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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    Le futur poète naît dans la propriété de Mouraguy au bord du lac Niechtcharde dans le nord de la Biélorussie (district de Rassone). Il aime rendre visite à son oncle
    qui appartient à la noblesse dont le mode de vie est proche de celui des paysans, comme, d’ailleurs, son père. En hiver le lac gelé devient une excellente route, au-dessus de laquelle tourbillonnent des nuages de neige. L’oncle du poète met toujours pendant la nuit une bougie allumée sur le bord de sa fenêtre, pour que les paysans, les marchands, les nobles voyageurs puissent être guidés pendant le chasse-neige par sa lumière, com­me en été les papillons. Parfois on demande l’autorisation de passer la nuit. On enlève ses capuchons et ses pelisses gelés et on prend place sur les “canapés ” en bois. (Qui pou­vaient avoir plus de cent ans! Maintenant aussi on peut parfois en voir en certains'end­roits, souvenirs laissés par l’ancienne nobles­se “en sabots”, et sur lesquels il est très, in­commode d’être assis). On boit du thé ou même quelque chose de plus fort. On paye toujours de la même façon: en racontant des histoires vraies ou inventées de toutes piè­ces, des légendes; c’est un bavardage intéres­sant, de petites histoires à faire rire ou à glacer le sang dans les veines, comme le “Vii” de Gogol. Le petit garçon écoute tout et plus tard il s’en servira pour son “Zâvalnia”, avec tout ce qu’il apprendra durant ses interminables voyages à travers le pays. Puisque ce sont les gens simples qui parlent, ce sont eux qui forment le personnage prin­cipal. Il est toujours seul contre les hobe­reaux, les vampires-bailleurs, les mauvais fon­ctionnaires et contre le diable lui-même, mais il sort toujours indemne de toutes sortes d’aventures, parce que lui — c’est le Peuple. Parce que tant qu’il labourera la terre, tant que la paysanne sera debout devant son four, rien ne sera perdu, ni la langue, ni la vérité, ni l’humanité, ni l’homme lui-même.
    C’est tout cela qui donne naissance à l’“Odyssée biélorusse” avec ses mille aven­tures, ou, plutôt, c’est une sorte de” 1001 nuits”, où chaque légende est étroitement liée à la suivante et toutes sont unies par le personnage de Zavalnia, dans la maison du­quel des visiteurs arrivés au hasard racontent
    Krochyne. Lustre. Forgé par Pavliuk Bagryme
    toutes sortes de belles histoires. Comme le disait au siècle dernier R. Podbierezski. “Dans toutes les maisons les plus riches de la Biélorussie on ne peut trouver autant de légendes, autant de folklore que dans la seule maisonnette d’un tel petit hobereau qui vit dans sa propriété en pleine campagne”.
    Ce sont ces maisons que va chercher Barchtchevski étant étudiant à Polotsk. On aime le boursier, on se l’arrache, parce qu’­avec lui, on est mieux, la vie est plus gaie et plus poétique. Chacun le paye en fonction de ses richesses: une mesure de blé, de pois, de sarrasin, de fèves. C’est ce qui lui permet de faire des études. Il ne pense pas publier ses oeuvres. Il les écrit parce que ça fait plaisir
    aux gens qui les colportent de foire en foire en riant. Ensuite il est à Pétersbourg, fait des voyages en Angleterre et en France pour les affaires des autres, il donne des leçons de grec et de latin, dans les riches familles, mais..." en hiver il étudiait lui-même et faisait étudier les autres, et au printemps, comme une alouette, la poésie le faisait re­tourner dans son pays natal. Il voyageait à pied, avec un bâton de pèlerin à la main”.
    Ainsi se fait le “Zavalnia”. “Ce qu’­écrit Barchtchevski dans sa prose — dit Podbierezski — ne concerne directement ni la littérature, ni l’histoire, ni la langue de la Biélorussie, mais une chose beaucoup plus importante: l’âme et la poésie du peuple, où se font l’histoire, la littérature et la lan­gue. Il a décidé de dresser un large panorama artistique de la vie nationale... Il voit devant
    lui le peuple... toute sa vie est un refus de soi-même au nom de la poésie. Pour bien comprendre ce que je veux dire il faut le connaître personnellement, il faut le voir avec sa canne de pèlerin à la main, comme moi je l’ai rencontré pendant mes voyages, à pied, entouré de Biélorusses, sur les bords de la Dvina, dans les auberges le long des routes, sur les sentiers des forêts et sur les grandes routes.... Cet homme n’a pas de mots vides... il est l’existence même... quoi que l’on ne dise, il nous fait découvrir un monde nouveau”.
    M. Grabovski écrit en 1843 dans la revue polonaise “Pelgzyme”: “Non seulement main­tenant, mais dès son enfance, patriote bié­lorusse, il est avec le peuple, toute sa vie: son visage hâlé n’a rien d’un visage de cabi­net, il évoque l’homme d’affaires... Il con­naît la Biélorussie à fond, parce qu’il l’a traversée en tous sens à pied au moins trente fois et il y revient chaque année de Pétersbourg, ... et partout là-bas on l’attend et on l’accueille avec joie; étant le troubadour de son pays il sème, comme un enchanteur, des légendes et toutes sortes d’histoires. Il possède un instinct étonnant dans l’art de présenter les légendes: il n’y ajoute rien, mais en même temps tout lui appartient”.
    La voici, la Biélorussie, sur les pages du “Zavalnia”, telle qu’elle est et telle qu’elle se présente elle-même. Un coq noir pond pour le paysan Karpe un oeuf duquel sort un ser­pent ailé; alors Karpe devient riche, mé­chant, ne respecte personne et se moque des habitants du village. Il meurt à cause de son avarice... Une femme-sorcière a le don de se transformer en pie blanche: elle vient chez l’hobereau Skamarokh qui est avare et sème la terreur parmi les pauvres, les veuves et les orphelins. Elle devient son amie ainsi que l’amie des autres hobereaux de la con­trée. C’est le début de mille malheurs: les mamelles des vaches se dessèchent, des ours détruisent les ruchers, une rivière de lait sort de la maison de la sorcière. Les paysans s’arment de leurs fusils et guettent la Pie,
    mais elle réussit à s’envoler, tandis que el mal reste: “Les hobereaux qui buvaient à sa santé boivent les larmes de malheur du peuple”. L’imagination populaire n’a pas de limites, au point qu’Henri, le gouverneur de Vitebsk, qui pique une colère sans pareille, sent ses cheveux se dresser sur sa tête. Tous ces événements fantastiques ont lieu sur le fond tranquille de notre belle nature, dans l’ambiance réelle des villages contemporains, des villes, des fermes, parmi les gens réels, les serfs, les mauvais hobereaux, les juges injustes.
    Barchtchevski a montré la Biélorussie à tous les peuples slaves.
    Ce n’est pas de faute s’il est obligé d’écrire en polonais. Le même destin hostile était réservé à beaucoup d’autres. Des di­zaines d’hommes talentueux enrichissaient les cultures voisines.
    Jan Barchtchevski passe les dernières années de sa vie difficile en Ukraine. A Odes­sa il écrit des sonnets, à Kiev il publie un livre de poésie et de prose et meurt dans la maison étrangère du magnat Rjévousski à Tsoudnov, où se trouve sa tombe.
    ...En général, beaucoup de Biélorusses de naissance et par leurs ancêtres ont rejoint alors des civilisations voisines.
    J’ai déjà parlé de Mickiewicz. Mais une fois notre expédition arrive tout à fait par hasard dans le petit village de Dostoiévo, au nord de Polessk. Un trou! Le sol des forêts est jaune or, à cause des chanterelles, aux couleurs bronze, à cause des cèpes. La large vallée de la riche Yasselda. Je ne pensais même pas au nom du village quand un gar­çon me dit: “Nous sommes en correspondance avec les descendants de l’écrivain Dostoïev­ski. Ils s’intéressent à la vie du pays natal de leurs ancêtres”. C’est alors que je me suis souvenu que c’était, depuis les temps les plus reculés, le nid de toute leur génération. Une des familles les plus anciennes à laquelle appartenaient les armoiries “Radvane”.
    ...Ainsi, beaucoup partaient chez les voisins. Quand un Biélorusse écoute l’opéra
    “Galka” de S. Moniuszko il y entend, com­me dans l’opéra “La cour de la terreur”, un support de chant biélorusse nettement mar­qué. C’est naturel, parce que le grand com­positeur est né à Oubel non loin de Minsk, sa première éducation musicale a été formée dans un entourage de chansons biélorusses, il a composé l’opérette l’“Idylle” (sur les paroles de Dounine-Martsinkiévitch, un des fondateurs de la littérature biélorusse) dans laquelle les hobereaux parlent en polonais et les paysans en biélorusse. Au total il a com­posé quatre oeuvres sur les paroles de Martsinkiévitch, ce qui forme le début de l’opé­ra biélorusse.
    De même en ce qui concerne Vladislav Syrakomlia (1823—1862) qui, lui aussi, a consacré la plus grande partie de son oeuvre créatrice à la Pologne; les vers qu’il avait écrits en biélorusse ont sans doute brûlé à Varsovie pendant la dernière guerre. Ce sont les manuscrits qui ont été perdus. C’est une perte irréparable. Il ne nous reste que quelques petites choses.
    Parfois le destin des hommes et des oeuv­res est étonnant. Voici le début et la fin d’un des vers de Syrakomlia “Le Facteur”:
    Tout à fait jeune j’ai débuté à la poste, J’étais cocher et j’avais le don du métier; Mes maîtres n’admettaient pas la riposte Et je devais travailler même les jours fériés.
    Mon cheval hennit et refuse d’avancer: Dans la neige, sous un linceul blanc, D’une femme je vois le corps gelé. Elle y était sans doute depuis longtemps. Je la dégage de l’étreinte mortelle Et je tire le corps à la lumière, J’éclaire son visage... Dieu, c’est elle... Je n’en peux plus! Ami, remplis mon verre!
    C’est que, traduit en russe, ce vers est devenu la chanson populaire bien connue „Quand j’étais cocher à la poste”.
    Une fois, quelqu’un, à Minsk, a joué une farce au poète et dramaturge biélorusse Dounine-Martsinkiévitch en faisant sonner
    “le glas pour la paix de son âme” et, naturel­lement sans signer, lui a envoyé un colis avec un linceul et une bougie. Ce qui a fait écrire à Moniuszko: “Joulkovski*, lui aussi, sans doute est né dans cette ville. De même en ce qui concerne Voltaire, il ne peut y avoir du doute qu’il ne soit habitant de Minsk. Je ne sais pas pourquoi Molière se disait Français: à Minsk on connaît presque la rue où il est né...”