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    Nouvelles d'auteurs biélorusses


    Выдавец: Мастацкая літаратура
    Памер: 405с.
    Мінск 1977
    76.4 МБ
    Il y a un village dans notre pays aux lacs bleus. Après le village, un mont semblable à un cône gi­gantesque dont on aurait coupé le dessus et semé des bouleaux. De là, on peut voir en même temps cinq grands lacs. C’est de là, que tu pourrais, arnica, revoir l’azur de ton pays, ressentir du bonheur regardant dans le lointain semblable au tien. De là, on peut voir aussi les champs, les villages, les routes qui serpentent,les deux rubans argentés, d’une ligne de chemin de fer.
    Par une nuit de mai, de l’année quarantequatre, une nuit de sommeil profond et tranquil­le, une nuit où le chant du rossignol couvrait les pas des partisans, là, où semblables à deux cordes tendues, on entend sur les rails un fracas de ton­nerre. Un bruit habituel que nous mettions à nos comptes. Un bruit que l’ennemi payait en nerfs et en sang...
    Malheureusement pas qu’avec le sien...
    Le matin de bonne heure, le village près du lac a été cerné par des hommes en uniformes vertgris. Il y en avait beaucoup de cantonnés à la gare voisine. Mais cette fois-ci, pour une opé­ration de grande envergure il leur a semblé qu’ ils étaient peu, alors les nazis distribuent des fusils à une équipe d’ouvriers venus de ton pays
    et. transformés en esclaves après, quand l’Italie est sortie de la guerre. Mais certains officiers, partenaires d’hier pour refaire uhe Europe nouvel­le, aujourd’hui, se sont vite de nouveau associés..'
    Ecoute, arnica, pleurer le petit à cheveulure blonde dans les bras de sa grand-mère aux che­veux blancs devant la rangée de bourreaux!.. Regarde, il est en chemise, le petit, ses pieds ont encore gardé la chaleur do son petit lit qu’il vient de quitter.
    Ecoute le murmure d’une foule innocente con­damnée à mourir!..
    Ecoute l’ordre d’ouvrir le feu auquel vingt fusils, les fusils de tes compatriotes ont refusé de tirer!..
    Ecoute le silence éternel qui s’est abattu sur encore une tombe commune!..
    Tes compatriotes ont été désarmés. Ils ont rendu leur fusils sans savoir ce qui les attendait. Ils ont reçu l’ordre de se ranger au-dessus des corps encore chauds. Ils se sont soumis ne croyant en­core pas à ce qui allait se passer...
    Aujourd’hui, près de la tombe, des bouleaux au tronc argenté sourient au soleil, près des pier­res où nul nom est gravé, poussent mille fleurs plus belles les unes que les autres. Dans le vil­lage, voisin des cinq lacs argentés qu’on voit du sommet où poussent les bouleaux, les gens, sim­ples, ouverts et honnêtes parlent souvent des vingt inconnus qui ont baissé leur fusil... qui n’ont pas voulu au prix du sang innocent payer leur retour, leur retour dans le pays merveilleux qu’est le vôtre...
    Arrête ton canot, arnica!.. Arrête un instant pour que l’eau devienne calme! Honorons leur mémoire par une minute de silence.
    Aliaxey Koulakovski
    ooo
    LA BOUTEILLE DE KVASS
    Sur une planche, en guise de banc, clouée assez bas près de la palissade, trois vieilles femmes étaient assises, trois retraitées du kolkhoze: la mère Mamytchykha, la mère Ladymiérykha et la mère Makatrykha.
    Pourquoi les appelait-on ainsi? Bien sûr, du nom de leurs maris, morts depuis longtemps. La mère Mamytchykha avait pour mari Kosstouss Mamyka. Mais on ne sait pour quelle raison, ja­mais elle n’avait été appelée Kosstoussikha. Elle avait été surnommée «la Mamytchykha», plus facile à prononcer, sans doute. La mère Ladymié­rykha, très belle autrefois, arriva au village après qu’elle se fut mariée avec Ouladzimir Boussel, un gars du pays, un peu forgeron, un peu bourrelier. Elle aussi n’avait pas été appelée Bousslikha, comme il aurait fallu le faire. Mais comment et d’où était arrivé au pays Makatsior1, personne ne pouvait le dire.
