La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
regrettable sauve l’armée presque complètement défaite de Radziwill; la cavalerie qu’il a envoyé avec mission de barrer la voie de l’Ukraine au détachement de Kritchevski ne le trouve pas (le colonel, rusé, avait réussi à l’éviter), elle perd son chemin et ... tout à fait par hasard butte contre le flanc gauche des cosaques. Padbaïlo qui accourt à l’aide est repoussé sur les rives du Dniepr. Pendant la nuit les insurgés réussissent à quitter en cachette les barricades d’arbres abattus et à disparaître dans les forêts et les marais. L’armée des hobereaux réussit quand même à rejoindre un tout petit détachement de cosaques qui ne pouvaient pas aller vite parce qu’ils transportaient sur un charriot leur colonel, sérieusement blessé dans la bataille de la ville. La résistance a été furieuse. Immobilisé sur le charriot, Kritchevski tirait sur les ennemis. La réserve de munitions épuisée, tous les cosaques et les paysans se défendent, jusqu’au dernier, à l’arme blanche, et tous tombent autour de leur chef, sous les coups de sabres. Frappé par la témérité de Mikhal, Radziwill lui propose un poste dans son armée. Pour toute réponse Kritchevski crache et se fracasse la tête contre les parties métalliques du chariot.
Les insurrections, noyées dans le sang, se poursuivent encore toute une année. Les habitants de Gomel, Mstislav, Tchatchersk, Prapoisk et d’autres villes ne permettent pas à Radziwill, au cours de l’année 1651, de s’enfoncer dans les arrières de Khmelnitski qui avance. Dans un accès de fureur impuissante le hetman de la Lituaine, Janusz Kichka, ordonne: “Mettez à mort tous les Biélorusses et tous leurs alliés”. Des régions entières sont transformées en désert. Et ce n’est que durant l’été de l’année suivante que Radziwill réussit, enfin, à envahir l’Ukraine.
Ensuite il y a Bérastetchka, la paix de Biélaia Tzerkov, puis la guerre du tsar russe Alexei contre la Pologne. Et beaucoup d’autres malheurs encore, et l’invasion des Suédois, et puis la paix avec la Pologne.
L’héroïsme de la guerre paysanne étonne jusqu’à nos jours, mais il y a aussi l’envers de la médaille: les villes désertées, les champs abandonnés. Rien à faire, comme le dit un de nos proverbes “il n’y a que les écrevisses qui s’embellissent dans le malheur”.
...Si jamais vous êtes à Kiev, sur la place devant la cathédrale Sainte-Sophie, en face de la statue de Khmelnitski, souvenezvous non seulement des temps passés, mais sachez encore que ce monument a été créé par un Biélorusse, Mikhal Mikéchine. Le projet de l’auteur qui a été estimé trop coûteux (un modèle moulé en est conservé dans le musée des arts de Minsk) prévoyait, sous les sabots du cheval du hetman, les corps, d’un hobereau polonais et d’un jésuite, et, autour du piédestal, les figures d’un joueur de kobza, d’un paysan russe, d’un cosaque et d’un paysan biélorusse.
Il me semble, que, grâce à leur héroïsme, ils l’ont bien mérité.
L’INVASION.
LE RENOUVEAU.
LES INSURRECTIONS
Les liens qui unissaient les peuples ne se sont pas affaiblis malgré la frontière qui s’est établie après la Rada populaire (le conseil) de Péréiaslavl. La Biélorussie était étouffée, mais, comme auparavant, le travail de ses artisans était hautement apprécié sur les chantiers de Moscou et de Varsovie.
Comme avant, les jeunes gens biélorusses allaient s’instruire à Kiev, tandis que certains d’entre eux, comme, par exemple, Tarassévitch, né près de Gloussk et ayant pris l’habit en Ukraine, est devenu au XVIIe siècle le fondateur de l’art graphique ukrainien.
