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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    Nesvige. Le château. XVIe siècle
    qu’un peu plus tard, que l’on a pu affirmer que l’imprimeur civilisateur Frantichek Skorina et le poète Siméon Polotski étaient Bié­lorusses, que, par exemple, Ivan Vichanski était Ukrainien, Piatro Mstislaviets était Biélorusse et, probablement, un disciple, ou un disciple du disciple de Skorina, qu’Ivan Fédorov était Russe. On sait que de la Biélorussie l’imprimerie s’est répandue dans l’Etat de Russie, et, de Moscou, quand des fanatiques ont incendié l’imprimerie de Fédorov et de Mstislav, elle est revenue en Biélorussie, avec ceux qui avaient réussi à se sauver, et ensuite elle s’est implantée en Ukraine. Est-ce que les oeuvres ardentes de Vichanski, est-ce que son sarcasme blessant n’étaient pas appréciés en Biélorussie? Et est-ce que Siméon Polotski n’a pas fait ses études à l’Académie de Kiev? Est-ce que les livres de Skorina n’étaient pas connus en Ukraine et en Russie?
    LES SIECLES LES PLUS DURS
    Le cours du temps voit de plus en plus se développer deux tendances. La première concerne les charges féodales qui deviennent de plus en plus lourdes tandis que la plus grande partie des paysans biélorusses est définitivement asservie. La deuxième, c’est l’intensification de la lutte entre les religions catholique et orthodoxe sur le territoire du pays.
    La première était liée au développement du commerce dans le pays et au développement rapide de l’industrie dans les Etats de l’Eu­rope Occidentale qui avait provoqué une de­mande accrue, sur le marché, du chanvre, du lin, du blé et du bois. Les gros propriétaires terriens ont aggrandi les surfaces cultivées,
    Smoliany. Le château fort. XVle siècle
    mais, ils avaient besoin de main-d’oeuvre pour les mettre en valeur. En 1557 une réforme agraire a été effectuée, baptisée “la réforme des lotissements”. Toute la terre a été par­tagée en “lots” (21,3 ha); chaque lot s’est vu attribuer sa “cheminée”, c’est-à-dire une famille. Pour l’utilisation d’un lot d’une qualité et d’une superficie déterminée (on pouvait posséder plus d’un lot) la “che­minée” devait payer des charges concrètes. Des caravanes de voitures et des vaisseaux, chargés des fruits du travail des paysans, se dirigeaient alors vers l’Occident. Les ri­chesses des exploitants s’accumulaient. Au­jourd’hui personne n’accepterait de vivre comme vivait un prince quelconque de Nov­gorod au début du XIIIe siècle. D’immenses demeures de pierre aux murs nus, des bancs recouverts de fourrures, les lits sont rares, des tables rustiques, quelques chaises, des icônes, deux grands coffres; mais de nombreux chevaux dans les écuries, des objets d’argent dans les coffres, des vêtements en tissus très chers. Puis, à l’intérieur des murs et des tours,— des palais aux murs tendus de soie, aux meubles capitonnés de velours, aux coupo­les recouvertes de plaques d’or. Les maîtres sont habillés de brocart importé de l’Inde, aux doigts ils portent des bagues dont cha­cune a la valeur de toute une année de tra­vail d’un village entier; des chaînettes et des médaillons d’or, des armures ornées de pierres précieuses dont la valeur est difficile à évaluer. L’industrie, l’enrichissement, l’opulence, c’est le paysan qui les paie. Mais il ne fait pas que payer, il se révolte aussi.
    ...C’est de cette époque que datent les premières rixes catholiques et orthodoxes. La menace des chevaliers teutons continuait de peser, l’ordre devenait encore plus puissant. Il fallait trouver quelqu’un pour s’unir. Le peuple, la petite bourgeoisie, les marchands optaient pour l’union avec Moscou. Les langues se ressemblaient, la religion était la même. Mais Moscou payait encore tribut aux Tatars. Même après la bataille de Koulikovo et jusqu’au “face à face sur l’Ougra”
    (1480), quand le tzar Ivan III recevait des renforts, tandis que le khan Akhmat atten­dait en vain l’aide du roi de la Lituanie et de la Pologne Kazimir IV. Cette aide les Tatars ne l’ont jamais reçue parce que les princes orthodoxes biélorusses s’étaient ré­voltés contre le roi: ils ont payé de leur tête l’aide accordée à Moscou, alors que le pays tombait sous une influence encore plus forte du catholicisme.
    Ainsi, une partie importante des magnats estimait que Moscou se trouvait trop loin et l’ordre des teutons trop près. Ce qui iné­vitablement poussait à l’alliance avec la Pologne, et, par conséquent, à la nécessité d’adopter une autre religion, la leur. Vien­nent s’ajouter les révoltes, les complots, parfois importants, des féodaux biélorusses orthodoxes (le complot de M. Glinski avec la prise de Tourov et de Mozyr et les atta­ques des principautés de Sloutsk et de Kopyle — 1506).
    C’est ainsi qu’en 1385 l’alliance avec la Pologne a été scellée dans le château de Krev. Le pape soutenait le roi Jagellon qui lui a donné la parole de tout faire pour soumettre les Biélorusses et les Ukrainiens au catholi­cisme. L’union a aidé à repousser les cheva­liers teutons, mais elle a engendré des siècles de lutte des Ukrainiens et des Biélorusses contre la catholisation forcée; elle est ainsi devenue une des causes de l’affaiblissement, puis de la chute, de la Pologne. Vous voyez quelles sont les péripéties de l’histoire; on tire le bout de la ficelle, qui semble être la moins importante, et tôt ou tard, l’écho se fera entendre. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain.
