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  • Nouvelles d'auteurs biélorusses

    Nouvelles d'auteurs biélorusses


    Выдавец: Мастацкая літаратура
    Памер: 405с.
    Мінск 1977
    76.4 МБ
    Ma mère décida d’attendre son retour pour, par son intermédiaire, remercier Lénine, pour qu’il ne pensât pas qu’elle était une empotée qui avait reçu son papier pour le pain et avait tout oublié.
    Bientôt la secrétaire parut et dit à ma mère:
    — Attendez une minute, camarade Kouzmiankova.
    Après elle fit passer chez Lénine les deux visi­teurs vêtus d’une façon chic pour ce temps-là, avec une grosse serviette, qui avaient parlé une langue étrangère.
    Quand la porte fut fermée derrière eux, Lidzia Aliaxandravna s’approcha de ma mère et lui dit tout bas:
    — On va vous faire passer au réfectoire du Sovnarkom. Voilà un bon pour le dîner. Ré­confortez-vous, vous vous êtes beaucoup tour­mentée. Vous êtes pâle.
    Ma mère devina que cela venait de Lénine et... eut le souffle coupé, des spasmes lui serrèrent la gorge; avalant ses Larmes, elle fit aveu, se sentant coupable:
    — Je ne l’ai pas remercié... S’il vous plaît,
    je vous prie, nia chérie, de transmettre que je... que mes enfants...
    — Ne vous inquiétez pas. Vladimir Ilitch com­prend tout, la calma Lidzia Aliaxandravna.
    Le réfectoire, une petite salle, était vide, on avait dîné depuis longtemps. Une femme âgée donna à ma mère une assiette de soupe et un petit morceau de pain. La soupe était claire, pas riche en sucs de viande, mais elle sentait bien les épices, l’oignon, la feuille de laurier, le poivre.
    Ma mère avait quitté la maison sans manger, elle avait faim, mais quand elle prit la première cuillerée, des larmes montèrent à ses yeux et une grosse larme tomba dans la cuiller. Ma mère n'essuya pas ses larmes, elle n’eut pas honte qu’on aurait pu la voir. C’étaient des larmes d’une joie extraordinaire qu’elle n’avait ja­mais éprouvée jusque là, mais ce n’était pas la joie de voir ses voeux comblés. Non, c’était la joie, le bonheur d’avoir senti, d’avoir com­pris, par son coeur et par son esprit, quelque chose de plus important.
    Pendant quarante ans ma mère a parlé de cet événement, le plus mémorable dans sa vie, et elle souffrait quand elle ne pouvait pas, les mots lui manquant, exprimer ses sentiments, elle craignait chaque fois qu’on pouvait ne pas bien comprendre tout ce qu’elle avait senti. Avant cela, peu lettrée qu’elle était, elle ne comprenait pas tout le sens de la révolution, et là-bas, au Kremlin, pendant une demi-heure, elle avait compris l’essentiel, le principal.
    Un nouveau monde s’ouvrit devant elle et elle y entra, elle se sentit tout tout à fait autre, elle se sentit libre, égale à tous, elle se sentit citoyen­ne. A ce moment-là, elle vit l’avenir de ses en­fants, notre bonheur.
    Les larmes aux yeux, ma mère revit Lénine, elle entendit de nouveau sa voix: «Faites, s’il vous plaît, que l’hôpital envoie chez Kouzmiankova un bon docteur. Envoyez votre fils à l’école. Absolument».
    Ma mère se reprit quand quelqu’un lui demanda la permission de se mettre à sa table. Un homme avec un pince-nez, à une petite barbe blanche, s’assit en face d’elle. Il aurait pu choisir une autre table, mais, évidemment, il vit que cette femme pleurait et, sans comprendre la raison de ses pleurs, il avait décidé de la consoler.
