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  • Nouvelles d'auteurs biélorusses

    Nouvelles d'auteurs biélorusses


    Выдавец: Мастацкая літаратура
    Памер: 405с.
    Мінск 1977
    76.4 МБ
    Il s’était introduit dans sa vie, l’avait remuée, retournée, bouleversée, faisait couler des lar­mes de douleur. Pourquoi?
    Ses épaules ne tremblaient plus. Elle avait cessé de pleurer. Elle restait indifférent aux ca­resses de Léanid. Lui, il sentait qu’elle était froide, réservée.
    — Me voilà belle, maintenant. Que je suis bête de pleurer, dit-elle d’une voix ferme. Vous ne vous attendiez pas à une telle surprise, n’estce pas?
    Et Léanid saisit dans sa voix une raillerie insolente.
    — Mais non... Dans la vie tout peut arriver...
    — Bien sûr. Le petit oiseau insouciant riait, chantait, gazouillait sans arrêt... Aujourd’hui aussi, vous aviez voulu l’entendre chanter. Et là... des larmes, des larmes de femme. Je crois que les hommes n’aiment pas les larmes... Une femme en larmes,c’est quelque chose d’abomi­nable, d’affreux... c’est vrai?
    Elle lui jeta un regard épineux.
    — Alia, je ne t’ai jamais vue si méchante.
    — Je l’ai toujours été. C’est parce que Lé­anid Andréévitch, vous me connaissez très mal. Vous m’avez prise pour une fille frivole... Ce n’était qu’une ressemblance...
    Il fit semblant de ne pas remarquer le ton avec lequel elle avait prononcé son nom. Il lui dit seulement:
    — Tu te tortures pour rien!..
    — Je ne me torture pas, Léanid Andréévitch. C’est trop sérieux. Elle se tut un instant, ré­fléchit, fronça les sourcils et se mit à parler, à parler autrement, le regardant en face:
    — Et dites-moi, pourquoi être douce pour soi-même? Pourquoi?
    Elle le regarde droit dans les yeux, les siens étaient pleins de colère, encore humides de lar­mes, mais résolus. Léanid fut saisi par ce regard nouveau, un regard de femme décidée, un regard qui comprenait tout, voyait tout jusqu’au fond du coeur.
    — Il n’y a rien de terrible... \
    — Rien?
    Il essaya de plaisanter:
    — Aujourd’hui c’est si facile...
    — Facile?! Des flamme brillèrent dans ses yeux. Pour vous c’est facile. Vous...
    — Je t’ai aimée et je t’aime, essaya de se reprendre Léanid. 11 n’y a rien d’extraordinaire à ce que les personnes qui s’aiment n’aient peur de rien. Ne s’arrêtent devant rien...
    Alia ne le contraria pas et il pensa qu’il avait trouvé enfin les bons arguments, les arguments qu’il avait cherchés pour persuader son amie.
    — Alia, dit-il, la prenant par la main, lors­que je pensais à toi, j’oubliais tout au monde. J’oubliais Tatiana, tout, tu m’entends, tout! Je ne pouvais plus ne pas penser à toi! Tu étais pour moi quelque chose de pas ordinaire, de féérique, d’agréable.
    — Féérique, agréable, ajoutez, insouciante... Voilà, c’est tout, le conte est fini. D’ailleurs, tous les contes ont une fin, même, les plus longs
    et les plus intéressants. Et quand le conte est fini, il y a lavie, la grisaille de la vie. La vie avec une fin comme la mienne...
    Tu te fais du mauvais sang pour rien. Tu n’y es pour rien dans tout cela... Au nom de l’amour...
    — Et dites-moi, vous en êtes bien sûr, de m’avoir aimée?., et de m’aimer toujours?
    — Bien sûr... répondit-il rapidement à con­trecoeur. Léanid avait remarqué qu’Alia n’avait rien cru de ce qu’il venait de dire. Cela fit naître en lui un sentiment de résignation butée. Tiens, si tune me crois pas... Je te prierai d’être ma... De­main je vais demander le... le divorce.
