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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    Il y a eu des endroits où les Allemands n’ont pas posé leurs pieds. On ne les a pas laissé passer. Dans ces zones les institutions soviétiques ont continué de fonctionner normalement, les enfants allaient à l’école. Il est impossible de tout raconter. Voici seulement quelques exemples. Constantin Zaslonov organise des diversions sur le réseau de chemins de fer de Orcha: explosions sur les locomotives à l’aide de mines-char­bon, gel des châteaux d’eau, signalisation à nos aviateurs pendant les bombardements. Ensuite Zaslonov lutte dans un détachement de partisans et trouve une mort héroïque dans
    Nicolas üastelo de A. Bernbel
    Le Père Talach. de V. Anagneko
    un combat près de Koupavatza, le 14 no­vembre 1942.
    A. M. Chmyrov, F. Pavlovski, le père Talache, âgé de 100 ans. Marat Kazeï, 14 ans, agent de liaison, éclaireur, soldat, tombé au champ d’honneur en mai 1944. Un monument à sa mémoire a été érigé à Minsk. Que dire des jeunes lutteurs clan­destins d’Obol! Dans la gare de la ville ils ont fait sauter plusieurs convois ennemis avec des chars et des bombes d’aviations, puis l’usine de lin, l’usine électrique, plusi­eurs dépôts et ponts, trois locotracteurs, un excavateur, des camions transportant des hommes, ils ont fail exploser un engin dans la cantine des officiers allemands (plus de
    100 fascistes y ont trouvé la mort). Un pro­vocateur les a dénoncés, mais ils n’ont pas tous été arrêtés, nombreux sont ceux qui ont réussi à rejoindre les partisans.
    ...A Minsk pendant les années de l’occu­pation hitlérienne la lutte clandestine n’a pas connu un seul instant de répit; son point cul­minant a été l’exécution du gauleiter de la Biélorussie Kube. La mine, posée par les partisanes A. Mazanik, M. Ossipova et N. Troyane a déchiqueté le bourreau Guil­laume Kube.
    C’est pendant la nuit du 2 au 3 août 1943 que commence en Biélorussie la première “bataille du rail”. En 12 jours les parti­sans ont fait sauter 95 000 rails. Le trafic du
    Monument. L'endroit "Forçage du Blocus” matériel de guerre sur les chemins de fer di­minue de 40%. C’était pendant la bataille de Koursk.
    Maintes fois les hitlériens ont lancé des forces considérables contre les partisans. Tels ont été le glorieux blocus de Ouchatchy et la tentative hitlérienne de bloquer la forêt de Naliboki. Les pertes des partisans ont été immenses et ils ont fait preuve d’un héroïs­me sans pareil, mais leurs brigades ont réussi à rompre l’anneau de fer du blocus et ont continué d’exterminer l’ennemi (à Naliboki les fascistes ont engagé dans l’action des dizaines de milliers de soldats de l’armée régulière, soutenus par des blindés, l’avia­
    tion, l’artillerie, des unités SS, des chiens). Les partisans bénéficiaient de l’aide de tout le peuple biélorusse et des forêts du pays natal.
    Je vous ai déjà parlé des pertes subies par notre peuple. Un habitant sur quatre a péri. Les Français gardent dans leur mémoire le souvenir d’Oradour-sur-Glane, les Tchè­ques de Lidice. Nous avons eu des milliers d’Oradour. Des poignées de terre prises dans chacun d’eux ont été rassemblées à Khatyne qui ne s’est jamais relevée de sa tragédie. A la place de la grange où les ha­bitants du village ont été brûlés vifs il y a maintenant un monument. A la place de cha­que maison incendiée il y a un monument avec une cloche. Que se soit un beau jour d’été ou une nuit brumeuse d’automne, les cloches
    de Khatyne tintent, tintent, tintent audessus de la Biélorussie.
    Les soldats biélorusses qui se battaient au front ont participé à la vengeance contre l’ennemi, avec tous les peuples. Ainsi, F. Smolatchkov a exterminé personnellement 125 hitlériens; le général L. Dovator a com­mandé une unité de cavalerie qui a effectué un raid dans les arrières ennemis; l’aviateur. A. Gorovetz au cours d’un seul combat aé­rien, le 6 août 1943, abat 9 avions ennemis et périt lui-même. Il est impossible d’énumé­rer tous les exploits.
    On pourrait croire que pendant ces heures terribles on n’avait guère la possibilité de penser à la littérature et à la poésie. Mais c’est le contraire qui se produit: la littérature at­teint de nouveaux sommets. Même on se passait des tracts avec “Aux partisans bié­lorusses” comme un vers de Koupala. Dans une imprimerie des partisans on publie le recueil du poète-partisan A. Astreika “La ceinture de Sloutsk”. Etant en même temps éclaireur, l’écrivain biélorusse Yanka Bryl est rédacteur d’un journal de partisans. A. Kouléchov crée son très beau poème “Le drapeau de la brigade”. On ne peut pas lire sans émotion les vers de P. Brovka, écrits pendant la guerre. Maxime Tank est brillant dans son oeuvre créatrice. Le talent original de Pimène Pancthenka se développe dans toute sa fougue. Ayant la nostalgie du pays natal, revoyant dans son imagination la forêt avec ses fraises dorées, les iris bleus près de la maison de sa mère, observant l’héroïsme des soldats qui se couchent sur des fils barbelés pour que puissent passer leurs camarades, voyant la tristesse des mai­sons abandonnées aux fenêtres protégées par des planches, comme des doigts qui ca­chent des yeux, le poète trouve des mots qui expriment une profonde douleur...
