La terre sous les ailes blanches
Уладзімір Караткевіч
Выдавец: Юнацтва
Памер: 207с.
Мінск 1981
Jamaïque contre les colonisateurs: prise du bateau “Saardam”, trésors dans des cavernes profondes, animaux curieux). “Les Robinsons de Polésie” c’est l’histoire de jeunes garçons qui échouent sur une île au milieu des marais et où ils vivent pendant plusieurs mois. Les enfants survivent; non seulement ils se tirent d’affaire eux-mêmes, mais ils arrêtent une bande de malfaiteurs dangereux. En ce temps-là les bandes étaient nombreuses en Biélorussie; il a fallu les mettre hors d’état de nuire.
LES ÉTAPES
La voie à la libération du joug des hobereaux de la Biélorussie Occidentale était dure. Le 27 janvier 1936 dans la salle du tribunal de l’arrondissement de Vilna Sergueï Pritytski (1913—1971) tire sur le provocateur Y. Streltchouk au moment où il témoigne contre les militants du mouvement de libération de la Biélorussie Occidentale, contre les communistes et les membres du komsomol. Il le blesse grièvement, est sérieusement blessé lui-même, arrêté et condamné à mort. Mais partout dans le monde s’élève une telle vague de protestation que la peine de mort est annulée et est remplacée par la prison à perpétuité.
La Biélorussie Occidentale bouillone. Presque chaque année ont lieu des procès: les procès “des 48”, “des 51”, “des 75”. Après le démembrement de la Société Biélorusse les masses adhèrent à l’Amicale de l’école biélorusse. L’insurrection des centaines de paysans-pêcheurs des bords du lac Narotch pour qu’on leur rende leur lac, leur amour et leur pain, ébranle tout le pays.
Toutes les forces des peuples opprimés de la Pologne s’unissent. Èn 1936 à Lvov se tient le Congrès pour la défense de la culture; au nom des Biélorusses c’est Henri Dembinski qui y prend la parole; c’est un philosophe
de talent, publiciste, critique polonais de l’entre deux guerres. Il appartenait aux milieux cléricaux qui l’avaient envoyé en Italie pour s’assurer de la victoire et de la grandeur du fascisme. Il y voit beaucoup de choses, s’assure de la “grandeur” du fascisme... et revient communiste. C’est lui qui éditait le journal gauche antifasciste “Tout simplement” et qui a été fusillé par les fascistes en 1941 à Gantsévitchi.
Malgré le terrible camp de BiarozaKartousskaïa, malgré les prisons de Loukichki et de Grodno (à propos, notre talentueux écrivain Pilip Pastrak s’est débrouillé pour être emprisonné dans chacune d’elles) le mouvement de libération prend de l’ampleur. Comme avant, Vilna était le centre culturel des Biélorusses, des Polonais et des Lituaniens. Et personne ne pouvait rien y faire. A Brest l’imprimerie clandestine du Comité Central du PCBO éditait la littérature en cinq langues.
Parmi les poètes les plus importants de la Biélorussie Occidentale il faut citer Valentin Taoulaï (1914—1947), auteur de vers lyriques d’une grande portée morale et du poème écrit en prison “Camarade”:
Messieurs, j’ai terminé. Dites votre sentence, J’irai en prison, mais il viendra le jour Quand la justice rompra le silence Et la mitrailleuse parlera à son tour.
...Et, bien sûr, il y a Maxime Tank (1912). Ses vers tels que “La chanson des bécassines”, “Les trains sont partis”, “Sur le quai”; ses poèmes tels que “Narotch”, “Kalinovski” ont enrichi l’art populaire. Le laconisme, le poétisme, les liens les plus profonds avec la poésie populaire forment la particularité de son oeuvre poétique.
J’entends venir le doux printemps;
Un bruit de fer blesse mon être.
Un homme armé, depuis longtemps, Garde les lilas sous ma fenêtre.
Ils ont fleuri, flamme enchantée, Parfum divin, couleur des cieux;
Sur la muraille, les fils barbelés,
Comme un fichu sur des cheveux.
Sans bruit je réveille les prisonniers.
Leurs yeux mouillés sont couleur lilas.
Un bruit de fer qu’on vient de briser
Retentit dans la nuit qui s’en va.
Parallèlement à une poésie de haine M. Tank crée une poésie purement lyrique. Le joueur de lyre qui meurt aux enfers, un papillon aux ailes bleues au-dessus des blés, des meules de foin rouillé sous la pluie et des cerfs qui viennent des champs de neige bleutée et qui arrachent le foin en se souvenant de beaux jours d’été et des mouettes au-dessus des marais.
Ils n’entendent pas la tempête,
Le silence est vierge au voisinage...
Le coup de fusil, dans leur tête,
Leur rappellera l’été et ses orages.
...Il y a des choses qui restent. Malgré toutes les interdictions les clubs populaires continuent d’exister avec leurs pièces, leurs chansons, leurs choeurs populaires, leurs chanteurs, leurs compositeurs, leurs directeurs de chant.
Par exemple, le talentueux maître de chapelle, musicien eminent Rygor Chirma qui pendant de nombreuses années a dirigé le choeur populaire biélorusse. Je me représente son visage intelligent et bon, ses cheveux gris et sa barbiche, j’entends sa voix porteuse d’un accent chantant:
—■ En ce qui concerne l’arrangement des chansons populaires biélorusses, un immense travail a été fait. Parfois ce sont des chefs d’oeuvre. Comme nous aimions l’art de notre peuple!
— Rygor Romanovitch, vous avez payé avec votre propre argent l’édition du premier livre de Maxime Tank. 700 zlotys... Le prix de 6 tonnes de blé, environ?
