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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    Nous en avons fait un film. Voilà comment ça s’est passé. Nous entrons donc à l’inté­rieur de la chapelle. Rien, à part un étroit passage qui nous conduit au choeur, des murs blancs avec des espèces de pots encastrés dedans, en guise de résonateurs. C’est d’ailleurs un fait que j’ai relevé dans les annales et qui m’est revenu à la mémoire. Lorsque l’église en question venait d’être terminée, les maçons avaient demandé la permission aux maîtres de ces lieux de “crier” et de “siffler” un peu pour vérifier la résonance. Evidemment moi, je ne me suis pas mis à siffler ou à crier dans cet édifice de 800 ans, je n’en ai pas eu le courage. Je décide alors de chanter quelque chose, un vieil air. Et voilà, je m’y mets. J’ai une voix qui n’est pas mal pour un amateur, je chante fort et plus ou moins juste. Mais là, ma voix a produit un tel effet que ceux qui étaient là en ont eu le frisson. On aurait dit Chaliapine. Et si c’était lui qui aurait chanté là? Quelle résonance, mes amis!
    Nous avons eu du mal à filmer, à cause du manque de lumière. Le côté en bois était, lui,en pleine lumière. Ceux en pierres n’étai­ent éclairés que le soir, au coucher du soleil, et encore que pendant les longues journées d’été. La maçonnerie était magnifique, embellie de blocs plats multicolores. Il y en avait des verts, des rouges à rayures, des bruns foncés, des bleus, enfin, de toutes les couleurs. Et puis il y avait des carrés, des lozanges, des croix en majoliques. Là, nous avons l’idée de faire reluire les couleurs, nous aspergeons d’eau les murs couverts de poussière. Juste à ce moment les rayons de soleil arrivent à tomber sur le mur. Vous auriez vu quelle splendeur! Les majoliques et les blocs se sont mis à briller comme des arcs-en-ciel. Si les plumes du paon sont belles, ce que nous avions devant nous l’était cent fois plus. Un véritable oiseau de paradis, un oiseau de pierre qui semblait planer dans le ciel.
    Grodno. Dans la cour du monastère, un bâtiment servant d’entrepôt et d’habitation
    Le XVIIe et le XVIIIe siècles ont été marqués par le style baroque. Et pour avoir une représentation complète de Grodno, il ne faut pas manquer d’aller voir le com­plexe du monastère des Brigitte ou bien l’ég­lise franciscaine sur le Niémen. Et surtout, il faut voir un vieux bâtiment qui, autrefois,
    avait servi d’entrepôt, un bâtiment tout en bois datant du XVIIe siècle, juste dans la cour du monastère. Le rez-de-chaussée avait servi d’entrepôt, le premier étage avait été habité par les moines; le tout était entouré d’une large galerie. Mais le plus étonnant, c’est que la construction n’a pas une seule pointe, pas un seul clou, que des entailles et des joints de bois.
    En un mot, celui qui verra tout cela, ne le regrettera pas.
    LES“GRANDES”
    PETITES VILLES
    Que dire des petites villes, des agglomé­rations urbaines parfois bien petites? Mais bien curieuses en même temps. Il y en a des centaines. Il faut tout de même en voir quel­ques unes. D’autant plus que le pourcentage de la population y est assez élevé. Je vais choisir les villes les plus curieuses à mon avis celles qui possèdent une silhouette parti­culière, celles qui m’ont frappé le plus et m’ont laissé un très bon souvenir, celles de qui j’arriverai à en parler le mieux.
    Novogroudok, un nom à la polonaise (les habitants de la région, dans un rayon de 70 kilomètres, l’appellent Novogradak un nom qui est plus proche de l’ancien Novgorodok). Novogroudok se situe sur une colline entourée de terres accidentées aux champs multicolores. Les pentes de la colline descendant vers le Niémen sont abruptes et sillonnées de ravins. Ajoutons que cette col­line est une des plus hautes en Biélorussie, c’est pourquoi la température y est toujours un peu plus basse que partout ailleurs de quelques degrés. Au cours d’une de nos ex­péditions dans cette région, nous avons été bien étonnés de constater que nous étions en “plein automne”, par rapport à Baranovitchi d’où nous venions d’arriver, à peine quelques 50—60 kilomètres. Il y avait ici beaucoup plus d’arbres aux feuilles pourpres, jaunes colorées par l’automne, quatre fois plus.
    Novogroudok a été autrefois le centre de la principauté lituanienne.