    Oh, mon pays! Terre du bonheur!
    Douce chanson de ma jeunesse!
    Prés et buissons, souvenirs de mon coeur, Douce source de ma tristesse.
    Monument à la mémoire des komsomolshéros de la lutte clandestine à Obole
    ...Mais il a aussi des paroles qui expri­ment sa foi ardente:
    Je le sais: il doit périr l’ennemi mortel;
    L’étendard de la victoire sera l’aube nouvelle. Tant qu’il y aura un soleil dans le ciel, Tant qu’il y aura des étoiles sur son voile, La Biélorussie vaincra! La Biélorussie vivra!
    Même le rire biélorusse ne s’était pas perdu. Quand on parle avec les anciens partisans de ces années héroïques, ils pré­fèrent relater les cas comiques. Un meunier qui donne toute la farine aux partisans et les prie de le rouer de coups et de le ligoter. Un militant clandestin sort de la ville fago­té de cordeau Bickford (il doit le remettre aux partisans dans la forêt); mais des Allemands lui ordonnent de transporter, à travers une rivière, leurs dames qui piaulent et le ser­rent dans leurs bras; puis, couvert de sueur aussi bien à cause de la peur que de l’effort fourni, un pourboire de 3 marks dans la main, il pense: “Attendez un peu, je vais vous en mettre du lard sous la peau”. Ce qui est clair, c’est qu’un tel rire fait plutôt frissonner, mais, d’autre part, si l’humour avait manqué les hommes auraient dû se pendre eux-mêmes, face aux innombrables malheurs, sans attendre que le fassent les SS.
    Voici encore quelques mots sur le destin d’un homme que j’ai connu personnelle­ment. Au printemps 1971 nous sommes spé­cialement venus à Karélitchi pour voir l’exsecrétaire du comité du parti du district de Karélitchi, Pavel Arsentévitch Jélezniakovitch.
    Nous sommes dans un petit verger bien ombragé. Les groseilles mûrissent à côté des dernières pivoines. Une chatte joue sur l’herbe avec ses deux petits. Le maître des lieux est corpulent, pâle, ses cheveux sont tout à fait gris. Ses béquilles, sans lesquelles
    La Forteresse de Brest. La Porte Terespolski
    Minsk. Statue de Yanka Koupala
    Minsk. Statue de Yakoub Kulass
    il ne peut plus se déplacer, sont appuyées contre le mur de la maisonnette. L’ambiance est paisible et le maître parle d’une voix très calme. Ce qui ne l’empêche pas d’être une des personnes les moins tranquilles et les plus intéressantes de la république.
    Il y a plus de 40 ans il était là, dans la Biélorussie Occidentale, où il travaillait en qualité d’aide-maçon; il a pris part à la construction du moulin d’un hobereau local, ensuite il a travaillé dans une scierie. En même temps il lisait, participait aux acti­vités artistiques d’amateurs, militait dans la clandestinité, distribuait des brochures communistes. Il a été arrêté par la police politique, puis, en 1926, il est arrêté de nouveau pour avoir participé à l’exécution d’un provocateur. Tortures, puis la prison de Novogroudok. Il est jugé une année plus tard. Jélezniakovitch et ses camarades, Volodia et Mikola Tsarouk, Sénia Noss, sont condamnés à la réclusion à perpétuité. Après Novogroudok il y a eu la prison de Grodno, ensuite celle de Plotsk, de Ravitchi, les cachots, les grèves de la faim. Les mains et les pieds refusent de lui servir, à cause des rhumatismes, mais, comme ses compagnons, il continue la lutte. 1939, les prisonniers retrouvent leur liberté et, en volontaires, participent à la défense de Varsovie, puis ils reculent vers l’est. Il travaille d’abord à Tourets, puis à Mir en qualité de secrétaire du comité exécutif du soviet des députés des travailleurs du district. 1941. Le front. Sur Tordre du Comité Central du Parti Communis­te de la Biélorussie Jélezniakovitch gagne la forêt de Naliboki en passant par le “cor­ridor de Vitebsk”. Il devient membre du
    détachement de partisans “Komsomolski” en qualité de mineur d’abord, puis il assume les fonctions d’instructeur du service de sapes et de mines (l’hiver froid et l’humidité ont aggravé le rhumatisme contracté dans la prison).
    Ensuite c’est le blocus de Naliboki que les partisans réussissent quand même à per­cer. Puis viennent les années difficiles de la reconstruction de l’économie dévastée, de la collectivisation et des constructions. Jé­lezniakovitch occupe d’abord le poste de secrétaire du comité du parti du district de Lubane. Puis il est nommé premier sec­rétaire du comité du parti du district de Karélicthi. Maintenant le voici en retraite, titulaire d’une pension personnelle. Il a pris sa retraite peut-être un peu avant qu’il ne l’aurait voulu, mais c’est à cause de sa santé minée par les prisons, les épreuves de la guerre, et aussi parce qu’il est un homme qui ne s’est jamais épargné.
    Notre hôte a l’air très animé. Sans doute notre visite lui fait un plaisir qu’il ne cache pas. On plaisante, on rit, et deux heures s’écoulent sans qu’on ait le temps de s’en apercevoir. En quittant les lieux nous jetons un dernier regard sur les coupoles des pom­miers, les boules blanches des dernières pi­voines et le maître qui nous fait signe de la main. C’est un homme qui a eu une vie bien remplie. Tout simplement, c’est un homme d’une grande bonté.