La guerre suédoise. La bataille de Lesnaïa, dans la région de Moguilev, pendant laquelle le corps d’armée de Levenhaupt a été battu, a été surnommée par Pierre le
Coupe. Verre d’Ouretsk. (Musée d’Etat Biélorusse)
Roujany. Colonnade du châtecu. XVI IIe siècle
Grand, “la mère de la victoire de Poltava”. Au cours d’un été, j’ai visité le champ de bataille de Lesnaïa et celui de Poltava. Bien sûr, il n’y a guère de ressemblance entre le petit village caché dans les forêts et Poltava, avec ses grandes maisons et ses rues envahies de verdure, aux trottoirs noir-violet à cause des mûres écrasées. Et même si le modeste champ près de Lesnaia avec sa petite chapelle et ses pierres sur les tombes communes ne ressemble en rien au champ de Poltava avec ses innombrables monuments, il y a quand même quelque chose de commun: c’est le souvenir d’un grand malheur, le sang de l’abnégation, le soupir d’allégresse: le grand malheur a tout de même été vaincu. Tout au long de nos terres, partout on rencontre “des pierres suédoises”, “des pins suédois”
près de Liubtcha, de véritables témoins de la bataille.
...Les terres dévastées revenaient peu à peu à la vie grâce au travail des gens simples. Les izbas, naturellement, ne s’embellissaient pas, ce n’étaient que châteaux qui s’embellissaient. On voit apparaître des palais remarquables pour leur beauté. Et à côté d’eux on construit les premières fabriques et les usines qui, tout d’abord, appartenaient à la noblesse et utilisaient le travail des serfs. Les manufactures de Tyzenhaus à Grodno, les fonderies de Khraptovitch à Vichniovo, des fabriques de tissage, des verreries, des distilleries de goudron, de térébenthine, le merveilleux verre de Ouretsk et de Nalivotsk dont les ustensiles aujourd’hui valent
Des ceintures tissées à Sloutsk
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leur poids d’or. Le tissage d’art, la fabrication de tapis, la céramique, la faïence sans égale de Tsélakhagne. Et, bien sûr, l’apogée, ce sont les ceintures tissées de Sloutsk, larges, “moulées”, en fils d’or, d’argent et de soie. Les arabesques copiaient des dessins persans, mais elles comportaient aussi de simples feuilles et fleurs du pays: des bleuets, des marguerites, des campanules. Maintenant, il nous reste très peu de ceintures faites à Sloutsk. Leur prix est évalué au centimètre. Chaque centimètre vaut beaucoup de roubles. Mais ce n’est pas de roubles qu’il s’agit. L’or de ces ceintures, c’est l’or des mains des tisseurs et des tisseuses des villages. Le poète Bogdanovitch a consacré une poésie aux tisseuses-esclaves de Sloutsk.
Au loin de leur maison paternelle, Pour que leur prison soit plus riche encore, Elles doivent, pauvres tourterelles, Tisser de belles ceintures d’or.
Chaque jour de leur triste destin, Arrachées à leurs rêves d’enfants, Elles font des merveilles de leurs mains En copiant des ouvrages persans. Quand les grands prés multicolores Se reflètent dans le bleu du ciel, \ Leurs pensées se bousculent dehors, Vers le printemps qui les appelle.
Elles revoient les grands champs de blé d’or Parsemés de bleuets embaumés;
Elles revoient le ciel gris de l’aurore, Le pays qu’elles ne cessent d’aimer. Les visions se cachent dans leurs pleurs... Et leurs mains qui copient l’art persan Choisissent dans les fils, les couleurs Des yeux bleus des bleuets de leurs champs.
Des hôtels de ville s’élèvent vers le ciel: c’est le signe d’une force nouvelle. On érige des palais, des ensembles architecturaux, comme le palais à Roujany, construction qui n’a pas son égale; quand on l’admire, on oublie tout ce qui existe dans le monde. La peinture laïque commence à se développer, on exécute des gravures d’une haute perfection artistique. En Biélorussie il y a
plusieurs écoles de peinture (la plus connue est celle de Moguilev). Le canal d’Aguinsk unit la mer du Nord à la mer Baltique).