— A peu près ça ... Ou bien ... six vaches.
Qu’est-ce qu’on peut donc faire avec des gens comme eux? Rien... Même en met
tant en marche toute la machine du système d’oppression.
...Et on n’a rien pu faire. En 1939 la Biélorussie Occidentale s’est unie à la Biélorussie Orientale. La terre a été rendue au peuple; l’économie, l’industrie ont été relativement vite relevées.
Seulement... on n’a pas eu assez de temps pour ce travail pacifique, créateur, on n’a pas eu assez de temps pour chanter.
Très peu.
‘L’IMMENSE MALHEUR
Le 22 juin 1941.
Je vous ai déjà parlé de Brest. Il ne reste qu’à dire quelques mots sur les gardes-frontière. On peut tout dire en quatre mots: ils sont tous morts. Aucun n’a reculé.
On se battait près de Volkovyssk et de Grodno, près de Ostrochitski Gorodok. Mais les forces étaient inégales. L’armée battait en retraite, malgré l’héroïsme de ses soldats... Il y a quelques années que je voyage dans la région de Novogroudok. Le village de Ploujiny, près du Svitiaz.
— Grand-père, pourquoi sur vos tombes il n’y a presque pas de noms?
— Comment, ça, il y a en un. Gastilo. Il y en a beaucoup des Gastilo par ici. C’est aussi Nicolas Gastilo qui est d’ici. C’est quelque part là-bas, en Russie, qu’on a modifié son nom, à lui ou à son père, et qu’il est devenu Gastelo. Peut-être le scribe à l’armée, ou quelqu’un d’autre, je ne sais pas, moi,,
ï Le 26 juin 1941 près de Radochkovitchi Nicolas Gastelo dirige son avion enflammé sur une colonne de chars et de citernes allemands. Des hommes comme lui il y en a eu beaucoup. Mais, quand même,le 28 juinMinsk a été occupée. Le 11 juillet on se bat pour Vitebsk. Les défenseurs de Moguilev résistent du premier au 26 juillet. Au début de septembre 1941 les envahisseurs hitlériens occupent toute la Biélorussie.
Une partie des équipements industriels, des biens des sovkhozes et des kolkhozes, a été évacuée. Le reste a été caché sur place ou bien détruit.
Les causes de nos échecs du début de la guerre sont connues. Mais dans cette série de malheurs se forgeait déjà ce qui devait conduire à la chute honteuse du “reich millénaire”.
Une ferme isolée près de Servetcha, à côté d’un moulin à eau. Le sous-colonel âgé Eugène Kramko me raconte:
— Je n’ai pas a eu le temps de quitter Grodno. J’étais civil en ce temps-là, je travaillais dans une école. Alors je pars vers mon village natal, près de Karélitchi, avec un groupe de garçons comme moi. On avait un fusil pour tous. Une fois une bande nous tire dessus. On répond par trois coups de feu, puis on nous laisse tranquilles... Le ciel était presque noir d’avions: ils lançaient des parachutistes sur Minsk... En trois jours (avec un jour d’arrêt) on a fait près de 150 kilomètres. Après quoi, à la maison, j’ai dormi 24 heures de suite. Puis ce sont les colonnes de réfugiés qui commencent à passer. On leur donnait tout ce qu’on avait. Une fois, un homme en uniforme entre chez nous. Il voit larevue “La flamme de la révolution”, le numéro consacré à Yanka Koupala. “Tu es membre du Komsomol?— demande-t-il.— Oui.— Alors, trouve quelque chose à manger et fait descendre une barque jusqu’après la sortie du village”. Je prends tout ce qu’il reste dans la maison: un petit morceau de lard, des pommes de terre froides, une demidouzaine d’oeufs. Là-bas, dans le bois au bord de la rivière, tout un groupe de militaires. L’un d’eux a l’air solide, volontaire. Quatre barrettes: chef de régiment. Je les aide à passer sur l’autre bord du Niémen. Sur les routes on entend le grondement des moteurs. Je les conduis alors à travers champs et prés. Je ramasse un fusil, le chargeur plein. Celui qui m’a trouvé dans le village dit: “Jette ça!”. Mais le chef enchaîne: “Pas du tout. Prends-le, mon garçon”. Je les prie:
“Laissez-moi partir avec vous”. Alors le colonel: “Ecoute-moi, mon garçon. Il me semble que tu trouveras de quoi t’occuper ici. Commence par ramasser des armes et cache-les. Elles te serviront. Quant à nous... qui sait si on va réussir à sortir de l’encerclement. “En rentrant je traverse la rivière, au fond, une machine à écrire. Je la prends et je manque de passer dans l’autre monde. Un bandit sur un arbre. Mais ses “compagnons” réussissent à le persuader de me laisser vivre. On m’ordonne seulement d’abandonner la machine. Plus tard je l’ai quand même prise. On s’en servait pour taper les ordres et les tracts des partisans. Naturellement, les fusils aussi nous ont servi.
Eugène Kramko est devenu un des premiers partisans de la région.
Il était impossible de ne pas prendre les armes. Le partiotisme soviétique et la fierté des êtres humains nous poussaient à nous lancer contre ceux qui avaient transformé le pays en camp de concentration. Travaux forcés, pillages, extermination d’un peuple pacifique, prisons, camps de la mort. Dans le camp de Trosténets, près de Minsk, les salauds exterminaient 137 personnes par jour. C’est-à-dire 6 personnes à l’heure. C’est-à-dire que toutes les 10 minutes la terre, le ciel, le monde entier mouraient pour toujours. Pendant les années d’occupation les fascistes ont exterminé 206 500 personnes dans le camp de Trosténets.