d’habitants dans les villes ne cesse d’augmenter. Des villes nouvelles avec des fabriques et des usines naissent! Et c’est de ces villes nouvelles que nous allons parler. Il est évident qu’il faut commencer par la capitale, les centrés régionaux et puis après... après, on peut parler de ce qui plaît, des petites villes, des agglomérations qu’on connaît le mieux et qu’on aime bien.