    Les trois bonnes femmes avaient l’habitude, le soir, de sortir dans la rue du village. Il est vrai,
    1 Surnom donné par dérision. Makatsior veut dire en biélorusse vase à piler les graines de pavot. (N. d. T.)
    qn’on pouvait, les voir aussi on plein jour, assi­ses sur le même banc. Le temps ne leur manquait pas. Mais elles préféraient sortir le soir, il n’était pas commode de paresser alors que tout le monde était à l’ouvrage. Mais dès que le soleil était près de se coucher, elles s’empressaient d’occuper l’endroit intime qui risquait d’être pris par un couple amoureux. Elles arrivaient donc toujours les premières et dans leurs plus beaux habits. La mère Mamytchykha mettait une jupe neuve, il est vrai, de coton, à un rouble le mètre, mais qu’elle s’était fait faire il n’y avait pas longtemps par Nina, sa fille. Elle avait une blouse do basin, sur la tête un foulard d’indien­ne; Pour une autre personne un tel ensemble n’au­rait coûté que la moitié do la retraite d’un mois. La mère Mamytchykha était devenue dépensière en vieillissant, d’autant plus qu’elle aimait être à l’aise dans ses habits.
    La mère Ladymiéryhka ne se tracassait pas trop pour s’habiller à neuf, sans parler des foulards qu’elle changeait souvent. Elle en avait beau­coup, des cadeaux de ses fils ou de sa belle-fille. C’était pourquoi elle pouvait se permettre do venir chaque fois avec un nouveau fou­lard.
    Parlant des vêtements de la mère Makatrykha il ne faudrait pas, évidemment, oublier de men­tionner sa jaquette de peluche. Une jaquette, vieille, mais solide encore, qu’elle portait été comme hiver. Il est vrai, que pendant les grands froids, elle mettait encore par-dessus la jaquette une douillette ouatée. Elle vivait auprès de son gendre, un homme avare quand il était question d’habiller sa femme, alors que sa belle-mère, il était prêt à l’enterrer dans sa vieille jaquette de peluche. On ne dirait pas qu’il ne gagnait peu. Non. Mais il n’avait jamais assez de son
    argent, c’était pourquoi il en empruntait à sa belle-mère. Et il ne le lui rendait jamais.
    Il était arrivé que les trois femmes perdirent leurs maris en même temps. Mamyka, Boussel et Makatsior avaient été réveillés la même nuit, à la même heure. Lorsque le lendemain matin leurs femmes leur apportèrent de quoi manger au bureau de la station de machines et de trac­teurs, elles arrivèrent trop tard...
    C’était à la veille de la guerre.
    Pendant la guerre ces femmes avaient aidé les partisans. Elles vivaient, ou plus exactement moisissaient et pourrissaient avec leurs enfants, bloquées, dans les marais. Après la guerre, toutes les trois vécurent dans le même abri provisoire, toutes les trois, aidées de personne, labourèrent la terre... Toutes les trois vécurent dans la même at­tente, l’attente de leurs maris. Leurs maris ne rentrèrent pas.
    Petit à petit la vie s’arrangea, les années pas­sèrent sans que personne ne s’en aperçoive. L’âge de la retraite arriva. Il est vrai qu’elles auraient pu encore travailler un peu, mais la santé n’était plus la même. Et puis, le chef d’équipe n’avait plus de travail pour elles. Voilà pourquoi elles s’ennuyaient, toutes les trois, des journées vides, passées à la maison.
    Souvent, elles restaient assises sur leur banc, sans causer, toussotaient jusqu’à ce que la con­versation s’engageât et prît bon train. Alors qu’au­jourd’hui, la mère Mamytchykha arrivait en souriant et de loin avait commencé à faire des gestes à ses amies. Elle leur rapporta une nou­velle qu’elle avait apprise de sa fille.
