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  • Nouvelles d'auteurs biélorusses

    Nouvelles d'auteurs biélorusses


    Выдавец: Мастацкая літаратура
    Памер: 405с.
    Мінск 1977
    76.4 МБ
    De temps en temps, nous allions nous promener ensemble, elle et moi, dans les alentours. Tous les matins on la revoyait au bord de la mer, j’y arrivais au lever du soleil, elle y était déjà.
    Seule sur le rivage, son peignoir jeté sur le sable . encore frais de la nuit, elle faisait de la gymnas­tique. Nous nous disions bonjour en agitant la main au-dessus de la tête, puis elle me criait:
    — Vous dormez bien longtemps, cher ami! Vous gâchez votre temps! C’est bien dommage de ne pas profiter de toute cette magnificence!
    Et c’était vrai, c’était magnifique autour. Peut-être, grâce à sa présence. Nous nagions dans la mer matinale, l’eau était fraîche. Ça faisait plaisir de savoir que les mêmes vagues nous bai­gnaient tous les deux. Ensuite nous nous sé­chions avec nos serviettes imprégnées de l’odeur de la mer. Après cela, nous nous approchions. Nous nous disions de nouveau bonjour et nous rentrions juste au moment où nos collègues de pension se levaient. Au déjeuner je revoyais Véra, elle semblait pressée de rencontrer mon regard.
    Lorsque sa place était longtemps vide, cela m’ennuyais, je t’attendais avec impatience.
    — Je suis en retard. Je vous demande pardon. Mes exercices m’ont fait oublier l’heure, disaitelle génée, comme si elle avait des comptes à me rendre.
    Un jour que nous étions couchés sur le sable brûlant de la plage en plein soleil, un collègue et moi, et étions occupés à regarder au loin la fumée d’un bateau, ce collègue me dit, comme par hasard:
    — Une femme sympathique, ta voisine.
    — Qui? Véra? demandai-je.
    — Mais oui. Dommage qu’elle ait quelque chose à l’oeil. Une femme si belle. Elle doit être bien malheureuse.
    — Qu’est -ce qu’elle a à l’oeil? questionnai-je, étonné.
    — Elle a du être blessée. Tu n’as pas remar­qué que quand elle regarde, elle fronce un peu les
    sourcils gardant les paupières mi-closes? Et puis elle tient la tête toujours un peu de côté pour ne pas montrer son infirmité, elle cache sa tempe.
    — Ce n’est pas Véra! repliquai-je vivement. Tu dois te tromper de personne.
    Comment? Et tu n’as rien remarqué jus­qu’à maintenant? Mon collègue se mit à rire s’amusant de ma méprise relative à cette femme.
    Je revis Véra. Je regardai son visage avec in­sistance. Véra le remarqua. Elle battit des sour­cils, se tourna de manière à cacher la tempe droi­te, se mordit les lèvres comme si un mal subit venait de se faire sentir. Du coin de l’oeil, où commence le premier pli, signe de la sagesse de l’homme, semblable à un minuscule serpent, la ligne sinueuse d’une cicatrice à peine visible glissait jusqu’à la tempe, masquée par une légère mèche de cheveux. La mort avait frôlé cette femme. La guerre avait laissé son empreinte.
    Je sentis quelque chose de pur, de noble et de sacré m’envahir. Cette femme était belle, la plus belle, c’était la meilleure femme au monde.
    Et chaque fois que je vois Véra, involontaire­ment je pense à mon collègue en me disant qu’un sentiment inhumain lui avait fait perdre la vue.
    1958
    Piatruss Brovka
    ooo
    ANETKA
    Cela faisait trois ans que je travaillais au bu­reau de recrutement comme employé aux écri­tures. Ensuite je passai secrétaire dans un nouvelétablissement. Je m’élevais donc proportion­nellement à ma taille. Rien d’étonnant puique j'avais déjà seize ans. En trois ans beaucoup avait changé, il y avait eu du nouveau. Seul mon supéri­eur était resté le même. Quoique lui aussi montait à son poste. Ivan Régorovitch Boudaille avait été chef du bureau de recrutement du district, aujourd’hui il était président du comité exé­cutif de district rural. J’en étais content puisque je montais à mon poste en même temps que lui, d’autant plus que, jusqu’à un certain degré, il était mon père.
    J’avais donc changé, j’avais grandi au sens pro­pre et figuré du mot. Peut-être parce que j’avais toujours été entouré adultes, je devins tôt adulte moi-même. Et il m’arriva un jour une histoire que je n’aurais jamais eu, étant encore enfant. Je découvris quelque chose de passionnant et de mystérieux à la fois...
    Le comité exécutif rural se trouvait dans les locaux qui avaient servi autrefois au conseil
    d’administration et il y avait dans l’ancienne pro­priété une vaste salle où les gens venaient passer leurs soirées. La salle était immense, près de cinq fois plus grande que la salle qui servait aux réunions. On pouvait s’y rassembler en grand nombre et s’amuser comme il faut.
    J’allai donc un jour à une de ces soirées, orga­nisée dans l’ancienne propriété. Disons, qu’à mon âge, je soignais ma toilette dans la mesure du possible. Je portais un pantalon, il est vrai, de toile, mais bouffant, une vareuse de toile de lin, teinte à l’écorce, une vrai vareuse avec des po ches, serrée à la taille par un bandoulière. J'avais aux pieds des bottes en cuir de russie, je les cirais tellement que tous les cites pittoresques de la région pouvaient s’y refletter comme dans un miroir. J’étais fier d’avoir sur la poitrine une insigne, toute petite mais bien réussie, l’emblème des jeunesses communistes. Et bien sûr, comme le voulait la mode de l’époque, la visière de ma casquette était cassée, de manière à être rabattue sur le front. Aussi, j’avais remarqué que les ado­lescentes, que je rencontrais aux soirées, n’a­vaient d’yeux que pour moi, j’en étais fier.
