La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
Ne me prenez pas pour cet habitant de Minsk, mais... Voltaire c’est Voltaire et Molière c’est Molière, je n’ai rien à dire, tandis que le grand poète français Guillaume Apollinaire, lui, il avait du sang biélorusse dans les veines. Son grand-père Mikhal — Apollinaris Kostrowitzky s’était enfui à l’étranger de la contrée de Novogroudok après l’insurrection de 1863. Quand Apollinaire créait le premier volume de ses vers il ne savait pas qu’en même temps (1910) sur les scènes des théâtres ambulants de la Biélorussie on montrait “Un petit monsieur à la mode”, comédie biélorusse créée par le cousin du poète, Kasimir Kostrowitzky, qui publiait ses oeuvres sous le pseudonyme de Karouss Kaganiets.
Ils étaient nombreux ceux qui devaient fuir la corde ou les balles ou bien qui devaient simplement quitter le pays parce qu’ils ne pouvaient, dans leur patrie, faire valoir leurs qualités humaines. Considérons quelques exemples. Au Chili. La chaîne de montagnes Domeyko; la ville de Domeyko; dans les montagnes un minéral; le domeykite; dans l’océan un mollusque: le nautilus domeykus; sur la terre une fleur: la violette domeykine. Tous ces noms en l’honneur d’Ignace Domeyko (1801 —1889), néàNiadvedka, près de Mir. Ami de Tchatchote, Mickiewicz, Zane, cousin de Marylia Vérachtchaka, premier amour de Mickiewicz, prisonnier au couvent de Bazylsk, après l’écrasement de l’insurrection de 1830 il est obligé de se réfugier à l’étranger, à Paris. Départ au Chili.
* Célèbre comédien polonais.
Conférences de chimie et de minéralogie dans la ville de Coquimbo. Il fait découvrir aux Chiliens le salpêtre et ses propriétés, il décèle des gisements de cuivre et d’argent. Ensuite il est professeur à Santiago. Il élabore et fait appliquer dans le pays la réforme scolaire. Il entreprend des voyages dans les contrées habitées par les populations indigènes, devient leur ami et les défend. Quatre fois de suite il est élu recteur de l’Université. Il est le père de la science chilienne, le réorganisateur de l’industrie et de l’éducation, à titre posthume il a été proclamé héros national du Chili.
Bénédicte Dybovski (1833, région de Minsk— 1930, Lvov), déporté, après l’insurrection de 1863, en Sibérie a laissé des descriptions de la Sibérie et de l’Extrême Orient estimées classiques jusqu’à nos jours. Il est le premier à avoir exploré le lac Baïkal et l’auteur de plusieurs dictionnaires des langues de la Kamtchatka, bouriate et d’autres.
Constantin Elski. Après l’insurrection il explore les jungles tropicales de la Guyane et les terres du Pérou. Ou bien Mikolas Soudilovski, originaire de la région de Moguilev; avant l’annexion des îles d’Hawaï par les U.S.A. il en est le président et lutte contre les commerçants et les industriels américains pour la vie, le bonheur et le progrès des indigènes.
Enfin, B. A. Vilkitski, qui a découvert les Terres du Nord et a été le premier à faire le trajet maritime par les mers du Nord de Vladivostok à Arkhangelsk. De même le célèbre explorateur M. M. Prjévalski (appartient à une des familles les plus anciennes de Vitebsk, connue sous le nom de Perevalski). Bref, les Biélorusses s’en allaient de tous les côtés, devenaient des héros de peuples différents sur différents continents.
Et encore un nom: Franz Savitch(1815— près de 1845), organisateur d’une société secrète qui, plus tard, adhère à l’organisation de Ch. Kanarski. Ennemi farouche des hobereaux, du servage, partisan de la révolu
tion. Dans ses vers, le Biélorusse de la Polésie s’adresse aux Lituaniens et aux Russes:
Russes et Lituaniens, donnez-moi donc la main. Devant Dieu nous prêtons serment
De lutter contre les tsars et les riches.
Il a été arrêté en 1838, mobilisé et envoyé dans l’armée du Caucase. Plusieurs fois il tente de fuir à l’étranger, mais sans succès. Alors il s’installe clandestinement en Ukraine où il soigne les paysans (il était médecin). Pendant l’épidémie de choléra de 1845— 1847 il est atteint par la maladie en soignant les paysans et meurt.
...Bien, alors, c’est, sans doute, assez à propos des littérateurs, des combattants, des géographes et des savants du XIXe siècle. Voyons un peu les arts.
Je regrette, faute de place, de ne pas pouvoir vous parler de l’architecture biélorusse merveilleuse des XVIII—XIX siècles. Il y a beaucoup de choses à admirer. Les constructions en pierre et en bois des châteaux, le palais de Valojine et le palais classique de Jylitchy qui est si blanc qu’il semble transparent. Rien à faire, je vous conseille seulement de voyager et de voir.
La peinture se développe également. Elle fait un grand bond dès la fin du XVIIIe siècle.
Des noms, il y en a beaucoup. T. Smouglévitch, Y. Roustème, V. Vagnékovitch (portraitiste célèbre, auteur de “Mickiewicz sur l’Ayou-Dague”), I. Khroutski (portraitiste et auteur de natures mortes, notamment les célèbres “Fleurs et fruits” qui ont eu un tel succès que leurs copies, le plus souvent mauvaises, gâtent les murs de tous les salons de thé, à côté des “Ours” de Chichkine; l’artiste a un rare talent); J. Alachkiévitch, auteur de portrais merveilleux par leur finesse et le jeu des lumières et des ombres; KAlkhimovitch, auteur de compositions historiques remarquables; M. Mikéchine, déjà mentionné ci-dessus (monument de Khmelnitski à Kiev et au millénaire de la Russie à Novgorod); le paysagiste A. Garav-
Dounine-Martsinkievitch
ski; M. Silivanovitch et ses scènes de la vie quotidienne.
Naturellement, toutes ces oeuvres ne se sont pas conservées jusqu’à nos jours. Certaines d’entre elles ont péri, d’autres se trouvent on ne sait où, à Minsk il y en a peu. Mais on peut en trouver beaucoup dans les musées polonais et, surtout, dans les musées de Vilna et d’autres villes lituaniennes.
Enfin, si on touche partiellement au XXe siècle, il faut mentionner le grand artiste F. Rouchtchyts; on peut admirer ses tableaux des heures entières. Toute la terre biélorusse s’y trouve. C’est la même “Terre” avec les pierres grises de la forteresse de Krève, avec les pommiers blancs tordus par l’âge sur le fond noir des labours. C’est aussi les moulins au-dessus de l’eau noire des
ruisseaux des bois; c’est la foule assise près de l’église sous le ciel bleu lavé du printemps, c’est le soleil blême de l’automne derrière la balustrade d’une terrasse. Tout ça c’est formidable! Si jamais vous vous trouvez à Vichniovo près de Volojine, prenez la peine de jeter un coup d’oeil sur les dessins muraux de l’église. C’est aussi du Rouchtchyts.
Ou bien prenons l’oeuvre d’Henri Weissenhof, ses paysages d’hiver couverts de givre et orangés par le soleil bas, ses vieilles izbas noyées dans les lilas, ses croix moussues des cimetières ruraux. Ou bien encore S. Joukovski et les intérieurs oubliés des vieilles demeures seigneurales et les forêts désertes de l’automne. Bien sûr tout le monde connaît les paysages de V. BialynitskiBiroula, avec leurs brûmes transparentes, paysages qui semblent incertains mais qui ont la faculté de troubler vos sentiments. Pour terminer, jetons un regard sur l’oeuvre de G. Nilski, Biélorusse également, qui nous a laissé des paysages variés: routes, débarcadères, faubourgs, scènes forestières et des corps sains de jeunes athlètes. Avec cet artiste (les paysages biélorusses étaient également peints par Répine, Chichkine, Kramskoï et d’autres) nous sommes déjà au XXe siècle. Mais nous devons retourner au XIXe siècle, vers les débuts de la nouvelle littérature biélorusse et la formation de la nation biélorusse.
Ça commence par le folklore. Après la publication des premiers livres de Dounine-Martsinkiévitch (1807—1884) et de quelques livres encore, après 1863, les éditions en biélorusse ont été interdites. Après l’insurrection de 1863 on interdit encore une fois l’utilisation du mot “Biélorusse”. Les nouveaux vers du poète, écrits après cette date, restent en manuscrit. La comédie ,,La noblesse de Pinsk”, mordante et authentiquement comique, dirigée contre la stupidité, l’avarice, la vénalité des tribunaux, la bassesse des fonctionnaires du régime tsariste, cette comédie, écrite en 1866, ne voit le jour
qu’en 1918. Tout au long de vingt années on ne publie rien. C’est un désert aride, exception faite des manuscrits qu’on se passait de mains en mains et de quelques éditions clandestines. Et c’est justement quand se forme la nation. Qui sait quels auraient encore pu être les dommages causés par ce régime “nauséabond” autocratique-orthodoxe! Mais on trouve une issue. On ne pouvait pas interdire de composer et de publier des recueils folkloriques, d’écrire des oeuvres historiques et ethnographiques, de composer des dictionnaires. L’enregistrement du folklore a sa particularité: “Ecris ce que tu entends.” C’est de cette façon que la langue biélorusse interdite apparaît quand même sur les feuilles imprimées. Par l’entrée de service, pour ainsi dire, mais elle entre, c’est ce qui compte. Au nom “de la science pure”. Avant aussi on publiait des “actes” et toutes sortes de “chartes” antiques, on enregistrait des contes et des chansons (J. Grigorovitch, P. Chpilevski), mais dans ce domaine les activités ne prennent toute leur ampleur qu’après l’insurrection de 1863. En 1870 est édité le premier dictionnaire de la langue biélorusse contemporaine de S. Nossovitch qui contient plus de 30 000 unités.
On publie les “Actes de l’histoire de la Russie Orientale et Occidentale” (15 volumes, 1861—1892), les “Actes” de la commission archéologique de Vilna (39 volumes, 1865—1915) et beaucoup d’autres. Paraissent les oeuvres d’historiens tels que A. Kirkok, M. Dobnar-Zapolski; ils étaient nombreux. L’intérêt pour la langue maternelle et les coutumes du pays grandit. On voit sortir des presses des oeuvres étonnantes par leur plénitude, souvent en nombreux volumes, comme celles de I. Nossovitch, P. Cheine (recueil folklorique et ethnographique en 3 volumes), M. Fédorovski, E. Romanov, M. Nikiforov, de l’académicien I. Kapski consacrées à la langue, l’histoire de la littérature et du folklore de la Biélorussie. Ainsi que les notes de la Polésie extrêmement intéressantes de A. Serjpoutovski, où