    — On va nous augmenter nos pensions! Vous avez entendu?
    Après cela la mère Mamytchykha s’assit lour­dement sur le banc et regarda ses voisines, quêtant
    sur leur visage l’effet qu’avait fait la nouvelle. Les doux femmes n’avaient pas l’air d’être con­tentes. La mère Mamytchykha en fut étonnée, puis, tournant ses idées dans la tête, elle devina la raison de l’air mi-soucieux, mi-boudeur qu’a­vaient ses amies. La mère Ladymiérykha vivait auprès de son fils qui était instituteur, elle en avait deux autres en ville. Elle avait éga­lement des filles mariées qui, elles aussi,ne l’oubli­aient pas. Par conséquent, elle ne touchaitpas à sa pension, sans parler des sous qu’elle donnait à ses petits-fils pour acheter des glaces ou des cahiers. Ou encore, la mère Ladymiérykha aimait prêter son argent, elle le prêtait parce qu’elle n’avait pas oublié qu’autrefois, elle aussi, avait été obligée, d’emprunter. Dans le temps, elle empruntait souvent du pain, de la farine, de l’argent aussi, et même du sel. Il avait été un certain temps, après la guerre, qu’on ne gagnait presque rien au kolkhoze, même en travaillant du matin au soir, tous les jours. Et puis, ses fils n’étaient pas encore sortis des hôpitaux où ils soignaient leurs blessures ou leurs commotions, restes de la guerre.
    La mère Makatrykha, après un silence, dit qu’elle avait déjà entendu parler de l’augmen­tation, c’était son gendre qui lui avait annoncé la nouvelle. Et elle ajouta qu’il s’était réjoui parce qu’il allait pouvoir alors remplir son verre encore un peu plus. Il n’avait pas manqué de dire: «Plus la pension de la belle-maman est grande, plus mon verre est plein.»
    Il s’en était suivi que seule la mère Mamytchy­kha était contente de la nouvelle. Toute sa vie, elle avait voulu et s’était efforcée de vivre un peu mieux que les autres. Et elle aimait le sou­ligner. Il lui arrivait même de vanter ce qu’elle avait do mauvais. Elle se vantait sans cesse. Et
    si elle n’avait rien à louer, alors elle inventait quelque chose qu’elle colportait dans le village, rien que pour ne pas être comme les voisins.
    Une fois, bien avant la création des kolkhozes, ils avaient décidé de refaire leur chaumière af­faissée par les ans. Alors la mère Mamytchyka disait partout:
    — Maintenant, on va se faire une belle maison, une vraie maison!
    Il était clair qu’on ne pouvait pas construire une maison avec les restes d’une chaumière a moitié pourrie. Et cette vantardise lui avait valu un sobriquet de plus qui vint s’ajouter au pre­mier. Aussi, parfois on l’appelait la mère Mamytchykha — maison.
    Aujourd’hui la mère Mamytchykha vivait dans une vraie maison. Personne n’y trouvait à redire, une maison et pas une chaumière. Son gendre travaillait comme chauffeur sur le chantiers, alors les briques, la toiture et le reste, c’était lui qui les avait apportés. Après cha­que hiver, il repassait les fenêtres et même les corniches à la peinture et il choisissait des cou­leurs vives, voyantes. Pour les travaux qu’il fai­sait à la maison, jamais il ne demandait quoi que ce fût ni à sa bellemère, ni à sa femme. Mais alors, lorsqu’il prenait une cuite, ni l’une, ni l’autre n’étaient à l’aise dans la maison et pas­saient le moment dangereux soit dans la rue, soit chez des voisins. Il suffisait de rencontrer la vieille sur le chemin du retour, l’orage passé, qu’elle se lançait dans des explications douteuses: «Vous pensez, j’ai passé un temps fou au ma­gasin à essayer des chaussures. Je n’en ai pas trouvé à mon pied. Et puis, celles-ci sont encore bonnes.» Elle faisait alors un pas de côté pour montrer sa chaussure.