Nouvelles d'auteurs biélorusses
Выдавец: Мастацкая літаратура
Памер: 405с.
Мінск 1977
Les contradictions, les conflits de l’individu occupent une place importante dans la nouvelle biélorusse d’aujourd’hui. Ceci est naturel, la Biélorussie industrielle se développe impétueusement. La structure de classes, la structure démographique de la population change radicalement. Des dizaines de grandes usines, de centrales électriques, de fabriques et d’autres entreprises industrielles apparaissent. La profession de l’instituteur, du médecin, de l’ingénieur, du mécanisateur devient une profession habituelle. Chaque promotion de l’école secondaire, de l’établissement d’enseignement supérieur augmente le nombre d’hommes dont la conception du monde, dont les sensations diffèrent considérablement des sensations et des besoins de l’individu, formé en dehors de la collectivité. Dans la société soviétique nous observons l’essor inébranlable de la personnalité, l’élargissement de sa gamme spirituelle.
L’amour est un sujet qui n’est presque pas dégagé dans la nouvelle biélorusse d'avant la Révolution. Ce sujet est traité pour la première fois dans les nouvelles de la période soviétique. Les personnages des oeuvres d’aujourd’hui, comparés à ceux des oeuvres des années 30 — 40, sont plus délicats, plus intelligents dans l’expression de leurs sentiments. Ce fait témoigne
que le monde intérieur de la personnalité grandit, que ses besoins éthiques et esthétiques s’élargissent. Dans les meilleures nouvelles sur l’amour on ressent l’ambiance des recherches morales de la société, de ses idéaux spirituels.
L’homme, possédant des richesses spirituelles, voit autour de lui un monde varié avec lequel il est étroitement lié. Humain, il aime tout ce qui vit, tout ce que nous appelons, en général, par le mot nature. Ce personnage est peint dans les nouvelles de M. Loupsiakov «La mouette pillarde», d’Ivan Tchygrynav «Le simplet de la rue des potiers», d'Ou. Karatkiévitch «Quand j’avais des ours».
L’ambiance de la vie morale porte en elle-même les indices sociaux. Le fait que les écrivains traitent des sujets liés à l’enfance, à la jeunesse, toutes sortes d’histoires de famille, des événements arrivés au cours des voyages, contient en lui-même la compr hension des processus et des tendances de l’époque contemporaine, des changements de la vie sociale. D’une manière ou d’autre, dans ces oeuvres on voit une comparaison très nette de ce qu’était la vie il y a dix ans, vingt ans et aujourd’hui.
La nouvelle possède son «micromonde», ses traits caractéristiques, son style, qui sont variés, uniques, qui dépendent de la personnalité de l’écrivain et du sujet posé à la base de l’oeuvre. L'«école» de Tchékhov n’est pas vaine pour la nouvelle biélorusse d’aujourd’hui. La nouvelle tend à être concise, laconique, le poids spécifique de chaque phrase doit être élevé.
Lesécrivains biélorusses ont beaucoup parlé de leurpays, de leur peuple, de sa lutte difficile, sanglante parfois, pour le bonheur social et humain, ils n’ont pas passé sous silence les problèmes compliqués posés devant leurs contemporains. La nouvelle comme genre doit continuer ses recherches: découvrir les nouveaux phénomènes de la vie, montrer des personnages nouveaux, parler aux contemporains et aux générations futures de l’homme qui vit, qui lutte pour voir son lendemain meilleur et plus beau.
Ivan Navoumenka
Yakoub Kolass
ooo
LE TERTRE SOLITAIRE
Quand le tertre avait été élevé là, par qui et pourquoi, personne ne s’en souvient. J’ai bien dit «avait été élevé», car il a disparu il y a bien longtemps.
Jadis, avec le temps, les années s’écoulaient les unes après les autres, s’accumulaient en siècles, changeant la silhouette de la terre. Par endroits, la terre se couvrit de forêts, de véritables forêts vierges qui, elles aussi, vécurent des siècles. Puis, des peuplades arrivèrent, elles coupèrent les arbres et arrachèrent les souches; les restes furent brûlés, les cendres semées au vent. Alors, les bêtes sauvages quittèrent leur tanière, s’en allèrent à la recherche d’endroits plus tranquilles, pouvant les abriter. Les oiseaux s’envolèrent. Seul, le tertre était resté, muet témoin des événements et des changements qui s’étaient produits sur terre. Il se trouvait là, sans avoir pris part à ces manifestations; il se trouvait là, taciturne, renfermé et austère. Le temps lui avait offert une épaisse couverture, tissée d’herbes et de fleurs.
Je fus saisi par l’envie de pénétrer le mystère du vieux tertre, disparu depuis bien longtemps, mais qui continuait à vivre dans les légendes. Je voulus
savoir pourquoi avait-il vécu à cet endroit, quelle fut son existence.
Le tertre excitait une vive curiosité chez tout être vivant. Couronné d’un chapeau de verdure, il était visible de loin et attirait les oiseaux, surtout les oiseaux de passage. 11 fut longtemps survolé par un aigle à la vue perçante, qui venait se percher sur son sommet et guetter sa proie. Parfois, le soir, on voyait venir une cigogne sans abri, qui n’avait pu trouver de compagne ou bien qui l’avait perdue si elle en avait eu une. Elle y passait souvent la nuit, sur le sommet du tertre, partageant la solitude du géant, car le tertre était haut et puissant. Comme le dit la légende, le tertre avait sa vie à lui, une vie qui le liait à la terre et au ciel. Et seuls les êtres humains ne le savaient pas.
