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  • La terre sous les ailes blanches  Уладзімір Караткевіч

    La terre sous les ailes blanches

    Уладзімір Караткевіч

    Выдавец: Юнацтва
    Памер: 207с.
    Мінск 1981
    99.95 МБ
    Nous aussi, en Russie, on va faire un voyage-
    Et leur voyage commence. Ils sont tous exi­lés dans les gouvernements les plus éloi­gnés. Mais, beaucoup d’années plus tard, Mickiewicz se souviendra que lui et ses amis collectionnaient des légendes et compo­
    saient des ballades sur leurs sujets, que pour eux le mot “populaire” signifiait également la langue du peuple qui la parlait et qu’ils possédaient eux, à perfection — la langue biélorusse; qu’ils composaient, dans cette langue, des scènes et des choeurs, qu’il était arrivé, une fois à Vilna pour son an­niversaire et qu’il avait été accueilli par les paroles:
    Il arrive notre cher Adam, Regardez-le, comme il est beau! Le voici notre bel enfant Sur son beau cheval moreau!
    Dans ses souvenirs, le grand Polonais, reconnaissant jusqu’à la fin de ses jours à la Biélorussie, et amoureux d’elle également jusqu’à la fin de ses jours, a prononcé en parlant de la langue oubliée, de son peuple et du nôtre, des paroles, éloquents, même s’il écrivait en polonais.
    “...Parmi tous les peuples slaves les Biélorusses, c’est-à-dire les paysans du gou­vernement de Pinsk, et, partiellement, de Minsk et de Grodno, ont conservé le plus de traits typiquement slaves... Dans leurs contes et dans leurs chansons il y a de tout. Ils ont peu de monuments écrits, seulement le Code Lituanien écrit dans leur langue qui est la plus harmonieuse et la moins modifiée de toutes les langues slaves. “Et encore: “Près de dix millions de personnes parlent la langue biélorusse... C’est la langue la plus riche et la plus claire, elle s’est formée il y a longtemps et est merveilleusement élaborée. Pendant la période d’indépendance de la Lituanie les grands princes s’en ser­vaient pour leur correspondance diplomati­que”.
    C’est ce qu’a dit Adam Mickiewicz au cours de ses conférences au collège de Fran­ce, à Paris.
    * Philomat (plus tard — philoret) — partisan d’un courant philantropique a l’origine du libéralisme démocratique en Biélorussie (N. d. t.)
    LES PREMIÈRES HIRONDELLES OU LES AVENTURES D’ÉNÉE
    ...Entre-temps les premières hirondel­les de la nouvelle littérature sont arrivées. Dans la première moitié du XIXe siècle paraît un poème anonyme, l’“Enéide à l’envers”. Au milieu du siècle c’est “Tarass sur le Parnasse”. Egalement anonyme. Ils témoignent que la littérature sort de son état léthargique. Quelques années après l’“Enéide” ukrainienne de Kotliarevski pa­raît une “Enéide” biélorusse, oeuvre in­spirée par l’“Enéide” de Virgile et les poè­mes travestis de Kotliarevski et d’Ossipov. Mais c’est une oeuvre originale, profondé­ment biélorusse. Maintenant beaucoup de chercheurs s’accordent sur le nom de son auteur: V. P. Ravinski (près de 1765—1831). Né dans l’arrondissement de Doukhatchy du gouvernement de Smolensk, participant des guerres de 1805 et 1812, il est récom­pensé d’une épée d’or “Pour le courage” ap­rès la bataille de Borodino. Colonel en re­traite. La comédie “Le mariage involon­taire” et de nombreux vers appartiennent également à sa plume.
    D’autres, partant du fait que le poème a été trouvé à Vitebsk, prétendent que son auteur est un fonctionnaire de la ville, I. A. Magnékovski.
    Le poè me est vivant, espiègle, audacieux, très populaire et véritablement comique.
    L’autre poème, “Tarass sur le Parnasse” est une nouvelle étape, une étape supérieure, dans le développement de la poésie biélo­russe.
    Son personnage, l’habitant de la Polésie Tarass, fidèle serviteur, gâté par le maître et aimé de la maîtresse, s’en va de bon matin chasser les coqs de bruyère; après une fâcheuse rencontre avec un ours — son fusil fait faux feu — il détale à toute vitesse, tom­be dans un trouet.se retrouve dans une cont­rée qui ressemble au paradis ou à l’Arcadie du bonheur.“Un petit garçon au visage tout rond,
    frisé comme un bélier, portant arc et car­quois (Amour) lui dit qu’il se trouve sur la route de l’au-delà qui mène au Parnasse. Tarass y va. Il voit une montagne et, à son pied, une foule immense, comme à une foire.
    Je m’approche, regarde et m’étonne.
    Que de monde! Et tous des gens de bien! Certains vont vite, d’autres barytonnent, Mais tous ils suivent le meme chemin.
    On fait du coude à coude, à s’en broyer les côtes. Tout à coup, un hurlement re­tentit au-dessus de la mêlée:
    Doucement, les gars, tout doucement, Ne malmenez donc pas mon „Abeille”! Laissez-moi donc passer en avant, Et ne me cassez pas les oreilles!
    Sinon, je saurai vous raisonner,
    Vous accabler de sâles mensonges, Comme ce Gogol de l’été dernier. Je passe les journaux à l’éponge!
    C’est Boulgarine,— écrivain-dénoncia­teur, ennemi particulier de Pouchkine, pro­vocateur, agent secret de la IIIe division de la chancellerie impériale.
    Je n’en crois pas mes yeux: c’est ce mioche, Court, gros et gras, comme un vieux cochon,— Je n’ai jamais rien vu de plus moche — Qui gueule comme un vrai fanfaron.
    Tout à coup on entend un murmure;
    La foule se fend et fait deux murs:
    Elle laisse passer quatre grands noms • Qui les premiers filent vers le mont. Lermontov, Pouchkine en personne, Joukovski, Gogol: rien m’étonne.
    Près de nous sans s’arrêter ils passent Et d’un pas sûr montent au Parnasse.
    Avec peine Tarass réussit à se frayer un che­min à travers la foule et voit la cour d’une vaste maison entourée d’une solide barrière.
    La cour est pleine d’animaux:
    Vaches, cochons, chèvres et moutons.
    Un bétail si riche et si beau:
    Les dieux sont vraiment de bons patrons.
    La cour, les constructions — tout pa­raît riche et neuf. Bref, c’est le rêve du pay­san! Les dieux forment une seule famille, unie, patriarcale. “Les dieux, aussi nombreux que les soldats dans une caserne; impossible de les compter”. Certains d’entre eux con­fectionnent des chaussures pour leurs dé­esses, tandis qu’elles font la lessive et rincent pantalons et chemises.
    Voici Hercule et Mars en pleins jeux:
    Ils luttent, roulent à terre, se cognent Sousle regard moqueur du vieux Zeus Qu’ils amusent et trompent sans vergogne.
    Amour cherche les belles aventures!
    Tantôt il rit d’un baiser volé,
    Tantôt défait une belle coiffure, Toujours certain d’être pardonné.
    On mange. C’est toujours la même vi­sion idyllique, le même rêve du paysan: manger à sa faim.
    Bacchus ivre chantait des couplets
    Qui faisaient rougir les demoiselles, Et les choses obscènes qu’il disait Ne convenaient guère à leurs oreilles. Zeus en profite pour se saoûler Au point d’en perdre la raison. Ses yeux ne cessent de rouler, Ses lèvres tentent une oraison.
    Ce n’est peut-être pas mon affaire:
    On ne demande pas mon opinion, Mais je veux dire avant de me taire Qu’il n’en rate jamais l’occasion.
    Rassasiés, les dieux commencent à dan­ser. C’est toute la fougue impétueuse de la danse populaire biélorusse que Tarass ad­mire. Travestis en dieux et déesses, ce sont les garçons et les filles du pays que l’on voit. Jeunes, en bonne santé, beaux, rassasiés, laborieux... et libres.
    Vénus, son beau fichu dans la main
    Se met avec fougue à danser.
    Belle, le regard plein d’entrain
    Elle est par nous tous admirée.
    Joues roses et buste bien cambré
    Elle lève un visage aux grands yeux. La terre semble brûler sous ses pieds. On voit un ruban dans ses cheveux.
    C’est un rêve. Le rêve d’une vie idéale. De la beauté idéale. Le rêve du paysan qui pourrait danser mieux que les dieux et qui étonnerait même les dieux. “Tarass sur le Parnasse” reste jusqu’à nos jours une des oeuvres préférées des Biélorusses. Ils sont des milliers à la savoir par coeur.
    En même temps que la littérature anony­me apparaissent des oeuvres dont les auteurs sont connus. En 1828 les habitants de Krochyne, près de Baranovitchi, se révoltent contre le seigneur local. L’armée s’en mêle. Parmi les punis se trouve le forgeron du village. Son fils, qui a terminé l’école pri­maire, est recruté de force, parce qu’on a trouvé chez lui quelques cahiers d’écolier remplis de vers patriotiques antiféodaux. Ces cahiers n’ont jamais été retrouvés. Ce poète-serf s’appelait Pavliuk Bagryme (1813—près de 1891). Le destin a été im­pitoyable pour lui. Vingt cinq années de service militaire. De retour au pays natal il travaille à Krochyne en qualité de forge­ron. Il a des mains d’or. Dans l’église de Krochyne il y a un lustre qu’il a forgé et qui représente un entrelacement de boutons de fleurs et de cigognes en vol. Nous ne connaissons qu’un seul vers de Bagryme: “Joue, mon enfant, joue.” C’est un vers qui exprime la révolte contre le régime de ser­vage, la tristesse et un humanisme profond. Il est mort le poète, comme des milliers d’au­tres avant et après lui. Ils sont morts et per­sonne n’a pleuré sur leurs tombes, si ce n’est que le vent de la plaine.
    Y a-t-il là quelque chose qui puisse nous étonner? Par un décret, daté du 18 juillet 1840, Nicolas I interdisait l’utilisation du mot “Biélorussie”. Après 1863 on interdit également l’édition de livres en langue bié­lorusse. Les colporteurs qui introduisaient en contrebande les livres biélorusses édités
    à l’étranger risquaient leur vie. La police avait l’ordre de tirer. Mais, malgré tout, malgré les risques qu’ils couraient à cha­que pas, ils les colportaient tout de même. La situation qui s’était créée a été bien carac­térisée par un apocryphe biélorusse: “Ecou­tez cette vérité: heureux est celui qui pos­sède des livres en langue maternelle. Ecou­tez également la vérité suivante: celui qui en a ne sait les apprécier comme il se doit; celui qui n’en a pas versé son sang pour un seul mot”.
    LA VOIX
    DE LA PATRIE INTERDITE
    Jan Barchtchevski (1794—1851) est également une figure très intéressante. Il a écrit des vers, des ballades et des poèmes en polonais. Il en a écrit beaucoup. Malgré cela il n’est pas entré dans la grande lit­térature. Il aime son pays natal de tout son coeur, mais sait qu’il est impossible d’é­diter des oeuvres en biélorusse; il estime qu’il est encore impossible d’exprimer dans la langue maternelle des sentiments compli­qués et des idées abstraites. Mais il reste dans la littérature grâce à trois vers (il y en avait plus, mais ils sont perdus)... écrits en bié­lorusse où il exprime merveilleusement bien ses sentiments. Il est aussi connu par un re­cueil en quatre volumes où à chaque page bouillonne et résonne le folklore biélorusse, la chanson biélorusse, le mode de pensée biélorusse, la fantaisie biélorusse, le malheur et le bonheur du Biélorusse: “Le noble Zavalnia ou récits fantastiques de la Biélo­russie”. C’est aussi écrit en polonais (avec, ça et là, des dialogues en biélorusse); mais, ce qui est important, c’est que dans chaque ligne on sent la présence du Biélorusse et de son pays.