    Ma mère essuya ses larmes et lui sourit gaiement, sans se gêner, en toute simplicité, comme s’il était sa vieille connaissance, bien que ce fût un homme savant qui était devant elle, un intellec­tuel, et auparavant elle se troublait toujours devant les savants, elle avait peur d’eux et elle ne les aimait pas, parce, qu’elle croyait qu’ils appartenaient tous à la classe bourgeoise. L’hom­me fut étonné de son sourire, ma mère vit son étonnement et devint plus gaie.
    On lui donna aussi de la soupe et un petit morceau de pain. Us commencèrent à manger. Mais ma mère mangeait sa soupe sans pain. L’homme demanda:
    — Pourquoi ne mangez-vous pas le pain?
    Ma mère regarda le pain et répondit:
    — Je vais le prendre pour mes enfants. Est-ce possible?
    — Oui, sans doute. Je vais vous donner du papier. Il posa sa cuiller et fouilla dans sa ser­viette qu’il avait mise sur le plancher.
    Ma mère se réjouit de cette idée d’apporter du pain de la part de Lénine pour moi et pour Vassia. Ce petit morceau devint pour elle un grand symbole, plus important que n’importe quoi d’autre pendant cette journée mémorable.
    L’homme mit sur la table une feuille de papier blanc. Ma mère mit le pain sur le papier et de­manda à ’homme.
    — Avez-vous vu Lénine?
    Il sourit:
    — Je travaille au Sovnarkom; il vit que cela ne lui disait rien et ajouta: Nous nous voyons pres­que chaque jour.
    — Chaque jour?! ma mère eut une grande es­time à l’égard de ce vieux qui avait un visage maladif, maigre et l’envia. Evidemment, elle ne put se retenir et lui parla de sa joie.
    — Moi aussi, j’ai été chez Lénine.
    Etant encore petite, j’allais à l’école, j’enten­dais le récit de ma mère et je pensais: ce vie il homme avait compris ce qu’il y avait dans l’âme de cette femme simple. Quant à l’oncle Ivan, je m’en souviens,il fut long à croire et à comprendre.
    Quand ma mère fut rentrée, elle s’élança vers moi, joyeuse, et me donna un morceau de pain.
    — C’est pour toi, de la part de Lénine.
    Mon oncle sourit méchamment, son visage se crispa. Ma mère se mit à raconter qu’elle avait été chez Lénine, ce qu’ils s’étaient dits.
    L’oncle souriait toujours.
    — Des contes. Tu as bien appris, Aksinnia, à leur raconter des contes.
    Alors ma mère, sentant que son frère ne la croy­ait pas, se mit à donner îles preuves, elle montra la permission qu’elle avait reçue au Sovdep.
    L’expression du visage de mon oncle changeait à mes yeux. Enfin, le paysan qui avait cru sa soeur se signa et dit:
    — Dieu merci. Donc, tout ça, c’est de la vérité, ce que le commissaire nous a dit.
    Mikola Tkatchov ooo
    UN CADEAU INESTIMABLE
    11 y avait déjà un bon moment que je flânais sur le marché de la petite ville de Pinsk, quand je remarquai que j’étais suivi par un homme, brun comme un Tzigane. Je décidai de m’intéresser à mon tour à cet inconnu qui me suivait pas à pas depuis un certain temps, et, pour ne pas éveiller ses soupçons, me faufilant, je me cachai derrière un long étalage de marchandises. Je regardai dans la direction de mon fileur: il avait aux pieds des bottes poussiéreuses et usées, aux tiges pliées en accordéon, il portait un vieux pantalon noir rapiécé à un genou, sa veste, de la même cou­leur que le pantalon, était un peu moins usée, elle avait l’air d’avoir été passée, elle flottait sur des épaules maigres et semblait être soutenue par un gilet et une chemise de basin, on avait l’impression qu’elle remplissait mal scs fonctions de veste. L’inconnu tenait dans la main droite plusieurs lames de scie enroulées dans un morceau de jour­nal; ces lames étaient neuves, elles étaient encore enduites de graisse, la preuve qu’il venait de les acheter dans une des boutiques du marché. Qui était-ce? Un ami oublié depuis longtemps? Etonné de ne pas avoir été reconnu, il ne s’était pas permis de m’aborder. Il aurait pu, d’ailleurs, se tromper,