    Mais un jour tout fut renversé.
    Malvina Sadovnik était venue ce jour là à la soirée avec sa soeur cadette qu’on appelait Anetka. Anetka portait une blouse brodée, at­tachée au cou avec des rubans à franges, une jupe de toile à carreaux, serrée aux hanches, moulait sa taille bien faite. Elle avait un petit visage rond avec dos yeux bleus, mais d’un bleu trèstrès pur, des yeux qui brillaient et d’où semblaient jaillir des étoiles, lorsqu’elle riait. Je la man­geais des yeux, j’essayai de me renseigner: com­ment et avec qui elle passait son temp. Je n’avais pas assez d’audace pour l’aborder. Mais bientôt une occasion se présenta. On était en train de
    jouer, je ne sais plus à quoi, mais ce qu’il fallait faire de temps en temps, c’était de changer de place. Ça fait que je fus obligé de m’asseoir à coté d’Anetka! Et quand, tout à fait par hasard, ma main frôla sa jupe, une bouffée de chaleur m’envahit. Ce qui se passa en moi, je ne saurai le dire, mais si quelqu'un m’avait regardé à ce mo­ment, il aurait vu, pour sûr, que je rougissais et pâlissais à tour de rôle... De peur qu’il m’arri­vât quelque chose de plus grave, je quittai la salle en courant, sans dire un mot à la jeune fille.
    Cette soirée me transforma complètement. J’avais tout le temps Anetka devant les yeux. Lorsque je travaillais, son petit visage provo­quant et rieur sortait d’entre les lignes sur le papier que j’écrivais. Si j’allais me promener, partout il nie semblait entendre sa petite voix flûtée. Il suffisait de me coucher, que je revoyais la petite tête mignone d’Anetka, je la voyais par­tout, sur la table, sur les murs, partout où se portait mon regard. Et cela durait jusqu’à ce que le sommeil me gagne. Le malin, quand je me levais, la première idée qui me passait par la tête, c’était de voir Anetka, rien que pour une seconde. Et avant de me rendre au travail, je faisais tout mon possible pour passer plusieur fois de suite près de la maison où elle habitait. Le soir je choisissait la même route. En un mot, j’avais compris que j’étais tombé amoureux d’Anetka, et j’avais bien peur que quelqu’un vien­ne à découvrir mon secret. C’était un secret, car Anetka, non plus ne savait pas que je l’aimais. J'avais une envie folle de la voir, mais comment? Le meileeur moyen, c’était les soirées.
    J’eus de la chance. Au comité où je travaillais, il y avait un secrétaire que je connaissais, Matseille Javaranak. Nous nous étions connus au bureau de recrutement. Je le priai de venir jouer
    3*	g;
    de l’accordéon le dimanche, et quelquefois aussi dans la semaine. Les jeunes venaient volontiers pour danser. Anetka y était aussi.
    J’avais appris à danser et, comme le disaient certaines jeunes filles, je ne dansais pas mal du tout. J’étais extrêmement content , lorsque, pendant la danse, il fallait changer de partenaire et le hasard me plaçait Anetka dans les bras.
    Jamais je n’aurais osé l’inviter à danser, de peur qu’on dise que je lui faisais la cour. En même temps, j’étais très jaloux lorsqu’elle dansait avec d’autres jeunes gens. J’avais l’impression que tous ces garçons étaient capables et prêts à lui tourner la tête. Alors j’aurais été condamné à la perdre à jamais, d’autant plus que la plupart des jeunes étaient des villages voisins.
    J’avais beau cacher mon amour pour Anetka, ça se voyait quand même. D’ailleurs, beaucoup le dévinèrent. Une fois même, il m’avait semblé qu’Anetka avait deviné que je l’aimais et qu’elle faisait exprès de s’en moquer. J’étais en train de danser avec elle et chaque fois que l’occasion se présentait elle échangeait quelques paroles avec le garçon qu’elle venait de quitter, selon les règles de la danse. La musique cessa, je conduisis Anetka à sa place, près de la scène, je gagnais le coin opposé et je me mis à réfléchir sur ce que je devais entreprendre pour que tous les garçons qui tournaient autour de la jeune fille voyent à qui ils avaient affaire. J’eus une idée superbe. Je portais un pistolet dans la poche de mon pantalon. Ce pistolet je le sortis d’une poche pour le met­tre dans l’autre. Je répétai le manège plusieurs fois. Je voulus d’abord qu’Anetka se rende comp­te que j’avais la confiance complète du comité exécutif et que le poste que j’occupais n’était que transitoire, que j’arriverais bien plus haut, jusqu’au poste de président. Et puis, je ne vou­
    lais pas que les gars viennent inc chercher noise, sachant que je faisais la cour à Anetka.
    Je ne savais pas si j’étais arrivé à impression­ner les gars des villages voisins, mais personne n’avait fait attention à mon pistolet, d’autant plus, qu’à l’époque, dans les villages, beaucoup possédait des fusils au canon coupé, qui faisaient bien beaucoup plus de bruit en tirant. Une seule chose me remplit le coeur de joie: lorsque la soirée se termina, dehors il faisait nuit noire et Anetka, en sortant avec d’autres jeunes files, gazouilla, mi-figue, mi-raisin: