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  • Nouvelles d'auteurs biélorusses

    Nouvelles d'auteurs biélorusses


    Выдавец: Мастацкая літаратура
    Памер: 405с.
    Мінск 1977
    76.4 МБ
    «Le pire dans chaque affaire, ressassait le gé­néral, c’est quand rien ne vous inspire, quand vous
    no savez où voler, quand vous manquez d’enver­gure...»
    L’automobile s’arrêta à l’état-major du régi­ment rien que pour prendre un guide. Le gé­néral avait déconseillé au colonel de le suivre, ce dernier avait été étonné et vexé.
    — Je vous demande pardon, colonel, dit le gé­néral avec douceur, voyant sa mine mécontente. Je sais que dans votre régiment tout est en ordre... Je veux tout simplement rester seul sans être dérangé et sans déranger les autres par des con­versations officielles superflues...
    Mais le colonel le comprit mal et en fut encore plus offensé.
    On partit lentement et quelques minutes après l’automobile entra dans un jeune bois de sapins noyé dans la bruine, d’où émergeaient des char­rettes, des abris, des naseaux de chevaux, des soldats qui couraient.
    Une batterie était postée là.
    Le général sortit de l’automobile et se dirigea vers les abris. La sentinelle prit peur, se jeta à la rencontre du général, ensuite elle fit demi-tour et courut vers l’abri du commandant, d’où sortait un capitaine moustachu à l’air tranquille, cou­vert d’un manteau en peau de mouton. 11 s’ap­prêtait à faire son rapport.
    Mais le général, sans lui laisser le temps de s’approcher, lui demanda, maussade:
    — Pourquoi, capitaine, n’êtes-vous pas à votre poste de commandement?
    Le capitaine traîna avec la réponse, et haïssait déjà le général. Il rageait contre lui-même de s’être laissé aller ces derniers temps, il était resté couché dans son abri, réfléchissant , comment et où percer la ligne ennemie.
    Le général quitta la batterie, accompagné du capitaine, il se rendit à cheval au poste de com-
    mandement. Indifférent, il colla son oeil à la longue-vue sans rien voir à cause du brouillard. De là, il partit à pied, avec un soldat, en direc­tion des tranchées de première ligne où se trou­vait l’infanterie.
    Là, on avait déjà été prévenu par télégramme de l’arrivée du général. 11 était attendu.
    Le général marchait avec un jeune soldat, sans barbe encore, mais qui avait déjà eu le temps de gagner les galons de sons-officier. Le général avait une grande envie d’engager une conversa­tion.
    Le soldat, sans se montrer timide, répondait vivement. Mais la conversation n’allait pas.
    Le général demanda de quelle région il était, qui était resté à la maison, si on lui écrivait sou­vent. Mais il ne saisissait pas dans les réponses du soldat les notes agréables et chaudes qu’il atten­dait. Ces notes, comme croyait le général, n’im­porte quel supérieur respecté doit le ressentir lorsqu’il parle intimement à son inférieur.
    Le général ne savait plus de quoi parler, et fut content d’être enfin sur place.
    Il salua affablement le commandant, le chef et les soldats. Les soldats, gais d’habitude, avaient des mines contraintes, ils le laissèrent passer, il lui avait semblé lire dans leurs yeux le remer­ciement d’être venu les voir, ici, en première ligne.
    On pouvait vivre... 11 ne gelait pas encore trop fort.
    La nuit, on construisait des tranchées et des abris. Tous près du côté de l’ennemi, les soldats avaient creusé des espèces de trous de renard dans les­quels ils avaient apporté des branches de sapins et de la paille d’une propriété abandonnée; une toi­le de tente eu fermait l’entrée.
    Pour se chauffer la nuit on y avait creusé des poêles rudiment aires. De l’entrée une t ranchée me­nait au puits, une autre tranchée, plus petite, était creusée pour laisser l’eau s’écouler.
    Les soldats sautaient sur place pour se ré­chauffer, battaient leurs bottes de feutre, l’une contre l’autre, quoi qu’on pût encore tenir le coup.