    Ceci dit, Léanid ressentit un vide, une inex­plicable faiblesse. «Si, il n’y avait que ça à faire. J’ai bien fait. C’est ça. C’est la seule solution», pensa Léanid.
    Elle avait parfaitement compris ce qui se pas­sait en lui.
    — Vous mentez... Léanid Andréévitch, lui ré­pliqua Alla, sans lui donner le temps de conti­nuer. Si au moins j’étais sûre de votre amour... que vous allez m’aimer! Bien, alors, au nom du grand amour!.. C’est bien dit: «Au nom de l’amour...» En êtes-vous sûr au moins, de votre amour pour moi?..
    — Pour qui, alors?
    — Le bonheur! Le mystère... comme vous aviez dit une fois... Ne dites rien, laissez-moi parler...
    Elle respira pour reprendre son souffle.
    — Que j’étais bête! Son visage exprima la douleur. J’ai cherché l’amour, je l’ai trouvé. J’ai trouvé le prince charmant... que j’ai suivi... comme une aveugle. J’ai vécu comme dans un rêve!.. Qu’est-ce qui c’est passé après?! Comment cela a-t-il pu arriver?! Comment se fait-il que je
    n’ai pas compris que pour vous je n’étais qu’un divertissement. Un simple jouet.
    — Alia, ce n’est pas vrai...
    Pas vrai?.. Ce n’est... pas vrai? Vous m’aviez bien dit que le ménage vous ennuyait,. Je n’avais pas pensé, moi... que lorsque je serais...
    Alia, je te promets. Alia, j’ai bien dit...
    — Ne continuez pas, ce n’est pas la peine... Vous croyez que je n’ai pas remarqué que vous aviez eu peur lorsque je vous ai parlé de l’en­fant?! J’ai compris, j’ai tout compris... Vous avez regretté ce qu’il y avait eu entre nous.
    — Alia, je suis prêt à expier ma faute. Léanid détourna son regard. Alia secoua la tête.
    — Votre faute?! Non, la faute, c’est moi qui doit l’expier, toute seule. Son visage se convulsa, elle fut sur le point d’éclater en sanglots, mais se retint. Oui, toute seule. Ces genres de fautes, ce sont les femmes qui les payent... Alors, s’il faut réparer, réparons. Vaut mieux réparer la faute que d’en commettre une nouvelle.
    Alia se détourna vivement. Léanid vit ses épaules trembler. Il entendit des sanglots étouf­fés. Il essaya de la prendre par les épaules, elle le repoussa vivement. «Maman...Maman...»lais­sa-t-elle échapper. Léanid comprit qu’Alia avait pensé comment annoncer la nouvelle à sa mère et à son père, pas trop aimable.
    11 se sentait perdu. Il tenait dans les mains une brindille de bouleau qu’il cassait machinalement. Il ne savait même pas quand et comment il l’avait ramassée, tellement il était préoccupé par la pensée de ce qui se passait. Que c’était désagréable, quel coup cruel et traître lui avait porté la vie! Il s’efforça de réfléchir à ce qu’il devait faire dans une situation pareille, de trou­ver une issue. Se marier, il ne fallait pas se faire des illusions, il sentait lui-même que cela
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    signifiait commettre une deuxième faute. Le divorce, une masse de formalités, des explications, les explications qui auraient une influence sur son avenir. Et puis, comment allait-elle mettre sa mère au courant? Qu’allait dire le père? Que faire avec l’enfant?
    Il ne trouva de réponse à aucune de ces ques­tions... 11 faut se calmer, réfléchir sur tout cela. Une solution peut se présenter, une bonne solu­tion qui permettra de défaire le noeud... Et Tania, qu’est-ce qu’elle va devenir? Un nouveau sentiment l’envahit. Il pensa également à son petit Valodzka.
    Il continuait à tortiller dans ses mains la brindille de bouleau...