    c’est pourquoi il avait décidé de me suivre, pour m’observer et trouver un prétexte pour m’aborder. C’était, peut être, une personne que j’avais rencontreé autrefois, à qui j’avais parlé en tant qu’éccrivain. C’était, peut être, un amateur de dic­tion ou un débutant dans l’art d’écrire. Parmi ces derniers il y avait des personnes assez curieuses. Je me souviens, un jour, avoir suivi, moi-même, un poète, après l’avoir écouté pendant une soi­rée littéraire à l’institut où je faisais mes études. Je n’arrivais pas à me rappeler où et quand j’avais pu rencontrer cet inconnu qui me suivait. D’au­tant plus que j’étais à Pinsk pour la première fois et ça ne faisait que deux jours que j’étais là. Je n’avais eu jusqu’à maintenant aucune rencon­tre et aucun entretien; d’ailleurs, rien n’avait été prévu dans ce sens. J’avais profité tout sim­plement de quelques jours de liberté pour venir dans cette petite ville, sans aucun but précis. Un peu fatigué des affaires tumultueuses de la capi­tale, j’avais eu envie de respirer un peu d’air pur de la campagne, de voir un peu comment se mouvait, loin de la capitale, la vie tranquille de province. C’était pour cette raison que j’avais choisi cette petite ville, ce petit coin ori­ginal qui m’était inconnu jusqu’à présent. Ici, tout m’intéressait, c’est pourquoi je passais des heures entières à vagabonder dans les rues de la ville, à découvrir le vieux et le nouveau, à coudoyer ses habitants et à écouter leurs bavardages. Ce qui était pour moi un plaisir énorme, un re­pos, une source d’impressions. Je n’avais mis personne au courant de mon arrivée, et, si quel­qu’un avait quelques renseignements à ce sujet, ce quelqu’un était l’administration du petit hôtel où je m’étais arrêté. Voilà pourquoi j’étais très in­trigué d’apprendre qu’ici, à peine arrivé, j’avais déjà intéressé quelqu’un. Qui était-il, cet inconnu?
    Je m’arrêtai devant une caisse pleine de poires succulentes. La vendeuse, une jeune femme au visage rose et souriant, se tenait derrière une table. Je posai mon filet avec mes achats.
    Qu’est -ce que c’est que ces poires magnifi­ques? Comment s’appellent-elles? demandaije à la jeune femme.
    Elle me sourit gentiment, se leva et me ré­pondit d’une voix agréable:
    — C’est une des meilleures espèces, greffée par mon homme. A vrai dire, elles ne portent pas de nom, mais, dans mon village, on les appelle, par plaisanterie, tout simplement les Valériennes.
    — Par plaisanterie? m’étonnai-je, sans com­prendre. Et pourquoi Valériennes?
    La jeune femme, un peu confuse, m’expliqua en baissant les yeux:
    —Mon mari s’appelle Valérien. Voilà, ou les a appelées les Valériennes, ses poires.
    — Eh bien, ce n’est pas mal... Les Valérien­nes! Et puis, elles doivent être bonnes?
    — Pas mauvaises.
    Et, sans oublier l’inconnu qui me suivait et qui devait être quelque part derrière moi, je répli­quai à la jeune femme:
    — Aujourd’hui il y a un grand choix, regar­dez ces montagnes de fruits, tout autour.
    Evidemment, ces paroles adressées à la jeune femme, avaient un but tout autre, car, tout en les accompagnant d’un large geste de la main, j’en profitai pour jeter un regard autour de moi. J’eus tout juste le temps de retenir dans ma mémoire le visage de l’inconnu. L’homme, était assez âgé, basané, du type tzigane, aux traits fins et sym­pathiques, à la moustache et aux sourcils noirs. Ce que je remarquai également, c’était sa chevelu­re qui s’échappait de dessous un chapeau posé