Par une belle et claire nuit, semée d’étoiles, le tertre solitaire remarqua dans la noire profondeur de ciel, placée juste au-dessus de sa tête, une étoile, nue étoile brillante, luisant et rayonnant comme un diamant. Elle scintillait sans cesse, charmante et mystérieuse, laissant filtrer un lumière magique à travers le voile épais de la nuit, pareille à l’oeil voilé par ses cils, de la plus charmante jeune fille au monde. L’étoile brillait ainsi durant bien des années, bien avant que le tertre vint au monde. Elle éblouit et fascina le tertre, qui depuis ne put la quitter des yeux. Aussi chaque nuit, lorsque dans le ciel lointain, s’allumait l’étoile merveilleuse, le tertre arrêtait son regard et n’avait d’yeux que pour elle. Le jour, lorsque les étoiles s’éteignaient, il n’avait de pensées que pour elle, son étoile qui brillait la nuit au-dessus de lui, dans un ciel sans fond. Et le vieux tertre était triste, parce que l’étoile était bien loin, parce qu’il ne pouvait franchir l’espace qui le séparait de l'astre merveilleux. Et
ce chagrin, cette douleur, il ne les gardait que pour lui seul dans son coeur. Son chagrin grossissait lorsque les nuages venaient couvrir le ciel et lui cachaient son étoile. Alors, le tertre était sombre, maussade et abattu. La cigogne, qui venait passer la nuit sur son sommet, chassait un peu de sa peine. Parfois, durant des heures, ils parlaient tous les deux, de ci, de ça; il est vrai, en silence.
Le tertre faisait comprendre à la cigogne:
— Dis, petite cigogne, est-ce que tu pourrais voler un jour dans le ciel, bien loin, jusqu’à l’étoile, celle qui brille là-haut, au-dessus de nous? En réponse, la cigogne abaissait son long bec.
Le tertre solitaire passait des moments difficiles, surtout en automme, lorsque le ciel ne se découvrait plus, caché par les nuages; lorsque la cigogne sa voisine s’envolait dans les pays chauds. Puis, les mauvais jours passaient. Le ciel devenait clair et la nuit s’illuminait de mille lumières minuscules; la cigogne revenait des pays chauds. Le tertre retrouvait sa gaîté. 11 changeait d’habits, se couvrait de jeunes herbes vertes et de fleurs. Qu’il était heureux de revoir son étoile! Elle scintillait de nouveau dans le ciel, à la même place, au-dessus do sa tête. Il aurait alors voulu lui dire tant de choses!
Peu de temps après, le tertre ressentit quelque chose d’étrange. Une nuit, qu’il fixait sa charmante compagne, il lui sembla voir qu’il venait de s’en séparer un petit morceau, un morceau qui se mit à briller dans le ciel... Son coeur faillit s’arrêter, saisi d’un bonheur nouveau, imprévu: l’étoile, son étoile lui envoyait de ses nouvelles. Il l’avait bien mérité, lui qui était resté fidèle à son amie lointaine! Mais ne s’était-il pas mépris? C’était, peut-être, un malentendu? Ou bien, son rêve le plus cher, le plus clair, allait se réaliser?
La nuit pâlissait, les étoiles s’éteignaient une à une à l’approche du jour. L’étrange merveille disparut connue un mirage. Mais alors, la nuit suivante, il se produisit quelque chose de plus étrange encore. Le petit morceau qui, comme il lui semblait, lui avait été envoyé par son étoile, tombait du ciel, tombait sur la terre, tombait avec une telle vitesse que le tertre avait du mal à le suivre des yeux. Il n’en voyait qu’une traînée lumineuse qu’il laissait derrière lui. Le tertre était enémoi,sonbonhcurn’avait plus de bornes. Ensuite, il entendit un grand bruit au-dessus de la terre, un grondement le suivit , pareil à celui du tonnerre. On aurait cru qu’un orgue immense, sur la terre et dans ciel, jouait une musique inconnue. Peu de temps après, tout à coup, quelque chose explosa avec un énorme fracas. La cigogne eut tout juste le temps de quitter le sommet du tertre, qu’il se mit à pleuvoir des éclats de fer et de feu, des cendres brûlantes. Le vieux tertre s’écroula, son habit de verdure tout brûlé. Lorsque tout se fut calmé, la cigogne tourna au-dessus de ce qui était resté du vieux tertre solitaire et pensa: «Mon vieil ami, l’être, que tu avais tant aimé et que tu voulais jalousement rejoindre, t’a perdu».
1954
Zmitrok
Biadoula
OC O
YOULKA
«Ma» (maman) était le soutien bienfaisant, le premier secours au monde de la petite Youlka qui n’ avait que dix mois. Elle avait besoin d’aide, d’assistance pour que la vie prenne un sens et ne soit pas vide.
Et «Ma» se donnait toute entière à sa petite Youlka. Elle faisait «miam-miam» (manger) sa petite enfant, car, comme on sait, «miam-miam», ce n’est pas n’importe quoi, l’homme a besoin du boire et du manger pour vivre. Et la petite Youlka avait son boire et son manger auprès de sa mère.
La petite Youlka avait aussi besoin de nourriture spirituelle et «Ma» lui chantait, penchée sur son berceau, des chansons tantôt tristes, tantôt gaies. Youlka n’oubliera jamais ces chansons...