La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
1595, octobre. Un millier de cosaques commandés par Séviarine Nalivaïka arrivent en Biélorussie, attaquent par surprise Sloutsk où ils s’emparent d’un bon butin, y compris des armes et 12 canons. Quelques jours après le détachement de Nalivaïka compte déjà 2000 personnes, cavaliers et fantassins. Près de Sloutsk ils écrasent, à coups de canons, l’armée des hobereaux. Les insurrections des paysans qui s’étaient apaisées après “la guerre de Matiouchka” reprennent de plus belle “même jusqu’à Minsk”. Le 30 novembre 1595 Moguilev est prise, “les hobereaux et les gens de bien” sont tués, “les magasins pleins de marchandises” sont brûlés.
A la mi-décembre arrivent le hetman lituanien avec une armée de 18000 hommes. Les insurgés résistent, puis quittent leur camp et se retirent, tout en harcelant l’ennemi. Ils n’ont rien à perdre et se battent comme des forcénés. Il est clair qu’il est tout à fait inutile de poursuivre les insurgés. Nalivaïka prend Rétchitsa, se dirige sur Pinsk et avec deux mille hommes revient en Ukraine.
1601—1602. C’est la même chose avec le détachement de Doubina. Attaque de Vitebsk. Les nobles et “les meilleurs gens” de la ville réussissent à s’emparer de Doubina et de ses aides-cosaques et paysans — qui sont empalés sur les collines voisines de la ville.
Une insurrection suit l’autre. 1584 —
révolte à Polotsk. On ne voulait pas accepter le calendrier grégorien des catholiques. On pille les demeures des hobereaux.
1606. Intervention polonaise dans les terres moscovites. Il faut beaucoup d’argent. Le poids des redevances est plus lourd que jamais. Le conseil urbain de Moguilev abuse à tel point de son pouvoir, outrage tellement le peuple, que la ville se révolte. Le conseil est chassé, l’Hôtel de ville est occupé. Les insurgés étaient commandés par Stakhor Mitkovitch, un artisan. Le nouveau conseil est formé par un forgeron, un tailleur, un armurier, un tonnelier, un cordonnier et un boulanger. La lutte a duré quatre ans. En 1610 Sigismond III réussit à étouffer l’insurrection. Ses chefs ont été pendus sur le mont de Illine.
1616. Près de Glousk les paysans battent le régiment de Siankévitch.
1623. L’insurrection à Vitebsk. L’évêque Jassafat Kountsévitch implantait par la force le catholicisme, jetait les gens en prison, déterrait les corps des décédés orthodoxes et les jetait aux chiens, rôdait partout dans la contrée et fermait les églises orthodoxes. Les habitants de Orcha ne l’ont pas laissé entrer dans leur ville et ont failli le noyer dans les eaux du Dniepr. A Moguilev les habitants ferment les portes de la ville, tirent les canons sur les remparts et proposent au “scélérat” de s’en aller au plus vite s’il ne veut pas recevoir un boulet de cinq livres dans le bas du dos. L’évêque n’en avait sans doute aucune envie puisqu’il quitte les lieux sans se le faire dire deux fois.
Le 12 novemble 1623 le vase déborde. Le tocsin retentit. Les habitants de Vitebsk et les volontaires de Orcha, Polotsk, Vilna et Moguilev, auxquels se joignent les paysans des villages environnants, anéantissent la garde de l’évêque, occupent la demeure de Kountsévitch, le mutilent et le tuent; puis son corps est jeté dans la Dvina. Arrive l’armée. Vingt participants à l’insurrection perdent leur tête.
LES HUMANISTES BIÉLORUSSES
Comme vous l’avez sans doute remarqué c’étaient les villes qui se révoltaient le plus souvent. Les villes, “l’air desquelles est embaumé de liberté”, étaient particulièrement opprimées sous les chaînes du féodalisme. C’est justement dans des villes que se développe la Renaissance biélorusse, qu’apparaissent l’humanisme, l’écriture, la philosophie, la littérature.
La plus grande figure de l’époque historique de la Renaissance, Francisque Skorina (près de 1490 — près de 1550) est né dans la famille d’un marchand de Polotsk. A l’âge de 14 ans il se rend à Cracovie où il entre à l’Université. En 1506 il obtient le baccalauréat. Ensuite l’infatigable Biélorusse prend la route de l’Italie où après des études à l’Université de Padoue il se voit octroyer le grade de “docteur ès sciences médicales”. En 1517 Skorina est à Prague. Là, il commence ses activités en qualité d’imprimeur: en trois années il
Francisque Skorina. “LeDeuxième livre des Règnes” (Conservé à la Bibliothèque d’Etat Lénine. Minsk)
publie 22 volumes de la Bible, traduite par lui-même en biélorusse. C’était la première traduction de la Bible en une langue vivante. ■ Ce n’est que par méprise que la traduction de Luther en langue allemande est estimée être la première. Son “Nouveau Testament” n’est sorti des presses qu’en septembre 1522, tandis que toute la Bible n’a vu le jour qu’en 1534.
A partir de 1525 Skorina publie des livres à Vilna qui pendant de nombreux siècles était restée la capitale culturelle de la Biélorussie et de la Lituanie. C’est ici qu’ont été imprimés son “Apôtre” et son “Petit livre du voyageur”.