Mais tous ces progrès sont supportés par l’échine du peuple. De nouveau des insurrections éclatent. La plus importante est celle du starostat de Kritchev. 1740—1744. Elle a duré 4 ans. Elle a été dirigée par le marchand de cire Vassile Vachtchylo et son frère, les citadins Karpatch et Vétère et le père de Karpatch, ancien bourgmestre de Kritchev.
Eranime Radziwill avait baillé le starostat aux frères Itskovitch: “Envoie-moi l’argent immédiatement, les redevances, tu les collecteras toi-même. Tu prendras tout ce que tu voudras, cela ne me regarde pas”. Les frères ont pillé la région pire que la horde des Tatars. Voyant qu’ils allaient mourir de faim, les artisans et les paysans se sont révoltés. Ils ont tué les deux frères, brûlé les feuilles de redevances et incendié les propriétés. Plusieurs fois ils sont réussi à battre les troupes régulières et une fois ils ont anéanti un régiment de mercenaires allemands. Les troupes du colonel Piastritski (qui est accompagné de Radziwill lui-même) arrivent avec des canons. Au cours de deux batailles furieuses (près de Kritchev et près • du village de Tsarkovitchi) l’armée des paysans est défaite. Vassile Vachtchylo peut se sauver en Ukraine. Karpatch, Vétère, Mikita de Bakovki, Stess Batchko et son fils le scribe des insurgés, Ivan Trouss, Navoume Bouïane et beaucoup d’autres sont faits prisonniers, beaucoup ont été tués. On les mettait dans des cheminées, on les pendait, certains ont été cousus dans des peaux d’ours puis on lâchait sur eux des chiens spécialement entraînés à lutter contre les ours.
UN COURS NOUVEAU
Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle la Pologne commençait à sortir de la crise politique, économique et spirituelle
qui durant la première partie du siècle l’avait tenue dans un formidable étau.
Comme nous l’avons déjà dit, on construisait des manufactures et des usines. De nombreuses écoles ouvrent leurs portes sur le territoire de la Biélorussie.
Dans la ville de Grodno seulement on inaugure une école de médecine comprenant une faculté de médecins de campagne et de ville et une faculté de chirurgie, une école d’arpenteurs, une école de comptables, une école de spécialistes du bâtiment, une école militaire. Le jardin botanique de la ville compte deux mille sortes de plantes, dont 1 500 exotiques. Dans la ville il y avait des mathématiciens et des astronomes, on éditait un journal et des calendriers. Il y avait un théâtre qui jouait des opéras et des ballets.
En 1773 l’ordre des jésuites est supprimé et, dès lors, ce sont les savants qui se préoccupent de l’enseignement. Les académies sont réorganisées, on accorde plus d’attention à la physique et aux sciences naturelles. De plus en plus nombreuses sont les voix qui se prononcent pour l’égalité, pour l’abolition du servage et des ordres, pour la participation des paysans et des citadins aux assemblées. Le 3 mai 1791 entre en vigueur une constitution, qui, malgré, ses insuffisances représentait un événement considérable. Lentement, le pays sort de la crise. Mais il n’a pas le temps d’en sortir définitivement. Le poids des siècles passés pèse trop lourd pour que l’Ukrainien et le Biélorusse puissent considérer ce pays comme étant leur patrie, malgré une certaine amélioration de leur sort. La langue, les croyances, l’honneur, tout avait été bafoué. Tandis qu’à côté le puissant voisin devient encore plus puissant. Lors du premier partage de la Pologne (1772) entre l’Autriche, la Prusse et la Russie, c’est à cette dernière que sont attribuées les terres orientales de la Biélorussie. Le deuxième partage (1783) donne à la Russie le centre du pays. La partie occidentale lui revient au troisième partage (1795). La tentative entreprise par Tadeusz