    En passant, le général, tout à coup, s’arrêta de­vant un jeune soldat, au visage pâli', au nez long, aux lèvres bleuies.
    — Et du pain, tu en as? lui demanda le gé­néral.
    — Non, vot’xlence! répondit vivement le gar­çon à l’air pas très imposant et il ajouta bien vite en regardant du côté où se trouvait son chef de compagnie. Mais on va nous en apporter au­jourd’hui, vot’xlence!
    — C’est bien, mon brave! dit le général et lui tapa légèrement l’épaule.
    — A vos ordres, vot’xlence! s’écria avec zèle le soldat, se mettant au garde à vous.
    On doit nous apporter du pain aujourdhui, eut la hardiesse de se mêler à la conversation le chef de compagnie.
    C’était un jeune sous-officier, blond, au nez pointu, loin d’être un bel homme. «Un institu­teur, sans doute», pensa le Général.
    — On l’avait attendu hier, mais il est arrivé quelque chose en route, votre Excellence! ajouta le jeune sous-officier et faillit buter sur le der­nier mot.
    — C’est pourquoi ils ne payent pas de mine, dit le général en touchant la joue du soldat. Il était content d'avoir dit cela, content de son ges­te, et que cela avait plu aux soldats, que cela leur remonterait le moral.
    «Qa no fait rien, pensa le général, même dans les situations les plus difficiles, qui semblent
    sans issue, un changement d’état d’esprit, venu on ne sait d’où, permet d’accomplir immédiatement des actions qui paraissaient tout à fait impossi­bles»,
    III
    Le général se dérida et il eut envie de revenir sur ses pas, de regagner la batterie, de parler amicalement au capitaine, de revoir le colonel et de lui dire de bonnes paroles à propos de son régiment. Il eut envie, le soir venu, dans son cabinet de travail, de faire une partie d’échecs avec son ordonnance et le docteur, seul contre tous les deux, et de gagner la partie.
    Il se souvint tout à coup qu’il n’avait pas en­core observé les champs de tir. 11 prit une paire de jumelles et se mit à regarder à travers l’épaisse bru­me qui semblait suspendue devant la tran­chée.
    Avec des jumelles on pouvait voir dans la bru­me les abris allemands. Une faible fumée s’y dé­gageait. On arrivait à distinguer les fils barbelés, des tombes, une croix, les restes d’une maison incendiée
    Jetant un coup d’oeil du côté où avait tendu le bras un vieux soldat barbu, le général vit à travers le brouillard deux Allemands qui creu­saient quelque chose, ils lançaient la terre, un troisième fumait, sa tête dépassait de dessus le parapet de la tranchée.
    — Et alors, vous ne tirez pas? demanda le général.
    — Non, vot’xlence, répondit le surveillant chef. Sur l’ordre de la brigade c’est la batterie qui doit ouvrir le feu quand il y en a beaucoup qui vien­nent travailler... Nous, on ne tire pas souvent...
    — Pourquoi?
    — Ils réparent leurs abris et les fils barbelés la nuit; le jour ils ne se montrent pas.
    Donnez-moi un fusil, ordonna le général.
    11 visa longtemps et enfin tira.
    Malgré le brouillard, le coup de feu claqua sec, mais isolé et comme par hasard. Personne ne ri­posta.
    Alors le général pensa que dans leur situation pas intéressante du tout, malgré leur bonne mine, les soldats avaient besoin d’une bonne fusillade. Autrement ils perdent de leur bravoure et pren­nent l’habitude de se ménager.
    — Et si on marche sur le parapet, on voit bien le champ de tir? demanda-t-il au chef de compa­gnie.
    — Un peu mieux, mais le jour ce n’est pas sans danger, votre Excellence, répondit le chef de com­pagnie et faillit encore une fois buter sur le mot qu’il avait du mal à prononcer.