    L’idée de l’union, entre hommes de bonne volonté, n’était pas mauvaise en elle-même. Vraiment, à quoi cela servait-il donc de s’entretuer? Seulement parce que le cosaque Pydaprigora et le bourgeois de Moguilev Roman Dévatchka faisaient le signe de croix avec deux doigts tandis que le Polonais Pchypchetski le faisait avec cinq doits? Ce n’était pas sérieux! Mais derrière la bonne
    La bataille d'Orcha. XVIe siècle (gravure contemporaine)
    idée de paix religieuse et grâce aux bons soins des loups gui régnaient sur les peuples, partout l’esclavage attendait les hommes, ainsi que la perte de la confiance, de la langue mater­nelle, une haine aveugle des voisins proches et lointains.
    Des deux côtés la lutte était féroce et il manquait de peu que parfois elle ne se déchaîne en guerre religieuse. Ce n’était pas du fanatisme. Le Biélorusse n’est pas fanatique et même durant ces années som­bres ses relations avec les cieux étaient plu­tôt familières, amicales avec une pointe d’ironie. Cette très vieille légende le té­moigne. Deux femmes se rencontrent:
    Où vas-tu, commère?
    — Je vais à l’église demander une messe pour mon animal (mon monstre, ma vipère, mon Caïn — dans tous les cas c’est l’époux qui est visé).
    — Et bien alors, ma chère, ne te trompe pas, ne demande pas la Messe à Monsieur Jésus; les hommes sont tous les mêmes salauds, ils se couvrent toujours les uns les autres, comme les tziganes. Fais bien atten­tion de ne pas te tromper et commande la messe à notre Sainte Mère. C’est une femme, et comme toutes les femmes, elle comprend tout.
    Ces rixes, ces bagarres dans les villes, ce n’était pas du fanatisme, c’était la dé­fense de la dignité humaine.
    La bataille de Grunwald avait écrasé l’ennemi commun des Slaves, mais dans le pays rien ne changeait. On s’était trop embou­rbé. Les trois quarts de la noblesse avaient accepté le catholicisme; ils se vantaient d’appartenir à “une civilisation supérieure” (entre temps, dans les tribunaux, même en Pologne, on se servait de lois écrites en lan­gue biélorusse), ils traitaient les paysans de crétins. La lutte continuait.
    Ce sont les confrèreries qui prennent la tâche de diriger cette lutte. Dans la confrèrerie le noble payait ses cotisations aussi bien que le paysan (et le premier n’avait aucune supériorité sur le second). Les con­
    frèreries organisaient des imprimeries, se préoccupaient du développement de l’en­seignement, inauguraient des écoles pour les enfants dans lesquelles on utilisait la langue maternelle, elles aidaient les prédicateurs et les écrivains qui les soutenaient. C’est ainsi que s’étaient entremêlées en un seul noeud l’économie, la religion, les langues (le noble, exploitant, catholique, le plus souvent “Polonais”; le paysan et le citadin, exploités, orthodoxes, “Biélorusses”). Mais il y avait aussi des nobles orthodoxes et des paysans catholiques.
    Ainsi, le peuple, déchiré en deux, mordait son frère à mort.
    Certains mouraient de faim, d’autres se révoltaient. C’est durant cette époque que l’amitié entre la Biélorussie et l’Ukraine se renforce particulièrement. Par milliers nos paysans quittaient leurs terres natales et rejoignaient les cosaques de la Setch. On sait que la haine du peuple envers les ho­bereaux étrangers a engendré, en Ukraine, un mouvement aussi puissant que celui des cosaques qui a réussi à ébranler la Rzecz Pospolita et qui a fini par en détacher l’Uk­raine. En Biélorussie il n’y avait rien de pa­reil. Il n’y avait pas d’organisation mili­taire telle que la Setch, où on apprenait à se servir des sabres, des frondes, à monter à cheval, où on était toujours armé, où on était toujours prêt à se révolter, au moindre prétexte. Le Biélorusse, lui, n’était alors qu’un simple “semeur de sarrasin”, un artisan ou un marchand. Il n’y avait nulle place où il pouvait se sauver et, pendant des années entières, s’entraîner au métier de guerrier, à une lutte sans merci. Mais ces milliers qui rejoignaient la Zaporojskaia Setch ont considérablement contribué à ren­forcer les rangs des cosaques, ils combattai­ent avec courage et souvent parvenaient à atteindre le grade de colonel (Michel Kritchevski et d’autres). Et dès qu’une insur­rection éclatait en Biélorussie les détache­ments des cosaques accouraient à l’aide. Tandis que le moindre mouvement qui se
    produisait en Ukraine avait un écho en Biélorussie. Les grands envoyaient les forces armées, mais, dans les arrières de l’armée des hobereaux, la révolte des paysans s’am­plifiait. En voici quelques exemples:
    1590. Le chef des cosaques Matiouchka Goultaï attaque Moguilev. Son détachement fait boule de neige et grossit grâce à l’adhé­sion des paysans. Les propriétés et les palais des hobereaux sont brûlés. Les insurgés oc­cupent alors Bykhov et en chassent les usu­riers, les tenanciers et toute la noblesse polonaise.