    En arrivant dans la région de Novo­groudok, on voit déjà de loin les vestiges de l’ancienne ville, des vieilles tours pareilles à des dents gâtées, noircies par les ans. Du château du prince, il n’en est resté très peu, les tours ont beaucoup souffert durant les siècles passés, et il y en a eu sept, des siè­cles. Malgré cela, les restes sont tout de même curieux à voir. Une tour, habitée autrefois, des fragments de tour plutôt (12 mètres de
    façade, une entrée assez basse, sa hauteur, à vue d’oeil, 20 mètres environ). Et si vous arrivez à grimper dessus, avec des cordes et du courage, vous aurez une vue superbe des alentours, de plusieurs kilomètres à la ronde. Par temps clair de la colline aussi, comme de la tour, on peut voir le clocher du village de Touretz, à une trentaine de kilomètres. De là, on peut voir aussi un char­mant petit lac appelé Litovka. D’après une légende, c’est auprès de ce lac que les croisés ont été battus. Inspiré par cette légende Mickiewicz a écrit son poème intitulé“Gragéna”. Un peu à gauche on peut voir égale­ment “Le Tertre de Mickiewicz”. Il a été élevé durant sept longues années (de 1924 à 1931) de la terre apportée par poignés de Biélorussie, de Pologne, de l’Ukraine de l’Ouest, oui, poignée par poignée, sans aucune technique. Il suffit de jeter un coup d’oeil en bas pour apercevoir une très vieille église. C’est là que le prince de Lituanie a célébré ses noces, un peu plus tard, le roi Yagaïlo aussi. Le poète Mickiewicz y a été baptisé. Pour voir la maison-musée de Mickiewicz il faut tourner le dos à l’église, c’est une mai­son qui a été reconstruite. Mais en principe tout rappelle le grand poète. Pas loin de Novogroudok, un obélisque a été élevé, à la place d’une ancienne propriété, là où le poè­te a passé son enfance et sa jeunesse, où s’est passé son premier amour, un amour tourmen­té. Aujourd’hui encore, les vieux tilleuls, té­moins de cet amour malheureux, semblent chuchoter entre eux. Dans le bois d’à côté se trouve encore un énorme rocher où aimait venir le poète discuter avec ses amis, comme lui épris de liberté. Et ce sont les chansons du pays, les légendes, les contes qui l’ont plus d’une fois inspiré. Mickiewicz y est revenu sur ces lieux plus d’une fois, chaque fois qu’il rentrait d’un long voyage ou de l’étran­ger. Le poète parle beaucoup du Niémen, de son pays natal avec une grande passion; c’est là aussi que sont nés ses personnages: le prince Mechka, la gentille Gragéna, le noble Tadeusz.
    Novogroudok. Reconstruction du château fort (M. Tkatchev, Y. Koulik)
    C’est également dans la région de Novo­groudok que se trouve le fameux lac Svitiaz, tant chanté par Mickiewicz. C’est un lac entouré de chênes très vieux, de sites d’une beauté exceptionnelle, l’eau y est très claire, le fond de sable est semé de pierres aux cou­leurs variées. Le lac est lié à deux énigmes.
    La première se rapproche d’une légende. Il y avait autrefois à l’emplacement du lac actuel une ville; une ville où n’étaient res­tées que les femmes. Profitant de l’absence des hommes, des brigands se sont attaqués aux femmes qui se sont défendues avec beau­coup de courage, vaillamment mais, à bout de force, elles ont commencé à prier et la ville bientôt a disparu, à sa place un lac s’est formé, le lac Svitiaz.
    La deuxième énigme est près d’être7une réalité. Il y a dans le lac une plante herbacée appelée tétradénium javanicum, elle ne pous­se que dans les lacs de Java et de Sumatra et aussi, il est difficile de le croire, dans le lac Svitiaz, c’est-à-dire, à l’autre bout du monde. Personne ne sait pourquoi! C’est là un problème à résoudre. Celui qui arrivera à trouver une solution sera digne d’être récompensé par toutes les académies des sciences du monde. Pendant la guerre, les Allemands, à l’aide de grappins, ont arraché pas mal de cette herbe rare pour en fournir leurs hôpitaux. Il paraît qu’un remède à base de la plante activise la guérison des plaies. Il aurait fallu étudier ce phénomène, faire des analyses...
    Le lac Svitiaz et ses environs aujourd’­hui forment une magnifique réserve. Dans le lac, on peut y pêcher, mais à la ligne seule­ment et c’est tout.
    On se demande parfois pourquoi il y a ”tant de villes au fond des lacs?” Cela s’explique. En Biélorussie, comme un peu partout ailleurs, il y a des sols crayeux qui petit à petit sont lavés par les eaux souter­raines, des effondrements se sont produits. Il est possible que certains lacs se soient for­més ainsi, il se peut également que ces en­droits aient été habités. Le reste a été créé par l’imagination populaire, une imagination bien fertile. De belles légendes en sont nées.
    ...Passons dans le vallon où coule tran­quillement la Chtchara, attirant par la verdure de ses prés et de ses forêts, par ses collines pas très élevées. A notre vue se dé couvre tout à coup une ville, petite, jolie
    V. Charangovitch. Illustration du poème de A. Mickieucicz. Gragéna
    Novogroudok. La place Centrale
    comme un jouet. C’est Slonime :sept cents ans mais toujours jeune, grâce aux caresses des eaux limpides de la Chtchara. Des rues tortueuses, agrémentées de montées et de descentes, parcourent la ville en tous sens. Ça et là apparaissent des tours blanches dans le style baroque biélorusse du XVIIe et du XVIIIe siècles, un style réservé, particulier.
    L’industrie de la ville se concentre autour de l’alimentation et la confection, un peu d’articles d’art, de la transformation des métaux.
    L’environnement de Slonime est digne d’être rappelé: un canal, construit par l’onc­le du compositeur Oginski, une curieuse petite papeterie à Albertine, une église à Synkovitchi, une église unique en son genre non seulement en Biélorussie mais et en Europe, une église qui rappelle plutôt une forteresse isolée du monde, noyée dans de vastes vergers. A Gérovitchi on peut voir un monastère de l’époque de l’Union (XVIIe siècle).