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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    Il n’a pas dit tout ce qu’il voulait dire,
    11 est parti en nous léguant ses armes,
    Il a chanté notre vie et nos désirs, Et ses chansons ont séché nos larmes. Quand dans le malheur on allait le trouver Il savait nous faire voir le bien et le mal, Comme un père il pouvait nous apaiser, Il était près de nous au moindre signal. Mais s’il t’arrivait d’être coupable, Riche ou pauvre, tu devais l’écouter;
    Son oraison était si redoutable
    Que tu jurais de ne jamais recommencer.
    Paix à son âme dans le repos éternel!
    Priez pour que dans ce monde lointain Dieu lui offre une des places les plus belles Qu’il réserve aux âmes des saints.
    Le paysan croyait. Bien sûr, Bogouchévitch n’était pas un saint, il était un bon pécheur, mais dans le coeur des Biélorusses il occupe une des places réservées aux êtres les plus chers. Près de la maison qu’il avait habitée on peut voir jusqu’à présent, à Kouchlany, une énorme pierre transportée jus­que là par des paysans qui y ont gravé: “A la mémoire de Mathée Bouratchok”.
    LE^REVEIL
    “Sa Cochonnerie” le capital prend de plus en plus d’influence en Biélorussie, ou, comme on disait encore, dans “les terres du nord-ouest”. Parce que le mot “Biélo­russie” est encore plus strictement interdit que pendant les années 40. Quoique les gros­ses propriétés agricoles soient nombreuses (dans la région de Vitebsk, par exemple, Witgenstein possède un million de déciatines*, Radziwill en a 4 millions), et peutêtre grâce à ces grosses propriétés, l’exode rural prend de l’ampleur, les paysans vont travailler dans les usines. Selon l’expres­sion de V. I. Lénine la paysannerie “se dépaysanne”.
    Les lignes des chemins de fer s’étendent dans tout le pays: la Biélorussie occupe pres­
    * Mesure agraire équivalant à 1,0925 ha
    que la première place après la Pologne pour la longueur de ses voies ferrées. La crise agraire des années 1870—1880 ruine un grand nombre de propriétés appartenant à la nob­lesse et ces terres sont prises en mains par
    P. Dratchov. Ancienne foire biélorusse
    “les princes gris”, c’est-à-dire la bourgeoisie agricole nationale. Ce sont des gens plutôt grossiers mais qui savent ce qu’ils veulent: ils peuvent inviter à leur table le commissaire de police et y mettre en même temps tous leurs enfants pour qu’ils épluchent, pour l’invité de marque, les pommes de terre ser­
    vies en robe des champs. Mais ils possédaient des écuries de presque un kilomètre de lon­gueur. Les industries locales prennent de l’ampleur: fabrication de l’eau de vie à par­tir de la pomme de terre, sucreries, lin, chanvre, fabriques d’alumettes et manu­factures de tabac, scieries et construction de bateaux pour la flotte fluviale.
    C’est la ruine de la principale masse des paysans. Tandis que l’industrie lourde n’existe pas. L’industrie légère, il est vrai, se développe. Parfois même elle est très puis­sante. J’ai visité certaines anciennes usines. Prenons, par exemple, celle de Paretcha, sur les bords de la fougueuse Yasselde, qui est une ancienne fabrique de draps ayant ap­partenu à Skirmount. Il faut dire que même en nos jours ces immenses édifices à plu­sieurs étages en briques rouges noircies par le temps laissent une forte impression. On peut s’imaginer ce qu’ils représentaient au siècle dernier.
    Malgré ces progrès de l’industrie la vie ne s’améliore pas. Ni à la campagne qui est ruinée, ni dans les fabriques où le travail était surhumain avec des journées de 13—14 heures et de 18 dans les distilleries pour un salaire moyen de 8 roubles par mois. Par milliers les paysans quittent le pays natal et vont s’installer en Sibérie ou en Extrême Orient. Il y a quelques années j’ai visité certains villages des descendants de ces émi­grants. De ces villages, il y en a des dizaines, où, jusqu’à présent, comme dans la région de Moguilev, on entend parler le biélorusse à côté du russe et de l’ukrainien, tandis que dans les izbas on trouve des serviettes dé­coratives biélorusses. Les noms de ces villa­ges sont évocatifs: il y a une Poltavka (inau­gurée par des émigrants de la région de Poltava) à côté d’une Moguilevka, d’une Slonimka et d’autres.
    On observe la formation du prolétariat. Dans les années 60 il y avait environ trois mille ouvriers en tout dans le pays, tandis qu’au début de notre siècle on en comptait 25 000, avec, en plus, 10 000 cheminots,
    40000 saisonniers, 70 000 artisans, 150 000 ouvriers agricoles, 50 000 demi-saisonniers.
    Avant les marxistes il y a eu les populistes. Leurs cercles, leur propagande, leurs tracts et leurs brochures. “Le message aux Biélo­russes” par Chtchiry Biélorusse. “Les notes sur la Biélorussie” de Danil Baravik.
    Baravik mentionne déjà les oeuvres de Marx — “le chef reconnu du socialisme scientifique”—et ”la nécessité absolue de porter un coup décisif à cet anachronisme (la monarchie russe — V. K-), c’est-à-dire de réaliser un changement politique”. On imprime la revue clandestine “Gomane”, magazine de la “Volonté du peuple” des Biélorusses.