    Le général le regarda et eut une grande envie de lui envoyer son poing quelque part ou bien de lui faire quelque chose pour qu’il ne fût pas si mollasse. En ce moment le général haïssait le jeune sous-officier à un tel point qu’il était prêt à le frapper.
    Alors, à l’étonnement de tout le monde et de soi-même, le général se tourna brusquement, mon­ta sur le remblai, et, s’appuyant sur l’épaule du soldat, lui dit:
    — Aide-moi voir, mon vieux...
    Il sauta sur le parapet et se mit à marcher tran­quillement.
    — Dzin, dzin, aussitôt deux balles sifflèrent au-dessus des têtes, 1 une après l’autre. Du côté des tranchées allemandes on entendit des coups de feu.
    Quelqu’un dit:
    — On tire. Il y a du danger.
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    «A-t-on besoin de se placer comme ça bêtement sous les balles? Pas possible, il est fou? Le jeune sous-officier indigné regarda le général. Mais moi aussi, je dois marcher sur le parapet, je dois le suivre», pensa-t-il sentant son coeur battre.
    Le général le regarda avec colère et pensa: «Un petit instituteur... de ceux qui mangent avec leur couteau... Il se ménage.»
    Tout à coup le jeune sous-officier sauta sur le parapet et se trouva derrière le général, comme lui, découvert , en plein danger, les secondes sem­blaient des heures. Il fit à peine deux pas, qu’il bascula et glissa dans la tranchée.
    — Oh... s’écria l’un des soldats.
    Le général sauta aussitôt et se précipita avec les autres près de l’hommé étendu.
    Il saisit la main du mort et cria:
    — Mais où est l’aide-médecin?
    Le mort était là, allongé, les jambes repliées, un bras étendu, la main couverte d’un gant en peau de mouton. Son chapeau était tombé et on voyait ses cheveux blonds, peignés sur le côté. Sa barbe, fraîchement taillée, était couverte de boue. Il avait la mâchoire un peu tordue. Près de son chapeau on voyait un peu de sang, collé à la terre gelée au fond de la tranchée.
    L’aide-médecin arriva avec sa mussette, con­tourna doucement le général, se baissa, colla son oreille à la poitrine du mort.
    — Il est mort, vot’xlence, dit-il au général, comme s’il avait voulu ajouter: «Ce n’est pas de ma faute.»
    Le général, d’un geste sûr, croisa les bras du mort, ensuite, sans se presser, solennellement, il retira son chapeau.
    — Repos éternel, murmura-t-il.
    Ensuite, serrant les mâchoires à en faire jouer les muscles, il retira de nouveau son chapeau, se hais-
    sa et déposa un baiser sur le front du mort.
    — Gloire aux fils, morts pour la Patrie, ajou­ta-t-il et, gauche, il arriva avec peine à remettre son chapeau.
    Les balles ne sifflaient plus. Et l’air redevint calme et humide. Au loin, près du bois, sur les flancs, on ne pouvait distinguer si c’était de la fumée ou de la brume.
    1916
    Mikhass Lynkov
    oco
    ANDRÉI LIATOUNE
    — Ali! oui, mon vieux Andréi, où en es-tu arrivé? Finis les vastes horizons, finis les bâtons-pilotes, finis les feuilles de route.... Il ne vous reste plus qu’à moisir sur place, à toi et ta vieille boîte à fumée. Attends qu’on te charge une plate­forme de traverses pourries que tu traîneras à une centaine de sagènes1. Quelle vie, une vie noire comme une burette d’huile. Plus de pression dans ta chaudière, plus de vitesse, plus de signaux ou­vrant la voie, plus de longues randonnées, plus de rails brillants, pliant sous les lourdes roues... Eh! oui, mon vieux Andréi, plus la peine de grou­iller. Et pourquoi? Voilà, parce que nous sommes devenus vieux: les ans rongent les roulements, alors inutile de prendre son élan, on ne peut plus faire de la vitesse... Autrement dit, la misère de la vieillesse n’intéresse personne. Allez, basta! En voilà assez! Te voilà arrivé au but!