Ces livres étaient destinés à porter dans les masses l’écriture, la lumière, la culture. Ils témoignent que notre langue maternelle était aussi bonne que les autres. Skorina était tout entier au service de son peuple, il était un humaniste, un des hommes les plus instruits de son temps et un défenseur conséquent de la culture et de la langue de son pays; il était aussi un artiste (tout laisse croire qu’il exécutait lui-même les gravures de ses livres; ces gravures représentent des scènes de la vie des Slaves, leurs vêtements,
Francisque Skorina. Autoportrait
Francisque Skorina. Gravure du livre “Rouf”
leur architecture). Dans les préfaces de tous ses livres il appelait toujours à diffuser les connaissances, il disait qu’on ne pouvait pas se faire pardonner ses pêchers en offrant un
sacrifice à l’église, que pour être un véritable chrétien il ne suffisait pas de porter ce nom, mais qu’il fallait aimer les hommes. Il ecrivait qu’il faut faire preuve de bonté pour tous les peuples et toutes les croyances, ce que chacun a le droit d’avoir sa place sous le soleil; ainsi la langue biélorusse n’est pas
moins belle que le latin. Dans la “Bible” Skorina trouvait une source de connaissances; sa traduction est devenue un ornement de la langue littéraire biélorusse du XVIe siècle. Les préfaces de ses livres sont extrêmement intéressantes même pour le lecteur d’aujourd’hui. Il y parle de la sagesse qui, dans un livre, est “comme le grain dans la^ noisette”. De l’amour de la patrie:1 “Comme ' les animaux qui habitent le désert connaissent leur tanière dès leur naissance, comme les oiseaux qui volent dans les airs connaissent leur nid, comme les poissons qui fendent les eaux des mers et des rivières connaissent leur remous, comme les abeilles défendent leur ruche, de même les hommes ont un immense amour pour le pays où ils sont nés et où ils ont grandi selon la volonté de Dieu”.
La “Bible” de Skorina était devenue l’arme des confréries en Biélorussie et en Ukraine. Il n’y a pas longtemps, par exemple, on en a trouvé un exemplaire à Oujgorod. Il est clair qu’on l’avait lue.
L’adepte de Skorina, le Biélorusse Piotr Mstislavets, avec le clerc Ivan Fedorov, quelques dizaines d’années plus tard, publient à /Moscou 1’ “Apôtre”. En 1574 l’“Apôtre” paraît à Lvov. Les livres sont imprimés à Zabloudov et à Vilna, dans l’imprimerie des Mamonitch.
...De nouvelles lumières apparaissent, des traducteurs en langue maternelle, des écrivains, des philosophes.
Tels que Simon Boudny (1530—1539), auteur du “Catéchisme” instructif biélorusse, accusateur de la débauche de la noblesse et du clergé. Voici quelques extraits de son deuxième “catéchisme” parodique.
Question. Comment doit vivre un homme?
Réponse. Tu peux vivre comme tu veux ... Si l’enfer t’attend, tu n’y seras pas seul, mais avec beaucoup d’autres comme toi et tu ne t’ennuieras pas.
Question. Qu’est-ce que c’est la messe?
Réponse. La messe est une scène injurieuse
Francisque Skorina. Page du "Petit Livre du voyageuur”
pour Dieu, pendant laquelle les prêtres crucifient Jérus Christ une fois de plus. Question. Qui est le pape de Rome?
Réponse: Le pape est un antéchrist blanc; il est en noir parce qu’il connaît l’enfer; c’est une honte qu’il dirige l’église.
Boudny a été persécuté, torturé; comme Galilée, il a dû abjurer. Mais même après son abjuration il a imprimé de nombreux livres, traduits ou écrits par lui-même, y compris un livre sur les pages duquel il s’élevait avec véhémence contre la nuit de la Saint-Barthélemy en France.
Simon Boudny en enfer. Caricature contemporaine
Vassil Tiapinski (1540—1605), qui ne reconnaissait pas la Trinité et qui estimait que Jésus avait été un homme ordinaire, prétendait qu’un mortel n’a pas le droit d’exercer un pouvoir sur un autre mortel. Il se prononçait contre le pouvoir de l’Etat et contre la guerre (si ce n’était pas une guerre juste, défensive).
Tiapinski a traduit en biélorusse et a imprimé l’Evangile. Il a dépensé tous ses biens, qui étaient plutôt maigres, pour tirer le peuple de l’ignorance, de la nuit, pour lutter contre les superstitions.
On éditait des “discours” satyriques qui parodiaient les discours prononcés pendant
les séances des diètes (“Le discours de Mélechko”), des romans et des légendes traduits en d’autres langues (“Le livre du chevalier de Tavdel”, “Le roman de Troie”, l’“Alexandrie”, “Tristan et Iseult”, l’“Histoire des faits d’Attila”), on écrivait des chroniques intéressantes. Les étudiants créaient des drames avec des scènes populaires comiques qui avaient pour personnages un paysan, sa femme, des étudiants, un guérisseur-charlatan, un Moscovite, un Polonais, un Juif, un diable. Le paysan se tirait toujours d’affaire sans dommages, même quand il était lié au diable.
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Le Catéchisme de Simon Boudny
C’est à cette époque qu’apparaît la poésie laïque. Voici un vers de Yan Pachkievitch, consacré à la langue biélorusse.