    Et, enfin, le Biélorusse Ignace Griniavitski (issu de la noblesse biélorusse pauvre, et non de la noblesse polonaise, comme par­fois on l’écrit) le 1-er Mars 1881 lance un
    I gnace Griniavitski
    engin explosif qui tue le tsar Alexandre II mais qui blesse mortellement Griniavitski lui-même. Il meurt sans trahir per­sonne et sans même dire son nom. Sa tête coupée est plongée dans un grand bocal d’al­cool et est exhibée aux prisonniers et aux témoins pour identification.
    ...Plus tard le mouvement ouvrier fait naître les premières organisations de la classe ouvrière. Le mouvement gréviste et insurrectionnel s’amplifie. En 1886 les ouv­riers des ateliers du chemin de fer LibavoRomenskaya à Gomel font la grève; en 1887 ce sont les ouvriers des forges de Minsk. Des cercles marxistes apparaissent à Grodno, à Minsk, à Vitebsk et dans d’autres villes. Le mouvement populiste a été définitive­ment écrasé dans les oeuvres de V. I. Lénine.
    Enfin, au mois de mars 1898 à Minsk, se tient le premier Congrès du P.O.S.D.R. Les membres du Comité Central ont été bientôt arrêtés, il a fallu encore des années de travail de Lénine et de ces aides, mais le premier pas était fait.
    A Minsk, sur le bord de la Svislotch, en­tourée des grands édifices modernes de la place de la Victoire, il y a une maisonnette en bois; dans laquelle tout a commencé. Cette petite maison nous est encore chère parce que plus tard elle a été habitée par Yanka Koupala qui y a créé nombre de ses vers. C’est également dans cette maison qu’il traduit en biélorusse l’“ Internationale”:
    C’est la lutte finale:
    Groupons-nous, et demain...
    Ce n’est pas seulement sur le territoire de la Biélorussie que les Biélorusses prennent part au mouvement ouvrier. Par exemple, un des organisateurs socialistes biélorusses, Serguéï Miarj inski, est également un des organisateurs de l’“Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière” de Kiev.
    Qu’est-ce qui a poussé la Biélorussie à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire? C’était une terre où la nation biélorusse se formait et avait déjà atteint un niveau de
    développement non négligeable. Ce proces­sus avait débuté plus d’un siècle auparavant. Tandis que l’ambiance, qui a ensuite pro­voqué la révolution de 1905, était propice à un puissant mouvement culturel. Le pres­sentiment de 1905 a fait fonction de cataly­seur. Les forces affluaient de tous côtés. La crête de cette immence vague a projeté à une énorme hauteur Yanka Koupala et Yakoub Kolass, Maxime Bogdanovitch et Alaïse Pachkévitch — Tiotka.
    L’intelliguentzia nationale biélorusse brise lentement mais sûrement les restrictions qui étouffaient l’école depuis l’insurrection de 1863. “Maintenant, les paysans n’ont au­cun besoin de livres, de revues et de journaux, ... voici le catalogue que nous leur propo­sons: l’Evangile, le bréviaire, l’histoire sain­te, le psautier”. Et ce n’est pas un bourreau de l’éducation qui l’écrit (comme on pourrait le croire), mais le curateur de l’arrondissement scolaire de Vilna. Il n’y a alors rien d’étonnant que la proportion des i 1 letrés en un siècle passe (vers 1897) de 40 à 77% . Les hommes se “décivilisent”!
    Viennent s’ajouter la crise industrielle de 1900—1903, la désastreuse guerre du Japon, l’implantation de grandes sociétés industrielles. La situation prenait parfois une allure anecdotique: la filature de lin de Vitebsk et le tramway de la ville, par exem­ple, appartenaient à une société anonyme belge.
    Les manifestations, les insurrections po­litiques, les grèves font trembler la terre biélorusse. Grève des ouvriers de 12 tanneries à Smorgogne (1901), grèves des serruriers et des menuisiers à Minsk (ils obtiennent la journée de travail de 12 heures) et des di­zaines d’autres. Drapeaux rouges dans les rues le Premier Mai. Des groupes sociaux démocrates exercent leur influence sur le mouvement ouvrier même dans les petites villes. L’“Iskra” de Lénine est largement diffusée partout en Biélorussie. Des groupes de l’“Iskra” fonctionnaient à Minsk, Gomel, Pinsk, Grodno, Vitebsk, Moguilev, Bob-
    rouïsk, Smorgogne, Kopyss et dans des di­zaines d’autres villes. Autour de ces groupes de l’“Iskra” se forment des groupes du P.O.S.D.R.
    1905. Rixes avec la police, troubles à la campagne. Le 18 octobre des milliers de personnes se rassemblent sur la place de la gare à Minsk pour un meeting. Sans faire preuve de trop de zèle le gouverneur Kourlov libère les prisonniers politiques. Mais en même temps l’armée est dirigée vers la gare. Commence ce qu’on a appelé “le massacre de Kourlov”. Ceux qui se sauvent sont ratt­rapés et fusillés près du centre de police de la rue Mikhaïlov. 80 morts, 300 blessés. La réponse est immédiate: grève générale de protestation.
    La lutte prend des formes diverses. Lutte armée, grèves, troubles des paysans, agita­tion des garnisons (garnison de Moguilev, insurrection des soldats de la forteresse de Brest), désarmement par les ouvriers des unités militaires fidèles au tsarisme (à Baranovitchi on jette à terre le général Artemiev, qui a ordonné de tirer sur la foule et on lui arrache ses épaulettes), le méconten­tement se manifeste de façon différente. Le révolutionnaire Poulikhov lance un engin contre le bourreau Kourlov. L’engin n’ex­plose pas. Ensuite on apprend que dans le groupe de révolutionnaires il y avait un pro­vocateur et avant d’être remis à Poulikhov l’engin avait été truqué dans les locaux de la police. Le révolutionnaire est pendu.