    Alia, rageant contre elle-même, cessa subi­tement de pleurer, s’essuya le visage, mit de l’ordre dans ses cheveux. Elle dit tristement:
    — Il me semble que nous n’avons plus rien à nous dire.
    Lorsqu’elle vit que Léanid avait l’intention de l’accompagner, elle ajouta avec haine:
    — Ne te dérange pas!..
    Elle partit, descendant le sentier, fatiguée, triste, austère.
    1955
    Yanka Bryl
    coo
    ILS ETAIENT VINGT
    Le Gloria vient de quitter Capri. La nuit, une nuit noire d’automne couvre le golf de Naples.
    Sur le pont du paquebot, l’accablante chaleur de la journée fait place au froid de la nuit. Je n’ai plus envie de rester sur le pont ressassant mes pensées déjà vieilles, je n’ ai plus envie d’écou­ter le murmure des vagues, de regarder les étoiles, les mêmes que partout, je n’ai plus en­vie d’admirer le paysage exotique des mille feux du téléphérique sur les pentes invisibles du Vé­suve.
    Me voici assis sur le pont couvert, le front ap­puyé à la vitre, fatigué par trois jours de course touristique, plongé dans un demi-sommeil. Tan­tôt je cède à l’engourdissement voluptueux, tan­tôt je sors de cette torpeur qui s’empare de mes membres pour retrouver dans le mélange des bruits du bateau: en haut, les mille pieds traînant sur le pont combinés à mille voix; en bas, l’im­pitoyable et monotone fracas des machines pé­nétrant jusqu’au coeur...
    Mes souvenirs sont pleins de soleil, d’azur et de verdure. Les trois jours de voyage me ren­
    voient le bleu de la mer, vue de près et de loin, à mes pieds et de la fenêtre des wagons et des cars; les verts citronniers tachetés d’or; les pa­rasols majestueux des pins toujours verts; les oliviers au tronc noueux accrochés aux pentes abruptes des montagnes; dans les vallées, les boeufs paisibles et lents tirant la charrue; les huttes grises au toit d’herbe; les huttes plus peti­tes des rûchers... Je revois sur le lointain azuré do la mer les volcans au cône menaçant; les mar­bres éternels des ruines antiques au milieu des­quels apparaissent simplement, comme chez soi les têtes vertes des choux...
    J’entends les rires joyeux sur l’eau, des rires éclatants qu’on ne peut retenir.
    Elle est magnifique ta Patrie, mon cher arnica aux yeux bleux.
    Si j’en avais été capable, je te l’aurais dit encore avant-hier, aussitôt que j’ai vu Naples baigné dans la brume, aussitôt que je me suis perdu dans ses rues tantôt larges avec des pal­miers en bordure et de riches maisons aux ver­tes persiennes, tantôt étroites, pleines de guenil­les sèches ou humides exposant la misère... A Ro­me, je t’aurai parlé de ci, de ça sous la voûte du Panthéon où vacille la flamme éternelle sur le tombeau de Raphaël; au musée du Vatican; près des vitrines avec les manuscrits de Galilée et de Pétrarque; dans les ruines célèbres du cirque dont les pierres sentent encore le sang des es­claves; dans la cathédrale de Saint Pierre enchainé qui n’est pas une légende biblique, mais l’oeu­vre des génies nés sur tes terres, une église ren­fermant des richesses prisonnières de ses murs d’une puissance capable de soulever et l’église et le vieux quartier qui l’entoure...
    Elle est merveilleuse, ton Italie!
    Il est étonnant et navrant que pendant les trois jours et trois nuits, je n’ai pas entendu un seul chant...
    Il est vrai, que mon idée naïve sur l’insou­ciance des joueurs de mandoline a complètement changé... Lorsque j’ai vu les usines dans les nuages de fumée, les blancs palais et les puis­sants navires, j’ai compris que toutes ces richesses étaient l’oeuvre des mains laborieuses, des mains appartenant à un peuple toujours gai, à un peuple dont le labeur peut servir de modèle.